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L'unanimité est elle un critère de vérité ?

Publié le 26/12/2014

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L'unanimité est-elle un critère de vérité ? « Qui a raison, qui a tord ? », « Qui dit la vérité ? », « Est-ce vrai ? »: telles sont des questions omniprésentes dans les sociétés humaines. En effet, la notion de vérité semble représenter un point préoccupant pour l'homme, aussi bien dans le domaine scientifique que juridique. Dans chaque cas, il n'est pas rare de se poser la question suivante ; « Où est la vérité ? ». La notion de vérité est née de la raison humaine, de la capacité de l'homme à émettre un jugement sur la situation qui l'entoure, par expérience, par ses connaissances et par divers raisonnements. Cependant, un homme seul ne semble pas en mesure de parvenir à la certitude quant à la véracité de ses propos, car il est incapable de les partager et de les comparer avec quelque autre jugement. La concordance et le recoupement de points de vue d'individus différents semblent alors nécessaires pour espérer aboutir à une vérité. Imaginons un enfant qui rentre chez sa mère après s'être battu avec l'un de ses camarades ; sa mère lui demande alors si c'est lui qui a commencé à frapper. Le fils et ses copains répondraient alors "non" à l'unanimité. Ceci peut alors s'avérer vrai, mais la concordance de leurs réponses n'empêche pas non plus qu'ils mentent tous, dans l'intérêt de leur copain. Cet exemple peut nous amener, au même titre que la mère du garçon, à nous interroger sur le point suivant : "L'unanimité est-elle un critère de vérité ?" Il parait de suite évident qu'une proposition à laquelle adhèrent un grand nombre de personnes ait davantage de chance de correspondre à une vérité que celle à laquelle un seul individu adhère. Cependant, la notion de "critère" nous amène à chercher plus loin : l'unanimité serait-elle un réel moyen d'établir une vérité ? Pourrait-elle constituer un élément indéniable permettant de distinguer le "vrai" du "faux" ? L'unanimité représente-t-elle un moyen de parvenir à une certitude quant à la véracité d'une proposition ? Là encore, un nouveau problème se pose : l'unanimité, sous sa signification la plus absolue, correspond à l'ensemble des individus. Si celle-ci était un critère de vérité, encore faudrait-il être capable d'aboutir à cette unanimité. Nous sommes bientôt sept milliards de personnes sur Terre ; il est naturellement impossible de réunir l'avis de toutes ses personnes sur une proposition, et encore moins d'y faire adhérer la totalité ! À quelle échelle peut alors correspondre la notion d'unanimité ? Celle-ci ne constituerait-elle pas une simple illusion ? Nous tenterons de répondre à ces questions à travers deux grandes parties. Dans un premier temps, nous reviendrons sur la notion de "vérité" et nous expliquerons en quoi l'unanimité représente un atout indéniable pour espérer aboutir à une vérité. Dans la seconde partie, nous tenterons de prouver qu'elle ne représente pas pour autant un critère fondamental de vérité, en précisant dans un même temps les dangers qu'un tel raisonnement pourrait engendrer. Dans un premier temps, il nous paraît vraisemblable que l'on puise juger quelque chose de "vrai" qu'à partir du moment où d'autres individus partagent la même opinion. Nous sommes souvent d'avantage persuadé de faire face à une vérité lorsqu'elle est soutenue par un grand nombre de personnes. Cependant, il faut toutefois prendre garde à ne pas confondre "vérité" et "réalité". La vérité découle de la croyance des êtres humains. Ceux-ci font usage de leur capacité à penser, de leur expérience et de leur raison pour émettre un certain jugement à propos d'une situation ou d'un phénomène donné. Ils "croient que"... Ce sont leurs croyances qui peuvent ensuite se révéler des vérités ou non. Une vérité peut alors se définir de plusieurs manières, les deux plus importantes étant la vérité dite "de correspondance" et la vérité "par cohérence". La thèse de la vérité par cohérence s'exprime par une cohérence de la pensée avec elle-même. Il s'agit par exemple de raisonnements comme le syllogisme avec le "Modus tollens" et le "Modus tonens". Ces deux types de raisonnement consistent à procéder de la manière suivante : 1) Si P (P étant une proposition), alors A 2) P 3) Donc A Prenons un exemple : 1) Si Jérôme court, Jérôme bouge 2) Jérôme court 3) Donc Jérôme bouge. La proposition 3 est en accord avec les deux première propositions. Dans ce cas-là, il est difficile d'établir un lien entre cette vérité et l'unanimité qui pourrait être associée, car la conclusion de ce raisonnement est difficilement réfutable. Elle découle d'un pur raisonnement de logique. Nous reviendrons quelque peu sur cette idée dans la seconde partie. La thèse de la vérité par correspondance a plus d'intérêt dans notre étude, car elle consiste en une correspondance entre une proposition et des faites réels. S'il ne faut pas confondre vérité et réalité, il ne faut pas non plus se contenter d'opposer ces deux notions. En effet, la vérité est en étroite relation avec la réalité dans la thèse de la vérité par correspondance. C'est là que l'idée d'une unanimité est la plus concrète. La vision du monde varie selon les différents points de vue des différentes personnes, si bien qu'un individu A n'émettra pas le même jugement sur une situation Z qu'un individu B. Ainsi, si ces deux individus auront été témoins d'un même, fait réel, ils auront des approches différentes sur la chose et portera chacun un jugement relatif à leur expérience, leur caractère