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L'originalité

Publié le 10/04/2011

Extrait du document

« Les artistes les plus originaux ne sont pas nécessairement les plus incultes. Si rare et si hardie que soit une pensée, il ne se peut qu’elle ne s’apparente à quelqu’autre ; et plus grande est la solitude d’un artiste dans son époque, plus vive et plus féconde est sa joie à se retrouver dans le passé des parents.»

Analyse de la citation

Gide affirme, dans la première phrase de sa citation que pour être original, il ne faut pas nécessairement être inculte. En effet, être original c’est sortir de l’ordinaire mais pour pouvoir en sortir ne faut-il pas déjà le connaitre ? Ainsi, contrairement à ce que l’on pourrait penser du fait que quelqu’un d’inculte serait peut-être plus apte à innover car  l’artiste se doit d’être cultivé afin, de justement, pouvoir cultiver son originalité. Il stipule ensuite qu’il est impossible qu’une pensée, qu’une idée soit totalement « détachée » de toute autre, pour exprimer cela, il utilise une double négation afin d’insister cette impossibilité totale. Il utilise le verbe « s’apparenter »,  c’est-à-dire avoir des caractères communs, il ne parle donc pas de plagiat, il fait très certainement ici référence à la notion d’intertextualité. Ensuite il parle de la solitude de l’artiste en son temps mais peut-on dire qu’il existe des artistes réellement seuls en  leur temps ? En effet, dans l’histoire de la littérature il s’inscrit surtout des mouvements (classique, romantique, etc.), donc un artiste appartient le plus souvent à un mouvement de son époque. Mais Gide ajoute par la suite que ces auteurs vont trouver alors refuge dans le passé littéraire. Ainsi, Gide nous expose ici son idée que l’artiste est forcément influencé, même quand il semble être très original, il est impossible qu’il n’ait pas été inspiré par un autre.

Plan détaillé

Intro : Le roman est un espace polyphonique dans lequel viennent se confronter divers composants linguistiques, stylistiques et culturels. On ne peut pas envisager un texte sans penser à ceux qui ont été écrits auparavant, c’est ce que Gide affirme ici : « Les artistes les plus originaux ne sont pas nécessairement les plus incultes. Si rare et si hardie que soit une pensée, il ne se peut qu’elle ne s’apparente à quelqu’autre ; et plus grande est la solitude d’un artiste dans son époque, plus vive et plus féconde est sa joie à se retrouver dans le passé des parents.» Aussi, cela voudrait-il dire qu’un artiste est constamment sous influence ?  Chaque œuvre peut-elle être apparentée à une autre ? Dans une première partie  nous verrons que l’artiste trouve son inspiration dans les auteurs du passé pour ensuite observer qu’il aussi s’inscrire dans son temps et enfin nous nous demanderons de quelle manière peut-il se détacher de celui-ci.

I-L’artiste trouve son inspiration dans les auteurs du passé

a.L’influence de l’histoire littéraire Roland Barthes : « tout texte est un intertexte ; d'autres textes sont présents en lui à des niveaux variables, sous des formes plus ou moins reconnaissables : les textes de la culture antérieure et ceux de la culture environnante ; tout texte est un tissu nouveau de citations révolues.» Même si l’œuvre d’un auteur peut paraitre la plus originale possible, l’auteur perpétue sa culture, en effet, rien qu’à travers le langage. Même le théâtre de l’absurde conserve les conventions (Actes, didascalies, etc.) Style d’écriture : Du Bellay, même si il innove dans sa thématique de poète solitaire conserve le style des générations antérieures. Corneille dans Le Cid, même en bafouant les règles de bienséance conserve un style assez classique. Même Brassens, dans ses chansons utilise un français assez ancien ce qui contribue à son originalité.

b.Les détournements Les Fleurs bleues (1965) de Raymond Queneau empruntent nombre d’éléments qui participent de la parodie du conte de fées. Pasticher ne relève pas de la transformation, comme pour la parodie, mais de l’imitation pure du style. Les Pastiches et autres mélanges de Marcel Proust, par exemple \"L’Affaire Lemoine par Gustave Flaubert\", stigmatisent ainsi l’utilisation du passé simple et de l’imparfait chez Flaubert ainsi que l’emploi de la conjonction de coordination \"et\".

