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Les Utopies Et Contre-Utopies Sont-Elles Une Bonne Forme Argumentative?

Publié le 16/10/2010

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En vous appuyant sur les textes étudiés et vos lectures personnelles, vous vous demanderez en quoi les utopies et contre-utopies sont des formes argumentatives efficaces. Les utopies et contre-utopies sont d’après l’étymologie un lieu parfait qui ne se trouve nulle part, « topie » signifiant « lieu idéal » et le privatif « u ». Ce sont donc une représentation, un allégorie d’un endroit, d’un monde parfait et où les hommes vivent en paix, le régime en place est parfait tout comme la société. Même si l’on n’a vraiment parlé d’½uvres utopiques qu’avec Utopia de Thomas More, il en existe des biens plus anciennes comme celles des auteurs de l’Antiquité tels que La République de Platon ou à La Politique d’Aristote. Les utopies résulte souvent de l’expression du ressentiment de l’auteur qui peut imaginer sa perception d’un monde idéal mais aussi bien dresser une critique de la société dans laquelle il vit : avec les deux guerres mondiales les utopies se sont beaucoup développées car ces événements ont alimenté les esprits des auteurs : les scènes tragiques et horribles ont stimulé l’envie de retour à la paix pour certains et d’autres ont imaginé ce que pourrait devenir le monde. Mais l’efficacité de ces types de romans produit-elle réellement un effet sur le lecteur ? Comment sont-elles construites pour réussir à susciter notre attention mais quelles sont les limites de leur pouvoir argumentatif ? La technique argumentative privilégiée des utopistes (notés « U ») et contre-utopistes (notés « CU ») est la suggestion d’un monde incroyable où les conditions de vie dans la société sont parfois poussées aux extrêmes ; tout cela dans le but de faire réfléchir le lecteur. Les gouvernements sont tous des tyrannies où ont en tout cas la main mise sur la plus grande part des pouvoirs et manipulent et conditionnent la population. L’exemple de Globalia par Jean-Christophe Rufin où la population vivent dans les zones sécurisées qui sont principalement situées dans l'hémisphère nord, tandis que les non-zones, surtout dans l'hémisphère sud, sont réputées inhabitées et servent de refuge à des populations que le pouvoir central qualifie de "terroristes". La population est donc cloîtrée dans ces « zones » par le gouvernement qui prétexte la sécurité du peuple. Un des dirigeants de Globalia évoque même ce confinement : « La liberté c'est la sécurité, la sécurité c'est la surveillance, donc la liberté c'est la surveillance. » Dans Utopia, de Thomas More, les habitants d’Utopie vivent dans a ville qui est entourée de remparts pour se protéger et d’où personne ne sort car la vie y est agréable ; mais on voit en fait que le fait de maintenir les Utopiens dans un état de bien-être constant n’est en fait un moyen pour son unique et mystérieux fondateur d’aliéner les pensée individuelles pour arriver à faire des habitants des personnes dociles mais ne pensant qu’en communauté. Sur le plan social aussi les U et CU avancent des arguments de taille parfois choquants pour arriver à leurs fins, notamment dans les CU dont l’exemple du film de Richard Fleischer, Soleil Vert. Dans ce film d’anticipation la population New-Yorkaise culmine à 60 millions d’habitants alors que les ressources naturelles et la nourriture se fait rare. Seuls les riches peuvent se permettre de manger a peu près sainement, et un détail ,frappant, montre une serre protégée par des grades armés où devrai se tenir Central Park et où sont entretenus et « maintenus en vie » les 3 derniers arbres de a ville et peut-être pire encore… Enfin, le dernier grand point sur lequel les U et CU marquent le lecteur est l’économie. Encore une fois, le gouvernement à la mainmise sur l’économie et il y a un gouffre entre les catégories sociales riches et pauvres. Restons sur Soleil Vert : les pauvres sont contraints de se nourrir de soleil vert qui est le seul « aliment » que peuvent se procurer la majeure partie de la population et vivent dans des taudis dans le meilleur des cas. Alors que les riches qui sont principalement les dirigeants du pays occupent d’énormes appartements protégés et peuvent se nourrir de viande qui est devenue une denrée rarissime. Maintenant nous allons étudier la construction narrative des U et CU pour capter l’attention du lecteur. Les U et CU sont des romans d’action où le narratif est partout. Dans 1984, l’action est déjà dans la situation initiale : lorsque Winston, le personnage principal, se rend dans les quartier des prolétaires dans le but de se procurer un journal ce qui est mal considéré par la Police de la Pensée, quand il se cache pour écrire, les 2 minutes de la haine sont des actions qui font avancer le récit et découvrir le monde de Winston au lecteur tout en le faisant patienter. En effet l’élément déclencheur arrive assez tard dans le roman. Comme dans la plupart des U et CU, l’élément déclencheur est la découverte d’une personne en lutte contre le pouvoir en place ou l’élaboration d’un plan par le PP, ici la déclaration d’amour d’une de ses collègues, nommée Julia. S’en suit bon nombre