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L'histoire américaine

Publié le 18/03/2012

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L’Homme qui tua Liberty Valance est une ½uvre charnière dans la carrière de John Ford et plus généralement dans l’histoire du western, tant par son approche historique que par son rapport avec la légende et la réalité. Ce grand film propose une réflexion particulièrement intelligente et éclairée sur l’ouest américain, sa mythologie et son évolution au cours de l’histoire. Synopsis de L’Homme qui tua Liberty Valance Le sénateur Ransom Stoddard (James Stewart) et sa femme Hallie (Vera Miles) se rendent en train dans la petite ville de Shinbone, pour assister à l’enterrement d’un dénommé Tom Doniphon (John Wayne). La presse locale est intriguée car à ses yeux, Doniphon est un sombre inconnu et la venue de Stoddard paraît de fait totalement énigmatique. Un journaliste insiste auprès du sénateur pour obtenir une explication, et celui-ci lui raconte alors les circonstances de sa rencontre avec Doniphon et un bandit nommé Liberty Valance (Lee Marvin), bien des années plus tôt. Critique Un spécialiste de John Ford – que je ne suis pas – expliquerait très bien comment ce monument du cinéma donna au western ses lettres de noblesse, filmant l’ouest américain comme personne avant lui, et captant à merveille sa dimension mythique, ses valeurs et sa place dans l’histoire et la culture des États-Unis. Son sens du cadre et du montage inspira une multitude de grands réalisateurs, de Orson Welles (qui a vu et revu La Chevauchée fantastique) à Sam Peckinpah (La Horde sauvage, Pat Garrett et Billy the Kid, Les Chiens de paille), qui admirait My Darling Clementine. L’Homme qui tua Liberty Valance est un film clé dans sa carrière et dans l’histoire du western, pour plusieurs raisons. L’évolution de l’ouest américain Ransom Stoddard: I don’t want a gun. I don’t want to kill him. I want to put him in jail. Tom Doniphon : I know those law books mean a lot to you, but not out here. Out here a man settles his own problems. Ransom Stoddard : [...] You’re saying just exactly what Liberty Valance said. D’abord, le film se situe historiquement lors d’une transition fondamentale dans l’histoire des États-Unis, à savoir la modernisation de l’ouest. Au début, lorsque le sénateur Ransom Stoddard (James Stewart) arrive de Washington dans la petite ville de Shinbone, cette modernisation est déjà bien entamée : la ville n’a plus grand chose à voir avec celle qu’il a connue des années plus tôt. Comme le souligne Link Appleyard (Andy Devine), l’ancien shérif de la ville, seul le désert est resté le même (\"Desert’s still the same\"). Des écoles et des commerces ont été construits, et Shinbone est maintenant reliée par la voie de chemin de fer. James Stewart dans \"L'Homme qui tua Liberty Valance\" ansom Stoddard (James Stewart) : \"I don't want a gun. I don't want to kill him. I want to put him in jail.\" Le récit que Ransom fait au journaliste permet de remonter aux origines de ce changement. Ainsi, quand il arrive la première fois à Shinbone, en tant qu’avocat (et en diligence, alors qu’il arrive en train au début du film, la rupture historique est donc déjà flagrante), Ransom découvre l’ouest sauvage tel que son expérience de citadin ne lui permettait absolument pas de concevoir. D’emblée, il croise la route du hors-la-loi Liberty Valance (Lee Marvin) et de l’éleveur Tom Doniphon (John Wayne) ; puis découvre une ville où la majorité des gens ne savent pas lire, et où les conflits se règlent essentiellement à coups de revolver – une hérésie pour cet homme qui a emmené avec lui ses livres de loi. Ce qui est intéressant c’est que Ransom, Valance et Doniphon sont trois personnages clés qui, au-delà de leur personnalité en tant qu’individu, sont des symboles, des icônes à part entière, autour desquels s’articule tout le propos du film. Valance et Doniphon sont deux archétypes de l’american old west : Valance représente le hors-la-loi violent et sans pitié, Doniphon l’honnête éleveur américain, courageux et rompu au maniement des armes. Tous deux sont des figures typiques du western traditionnel : le héros intègre et le bandit des grands chemins. Bien que très différents, ils appartiennent au même monde et connaissent le même code : celui de l’ouest sauvage. Une réplique de Ransom (qui s’adresse à Doniphon) souligne très bien cet aspect : \"You’re saying just exactly what Liberty Valance said\". Lee Marvin dans \"L'Homme qui tua Liberty Valance\" Liberty Valance (Lee Marvin) : \"All right, dude… this time, right between the eyes.\" Ransom, l’avocat, ne jure que par la loi et l’ordre. Homme de savoir, il apprend à lire aux habitants de la ville et éveille leur conscience politique. Il représente donc le changement, la modernité, et toute cette évolution technologique et culturelle que va connaître l’ouest américain à partir de la fin du 19ème siècle. Le personnage interprété par John Wayne prend une dimension quasiment tragique puisqu’en dépit de ses profondes qualités humaines, il représente un monde sur le point de disparaître ; et c’est pourquoi il va, de par son comportement, se condamner à l’oubli et s’effacer derrière Ransom Stoddard (lequel incarne une nouvelle ère), non seulement en le propulsant dans sa carrière politique mais également en lui cédant Hallie (Vera Miles), la femme qu’il convoitait (\"Hallie is your girl now. [...] You taught her how to read and write\", lui dit-il lors de leur dernière rencontre). Évidemment, personne d’autre que John Wayne ne pouvait donner corps à Doniphon de façon aussi convaincante : Wayne incarnait au cinéma le cow-boy américain par excellence. Son rôle dans L’Homme qui tua Liberty Valance fait directement écho à la carrière de l’acteur et au mythe qu’il représentait, ce qui renforce considérablement le propos et la force du film. Une scène extrêmement symbolique exprime clairement la fin de l’ère du cow-boy et de l’ouest sauvage : c’est bien entendu celle où Doniphon brûle son ranch. Ce ne sont pas uniquement des planches qui se consument ici, mais bien toute une époque, et avec elle la mythologie et les valeurs qui y sont associés.

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