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Les dangers de la dette

Publié le 22/02/2012

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28 avril 1991 - " La dette ne risque plus de faire sauter le système financier mondial. " Cette remarque d'un expert français est aujourd'hui largement partagée dans la communauté internationale. Pourtant, neuf ans après la crise mexicaine, la dette du tiers-monde reste l'une des grandes menaces qui pèsent sur l'économie mondiale. Les progrès, certains, réalisés depuis l'été 1982 soulèvent de nouvelles questions. Au Nord ( dans les pays riches), comme au Sud et à l'Est, un malaise persiste. Au rythme des concessions du Nord et des restructurations du Sud, il ne fait pas de doute que le problème de la dette a avancé. Après avoir continué à augmenter au cours de la première moitié des années 80, le stock de la dette est désormais stable (1). Soucieux de réduire le fardeau financier des Etats en développement, les responsables des pays industrialisés ont décidé, en 1988, d'annuler un tiers de la dette des pays les plus pauvres ils ont ensuite persuadé les banques d'effacer une partie de leurs créances sur les Etats lourdement endettés à revenus intermédiaires, comme le Mexique (2). Enfin, le Club de Paris, qui réunit les créditeurs officiels, a renoncé à son principe sacro-saint selon lequel toutes les dettes contractées à son égard étaient dues. En l'espace de quelques années, on est passé du plan Baker ( 1985)-qui stipulait que, pour que la dette puisse être remboursée, il fallait prêter davantage-au plan Brady, qui constatait que, puisque les pays sont incapables de payer, les banques devaient annuler une partie de leurs créances. Finalement, on a abouti à un mélange des deux, et à une différenciation de plus en plus grande entre les pays. Comme l'affirme le secrétaire d'Etat aux affaires financières internationales du Mexique, Angel Gurria, un premier groupe de pays, dont le sien, sont aujourd'hui plus ou moins sortis du piège de la dette : le Venezuela, le Chili, le Costa-Rica, l'Equateur, la Bolivie. Tous ont profité des initiatives d'allégement de dette offertes par les banques ou les gouvernements. Tous ont mis en oeuvre des politiques économiques saines. Mais ils sont dans leur majorité des Etats " à revenus intermédiaires ", et producteurs de pétrole. Leurs progrès économiques n'ont d'ailleurs pas pour l'instant suffi à réduire les tensions sociales. Un deuxième groupe de pays, le plus vaste, est constitué par les pays qui ont déjà restructuré leur dette, donc témoigné de leur incapacité à honorer leurs échéances, mais n'arrivent pas à remonter la pente. Il s'agit aussi bien d'Etats pauvres d'Afrique que de grandes économies latino-américaines. Pour eux, la " life after debt " ( la vie après la dette), selon le mot d'Angel Gurria, est encore loin, notamment pour les petits Etats " qui ne font pas l'objet d'une grande attention, et envers lesquels il n'existe plus de stratégie globale ". Un troisième groupe comprend des Etats lourdement endettés, mais qui n'ont jamais restructuré leur dette, comme l'Inde, la Hongrie ou l'URSS. Malgré leur relative sagesse, ces pays inquiètent. L'Inde connaît actuellement d'importants problèmes de trésorerie et cherche à obtenir de nouveaux prêts bancaires. Quant à l'URSS, malgré son faible taux d'endettement en proportion de sa richesse nationale, la situation de ses paiements extérieurs est tellement catastrophique que nombre d'experts s'attendent à l'annonce prochaine d'un moratoire ou d'une demande de restructuration des paiements... Un quatrième groupe, enfin, a émergé, celui des " chanceux de la politique ". Sa naissance vient brouiller encore davantage un jeu déjà très complexe. Pour l'instant, seules la Pologne et l'Egypte ont intégré cette catégorie, la première pour cause de transformations économiques, et surtout politiques, majeures, la deuxième pour cause de solidarité avec la coalition internationale dans la guerre du Golfe. Le Club de Paris a beau insister sur le caractère exceptionnel des concessions accordées à ces deux Etats, et leur fondement économique, le précédent est ouvert. Conséquence heureuse de cette multiplication des cas particuliers, il est probable que les pays industrialisés consentent aujourd'hui une nouvelle annulation de dette aux Etats les plus pauvres, car il leur est difficile de justifier de faire plus pour la Pologne que pour la Côte-d'Ivoire. De toute évidence, non seulement la politique d'annulation provoque de graves clivages au sein des pays endettés, mais elle ne suffit pas pour assurer, dans les pays bénéficiaires, les bases d'un véritable développement économique. Au-delà de la mise en oeuvre de politiques saines, le manque de capitaux est criant. L'Amérique latine continue d'enregistrer les mêmes transferts nets négatifs, c'est-à-dire qu'elle rembourse plus à ses créditeurs que ceux-ci n'investissent sur son territoire ou ne lui prêtent son revenu par habitant est le même aujourd'hui qu'en 1978. Les investisseurs privés boudent aujourd'hui la quasi-totalité du territoire africain. De source française, on estime qu'en 1990 les pays de la zone franc ont remboursé 220 millions de dollars de plus aux institutions internationales ( FMI et Banque mondiale) que ce qu'ils ont reçu d'elles. Les estimations données çà et là sur l'immense coût de la restructuration de l'Europe de l'Est, ou simplement sur celle de la RDA, ont jeté une nouvelle lumière sur l'insuffisance des transferts de capitaux vers le Sud. Alors que l'on disait que la reconstruction du Koweït coûterait jusqu'à 100 milliards de dollars, le total de l'aide au développement recensée par l'OCDE pour l'ensemble du monde s'élevait en 1989 à 34 milliards de dollars. FRANCOISE LAZARE

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