de péripéties surtout des rencontres en cachette avec Julia qui accélèrent le rythme du roman et qui continuent de donner des informations au lecteur. Le dénouement est bien souvent malheureux et les efforts du personnage ne suffisent pas à changer le monde dans lequel il vit. Et la situation finale est sensiblement la même que la situation initiale : dans 1984, Winston et Julia ne sont que des collègues mais Winston finit par accepter Big Brother. Le personnage principal d’une U ou CU, pas forcément attachant car il n’est que l’outil principal de l’auteur pour exprimer ses idées, il est un homme d’action et surtout il est révolté contre sa société, son gouvernement ; dans Globalia, le personnage principal, Baïkal souhaite s’échapper des « zones sécurisées » car sa société ne lui convient pas et il se sent marginal. Le rôle de personnage principal est avant tout de faire avancer le récit tout en expliquant au fur et à mesure du récit les causes de sa révolte et ses arguments (qui sont ceux de l’auteur). Winston dans 1984 expose des faits et des arguments à Julia lors de leurs rencontres secrètes. Le dernier élément primordial aux U et CU est le dialogue. En effet c’est grâce aux dialogues que les personnages exposent leurs arguments et échangent les idées principales : les dialogues entre Winston et Julia ou Winston et un faux allié, O’Brien sont souvent très longs et dévoilent des aspects de la société comme lorsque O’Brien lui révèle l’existence d’une organisation qui combat Big Brother. Les monologues des personnages sur le fonctionnement de la société sont très importants car il fourmillent d’informations et d’idées : Quand le collègue de Winston lui explique le principe du novlangue qui est le nouveau langage du pays : il nous apprend que son but est de restreindre la pensée de chacun en restreignant directement le vocabulaire. Les dialogues sont des éléments clés des U et CU. On en conclut que les U et CU sont des ½uvres argumentatives fondées sur l’intérêt que porte le lecteur sur leurs arguments et sur la façon dont ces derniers sont exposés au lecteur. Mais ce genre littéraire est-il efficace en tous points ? Les U et CU sont donc un bon moyen d’attirer l’attention d’un lecteur, mais cette efficacité a ,comme bien des choses, ses limites. Premièrement et c’est principalement cela qui pénalise les U et CU : ce ne sont que des fictions ! Selon Régis Messac, Lorsque beaucoup d’hommes, la majorité des hommes, peut-être, sont contraints de se replier sur eux-mêmes, ils cherchent dans leur imagination ce que la réalité leur refuse, et l’on voit fleurir les utopies. Il entend par cela que les mondes, pays, villes représentés ici sont le fruit de l’imaginaire, parfois de la frustration, des hommes. Etymologiquement parlant, la nature même du mot « utopie » appuie cet défaillance ( « topie » signifie « lieu idéal » et « u » est un privatif ). De plus il n’a jamais été observé de gouvernement chaotique, manipulant la population même parmi nos dictatures actuelles. Aucun cas semblable à Big Brother ou mystérieux fondateur venu de 1984 ou d’Utopia n’ont été une réalité. C’est d’ailleurs ce manque de crédibilité qui dévalorise les U et CU : elles ne sont centrées que sur une vision réductrice du monde, un monde clos : L’Océania de George Orwell, l’Utopie de Thomas More, l’abbaye de Thélème de Rabelais et même Globalia de Rufin, absolument toutes sont des mondes cloisonnés et renfermés sur eux-mêmes. Cet enfermement contribue ainsi à une lente disparition de notion du Temps, de l’Histoire ; le temps y est monotone, cyclique : la vie à Utopie est toujours la même, les maisons changent de propriétaires à date fixe. Dans 1984 il est même question de la destruction de l’Histoire : Winston est chargé comme beaucoup d’autres personnes de falsifier des faits historiques au bon vouloir du gouvernement. « Qui détient le passé détient l’avenir. » dira O’Brien à Winston. Il a été prouvé que les U et CU avaient une bonne stratégie argumentative, mais (mais y’a un « mais » ^^) elles ne sont pas aussi parfaites qu’elles pourraient paraître, contrairement à leurs récits. Les U et CU sont des ½uvres engagées et qui critiquent, dénoncent des problèmes de société au travers des mondes nés de l’imaginaire des auteurs. Elles tentent de rallier le lecteur à leur cause et utilisent pour cela des arguments forts, parfois extrêmes au point de choquer ou de surprendre le lecteur car « l’utopie est simplement ce qui n'a pas encore été essayé! » précise Théodore Monod. C’est un genre littéraire qui est rythmé par l’action : les personnages principaux sont des marginaux ou des non-conformistes de leur société et qui cherchent à changer leur monde ou à s’en échapper. Malgré l’engagement des ½uvres utopiques et l’omniprésence narrative, la réalité finit souvent par rattraper le lecteur : en effet les U et CU ne sont que des ½uvres littéraires qui, sous une forme fictive et narrative, nous offrent l’image d’un État idéal qui diffère seulement qu’au niveau du point de vue. Mais le pouvoir argumentatif, l’intérêt que l’on porte aux U et CU ne se bonifieraient-ils pas si leur cadre n’était pas aussi éloigné de la réalité ?

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