c.Réécriture  Anouilh et Giraudoux et les mythes antiques. Reprise d’un thème récurrent : le personnage de Dom Juan (Molina, Molière, lord Byron, Baudelaire…)

II-L’artiste s’inscrit également dans son temps

a.L’originalité en groupe « Les très grands individus se passent de groupe. »  dit Sainte-Beuve, il ajoute « c’est le groupe, l’association, l’alliance et l’échange  actif des idées, une émulation perpétuelle en vue de ses égaux et de ses pairs qui donnent à l’homme de talent toute sa mise en dehors, tout son développement, toute sa valeur. » → importance des mouvements littéraires. Dans les auteurs de l’Oulipo, chacun est original à sa manière : Georges Pérec La Disparition. Poètes de la Pléiade : Défense et illustration de la langue française (Joachim Du Bellay). Son contenu vise à mener une réflexion sur les moyens d’enrichir la langue française par des emprunts, la fabrication de néologismes, le rappel de mots disparus etc.

b.Les contraintes de l’artiste L'écriture ne dépend donc pas uniquement du seul fait de l’auteur, mais bien d'un ensemble de paramètres auxquels l’auteur doit se soumettre → règles de bienséance. Difficile de mettre son œuvre hors du temps et de l’histoire. Théâtre de l’absurde → Ionesco : « l’auteur n’enseigne pas, il invente. » Il ne se place pas dans la continuité de l’histoire littéraire, n’envisage pas le passé au travers de ses écrits.

III-Comment l’artiste s’affranchit-il du temps ?

a.Par détachement de ses contemporains  Arthur Rimbaud longtemps disciple des poètes parnassiens afin d’acquérir sa notoriété puis se retourne contre eux → c’est en se détachant (notamment par le style : plus d’utilisation systématique du sonnet) de ses contemporains qu’il est devenu un poète reconnu. « l’originalité d’un auteur dépend moins de son style que de sa manière de penser. » (Tchekhov) Paul Valéry suggère dans un texte fameux de tenir Victor Hugo pour antérieur à Racine, dans la mesure où on pourrait selon lui envisager le classicisme comme un moment de calme après la tempête romantique.

b.Par la recherche de l’originalité Romantique = quelqu’un de seul, ce sont ses sentiments, son ressenti et non ses références qui le rendent différent. Cherche quelque chose de plus profond pour créer son originalité, son œuvre, quelque chose que les autres hommes ont mais ne cherchent pas. Musset : « Frappe-toi le cœur, c’est là qu’est le génie ». Autre auteur  plus profond, différent de ceux qui nourrissent la vie de l’artiste. « Un livre est le produit d’un autre moi que celui  que nous manifestons dans nos habitudes, dans la société, dans nos vies. » Proust. Cet auteur profond serait l’auteur lui-même, qui ne s’exprimerait que par lui. Peut-être l’inconscient de l’auteur = Surréalistes, écriture automatique. L’écrivain lui-même n’existerait plus, il serait double et celui qui écrit ne serait pas l’auteur attentif à ses contemporains et aux anciens. Pour Kristeva, l’homme devient « le lieu vide et animé ou retentit l’appel de l’œuvre. »

Conclusion  Pour conclure, on peut dire qu’un style distinct peut apparaitre sans l’aide des anciens ou de ses contemporains, néanmoins il est impossible de créer une œuvre entièrement originale ; elle sera forcément soumise à des influences émanant de la culture de l’artiste.  L’artiste original utilise sa culture en y ajoutant sa contemporanéité. Certains auteurs semblent parfois littéralement avoir capté des formes, des modes de création qui ne se déploieront que des années ou des siècles plus tard. Mais aujourd’hui, le domaine de la littérature est aujourd’hui si vaste qu’il est difficile d’y faire quelque chose d’original.

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