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L'Influence De Schopenhauer Dans Fin De Partie, Beckett

Publié le 16/10/2010

Extrait du document

schopenhauer

 

SCHOPENHAUER

 

     I. Schopenhauer

    II. La pensée de l’auteur

   III. Schopenhauer dans Fin de Partie, S.Beckett

 

        Schopenhauer

 

Arthur Schopenhauer (1788-1860)

 

Philosophe allemand issu d’une riche famille de banquiers, Arthur Schopenhauer a suivi les cours de Fichte et du sceptique Schulze. Après une série de voyages en Europe, il entreprend des études de sciences naturelles et de philosophie. Il vit en solitaire, sans responsabilité civile, enclin à la mélancolie et au cynisme.

 

Dès 27 ans, Schopenhauer avait conçu les principes de son système philosophique, qu'il définira dans son ouvrage majeur, Le monde comme volonté et comme représentation (1818), paru trois ans plus tard dans l'incompréhension générale. Sa philosophie ne connaîtra qu’un succès tardif après une seconde édition de son œuvre, et le fit connaître dans l’Europe entière. Sa pensée est celle d'un pessimiste athée.

Méprisant la religiosité et le romantisme des grands systèmes idéalistes, c’est au kantisme qu’il s’attaqua : le monde n’est qu’une perception illusoire produite par une volonté absurde.

 

Il est chargé de cours à l'université de Berlin en 1819, mais il n'obtient pas de chaire. À partir de 1833, il se retire à Francfort-sur-le-Main où il rédige les Deux Problèmes fondamentaux de l'éthique (1841), Parerga et Paralipomena (1851). À soixante-cinq ans, il devient célèbre, le public retenant de sa philosophie son pessimisme.

 

Vivant en solitaire, avec sa chienne Atma, Arthur Schopenhauer subit une longue traversée du désert sans pouvoir faire reconnaître sa pensée. Sa philosophie, inspirée de celles de Platon, de Kant et des religions hindoues, lui permit d’acquérir une renommée à la fin de sa vie grâce notamment, à quelques disciples et à des ouvrages sous forme d'aphorismes (Parerga et Paralipomena) qui facilitèrent la diffusion de sa doctrine. Son influence est perceptible chez Nietzsche, Wagner ou Thomas Mann.

 

Bibliographie

 

- De la quadruple racine du principe de raison suffisante (1814)

- De la vision et des couleurs (1816)

- Le monde comme volonté et comme représentation (1818)

- De la volonté dans la nature (1836)

- Les deux problèmes fondamentaux de l'éthique (1841)

- Parerga et Paralipomena (1851)

 

        La pensée de l’auteur

 

        La force de la volonté

 

Schopenhauer professe que le monde est tel que nous le connaissons, par cela même que ses phénomènes ne sont rien d'autre que nos sensations, et ses lois nos idées. Ce phénomène, Schopenhauer le nomme «représentation«; ainsi, le monde est «ma représentation«. Mais il y a plus: la pensée elle-même n'est qu'un phénomène.

 

Toute la philosophie de Kant consiste dans la distinction du phénomène et du noumène. Le phénomène est ce qui nous apparaît, c'est-à-dire la représentation que nous nous faisons des choses. Le noumène est la chose en soi, inaccessible à notre connaissance, qui n'atteint jamais que le phénomène. Or, Schopenhauer déclare que la grande découverte de sa vie est celle de la chose en soi. Kant ne l'a pas trouvée parce qu'il la cherchait en dehors de lui;  Schopenhauer, qui s'est affranchi du principe de raison, l'a découverte au-dedans de lui-même, et c'est la volonté. Et il entend par là, la volonté intuitivement sentie en nous, force pure, sans individualité. Toute action d'un corps n'est qu'une objectivation de cette volonté universelle. Le monde lui-même ne se compose que des manifestations de cette volonté inconsciente et aveugle, s'élevant par degrés de la matière inorganique à la raison humaine, en passant par l'irritabilité des plantes et la sensibilité des animaux, puisque la vie est une lutte pour l'existence où l'on est sûr d'être vaincu, c'est-à-dire de mourir. L'intelligence n'est qu'un agent de la volonté chargé de pourvoir à la vie de l'individu.

 

        Comment se délivrer de l'égoïsme

 

Le fond de la conscience humaine elle même ne serait que cette tendance irrésistible au vouloir-vivre, illusion fatalement déçue. Le premier moyen de s'affranchir de cette illusion est l'art, ce frère aîné de la philosophie. Par l'art, le génie contemple les Idées éternelles et sait les exprimer, et par la contemplation il échappe aux dures nécessités de la vie. Comme le disait Spinoza, il voit alors toute chose «sous l'espèce de l'éternité«.

 

Mais il n'est que peu de génies. Pour l'homme ordinaire, le moyen de salut le plus à sa portée est la morale. L'existence n'est qu'une souffrance, puisque l'homme ne peut guider sa destinée. Mais par l'amour (tel que Jésus Christ l'a enseigné) et par la pitié, qui lui révèle la fraternité humaine, l'homme peut se délivrer de l'égoïsme. La seule libération véritable et totale est le «quiétisme« de la volonté individuelle, qui laisse toute sa valeur à la volonté universelle. Il faut abolir en soi le vouloir-vivre, il faut «sortir du monde de la vie et entrer dans l'inconscience« (nirvâna), pour parler dans le langage de l'hindouisme, dont les doctrines, bien qu'imparfaitement connues encore à l'époque, ont si fortement influencé Schopenhauer. Le suicide ne représente pas une solution, car il est encore inspiré par la passion.

 

        La pitié, fondement de la morale

 

Dans cette philosophie pessimiste, l'essence de l'être n'est donc qu'un effort douloureux, dont la libération n'est point dans le plaisir, répit négatif qui résulte de l'interruption momentanée de la souffrance, mais dans l'effort de l'intelligence, l'art, l'ascétisme moral et la pitié. Et c'est cette pitié qui viendra constituer le fondement de la morale. Seuls l’art comme contemplation et la morale de la pitié permettent de connaître la source de la douleur, le vouloir-vire de l’homme, qu’il faut éliminer par l’ascétisme* (inspiré du bouddhisme), l’abstinence et enfin la non-procréation.

Ascétisme* : mode de vie consistant à s’imposer la pénitence, les privations, à lutter contre les exigences du corps afin de s’élever spirituellement.

 

        Schopenhauer dans Fin de Partie, S. Beckett

 

Les références littéraires et philosophiques qui jalonnent l’œuvre théâtrale de Samuel Beckett sont aussi nombreuses que variées. Nous pourrions citer notamment Pascal, Shakespeare et Schopenhauer ainsi que des références bibliques.

 

Le nom de Schopenhauer figure parmi les philosophes que Beckett étudia durant sa formation. Aussi confie-t-il à son ami Mac Greevy, en 1937, à propos de Schopenhauer : « toujours su que c’était un de ceux qui comptaient le plus pour moi (…) comme une fenêtre brusquement ouverte sur le brouillard «. Le philosophe a non seulement eu un impact important sur la formation universitaire de Beckett et sur son intérêt pour la philosophie mais il a aussi eu un effet plus profond sur la façon dont Beckett a vécu sa vie. Il écrit notamment sur un épisode douloureux de sa vie, « la seule chose que j’ai pu lire était Schopenhauer «.

 

Mais ce qui attire surtout Beckett à la lecture du philosophe pessimiste c’est la théorie du monde comme représentation. Les personnages beckettiens ne sont-ils pas en perpétuelle rupture avec le monde, avec les autres, et avec eux-mêmes lorsqu’ils constatent l’étrangeté dont le corps, le langage et la mémoire s’entourent ? Schopenhauer entrevoit la libération de l’homme par la négation d’une volonté de vivre, or les personnages dans Fin de Partie n’incarnent-ils pas à la fois la volonté par leur vouloir-vivre et sa négation par leurs efforts pour s’en détacher ?

Dans Fin de Partie, la vie s’épuise dans une mort progressive et ininterrompue, une fin de partie déjà jouée, déjà perdue, et pourtant « ça va finir « dit Clov. Schopenhauer concluait « la vie n’est ainsi qu’un combat perpétuel dans l’existence même, avec la certitude d’être enfin vaincus «, aussi Beckett ne suggère t-il pas le caractère dépourvu d’avenir de notre existence par l’infirmité des personnages d’une part, et d’autre part, par l’ennui dans lequel ils semblent plongés ?

Les thèmes de l’ennui et de la souffrance sont récurrent dans l’œuvre beckettienne, ce qui rappelle là encore une citation de Schopenhauer : « la vie, comme une pendule, oscille de droite à gauche, de la souffrance à l’ennui «. Sa lecture de Schopenhauer justifie aussi le point de vue selon lequel « la souffrance est la norme dans la vie humaine «.

Le théâtre de Beckett rompt avec le théâtre traditionnel qui met au cœur de la représentation l’action, le conflit psychologique, menés jusqu’au dénouement. Ses personnages sont le contraire du héros tragique, personnages insignifiants, infirmes, évoluant dans un décor presque inexistant, des personnages enfoncés dans des poubelles, ainsi de suite jusqu’au silence même.

Comme dans les romans, ses protagonistes ont des corps défaillants, dissolution du corps suppléé par la voix tandis que le reste des occupations se réduit à des gestes sans signification, dans une attente sans espoir et à jamais recommencée. La dimension du néant, de la mort, l’inexistence de tous sentiments lyriques, un pessimisme radical sur la condition humaine confèrent à son théâtre une dimension métaphysique. Beckett affirme que, contrairement à la littérature classique, il ne veut pas donner une image rassurante de l’homme, et d’avoir été précédé en cela par d’autres : Schopenhauer, même si son pessimisme va plus loin. (Charles Juliet, Rencontre avec Samuel Beckett)

 

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