ou même leur humeur du moment. Par ce raisonnement, on peut pousser l'affirmation plus loin en affirmant qu'un même individu peut porter un regard différent sur un fait selon son humeur et ses perspectives d'observation. Epicure énonce d'ailleurs un célèbre exemple illustrant cette idée de variation de perspective d'observation, celui de la tour ronde que l'on voit carrée à une certaine distance. Ainsi, un individu placé au pied de la tour affirmera "Cette tour est ronde", alors que l'individu placé au loin affirmera "Cette tour est carrée". Le premier établit alors une proposition en accord avec la réalité car la tour est réellement ronde ; il fait l'usage d'une vérité de correspondance. Cependant, même si la conclusion du deuxième individu est contraire à la réalité, elle lui paraîtra tout aussi vraie car elle est en accord avec sa perception de l'objet. Il reconnait un objet dont les caractéristiques s'apparentent avec une forme qui lui est bien connue, le carré ; d'où sa conclusion. Supposons alors qu'un seul individu ait pris la peine de se rendre à quelques mètres seulement de la tour, et affirme devant une population qui s'est contenté de l'observer de loin, "Cette tour est carrée". Les personnes l'observant de loin s'opposeront radicalement à son affirmation, ce dernier pouvant même être traité comme un véritable fou ! Pourtant, cet individu seul contre tous énonce là bien une vérité correspondant à la réalité, et tous les autres, aussi nombreux soient-ils, non. Pour tous les autres, leur hypothèse paraît tout aussi vraie car ils n'ont jamais eu l'expérience d'observer cette fameuse tour d'une distance réduite. Là où le relativiste verrait "une vérité propre à chacun", la communauté humaine trancherait en déclarant l'affirmation issue du plus grand nombre comme seule et unique vérité. Il semble alors bien que lorsque deux "vérités" s'affrontent, le critère du nombre voire l'unanimité représente un avantage indéniable, l'homme se tient généralement à l'idée qu'il n'existe qu'une seule vérité. Prenons un autre exemple : si deux individus contemplent la même peinture dans un musée, ils peuvent aboutir à deux jugements différents, l'un affirmant que l'?uvre est "belle", l'autre au contraire, qu'elle est plutôt "moche". Il est dans ce cas très compliqué d'établir une vérité, car chacun perçoit cet objet à sa manière, en fonction des goûts, des émotions, des sensibilités etc. Dans ce raisonnement, on en viendrait presque à rejoindre les relativistes selon lesquels "à chacun sa vérité". Néanmoins, cette oeuvre sera finalement quand même jugée plutôt "belle" ou "moche selon le nombre d'avis favorables à l'une des deux propositions. Nous avons encore dans ce cas une dominance de la majorité. Cette notion d'unanimité semble alors aussi présente dans le domaine des arts, même si là encore, nous devrions plutôt parler de "majorité". Kant affirme "Est beau ce qui plaît universellement sans concept". Cette affirmation traduit parfaitement l'idée d'une unanimité sur une "vérité du beau". Ainsi, la satisfaction du regard est universelle ; une chose est belle à partir du moment où elle est belle aux yeux de tout le monde. Là encore, la notion d'unanimité est bien présente dans l'établissement d'une vérité. Tournons-nous maintenant vers le domaine scientifique : depuis des siècles, les scientifiques tentent d'apporter des réponses sur le déroulement des phénomènes qui nous entourent par l'établissement de lois et de théorèmes qu'ils qualifient de "vérités universelles". Bien sûr, nous savons bien que les hypothèses scientifiques ne sont qu'à ce jour, les meilleures réponses possibles et se doivent, pour se revendiquer "énoncer scientifique", d'être réfutables. Toutefois, les scientifiques, les chercheurs ou les mathématiciens se basent toujours sur des lois établies il y a des siècles, si bien que Descartes les accuse même de ne pas être assez détaché de leurs connaissances acquises "sur les bancs de leurs universités". Dans un de ces textes, il remet en cause leur aptitude à tirer des conclusions de leurs expériences par leur incapacité à remettre en question des lois sur lesquelles ils se basent. En effet, dans le domaine scientifique, les "vérités" sont issues d'un vote au bout duquel la loi est adoptée si les scientifiques sont unanimes. Il faut que l'ensemble de la communauté scientifique approuve une loi pour que celle-ci soit qualifiée de "vraie". Nous avons là encore affaire à une vérité qui découle d'un jugement unanime. Ce nouvel exemple tente à penser que dans la thèse de vérité par correspondance, la notion d'unanimité est omniprésente voire indispensable à la véracité approuvée d'une proposition, surtout dans le domaine des sciences. Enfin, nous pouvons peut-être encore nous tourner vers les valeurs morales de l'homme ; la générosité, la partage, la solidarité... sont toutes des valeurs considérées comme bonnes par els sociétés humaines. Des affirmations telles que "tuer est mal", "voler est mal", sont présentes dans toutes les sociétés humaines dans le monde entier, à plus ou moins grand échelle. Celles-ci sont alors unanimes à l'idée que de tels actes se doivent d'être réprimés. Si les sanctions sont ensuite plus ou moins lourdes selon les États, il semble que là encore, il existe une certaine unanimité pour aboutir à des vérités "universelles". À ce stade de notre développement, nous remarquons que les notions de "vérité" et "unanimité" sont très souvent étroitement liées. Une vérité, pour se revendiquer ainsi, doit être partagée et communicable, et l'unanimité face à l'affirmation représente un atout indéniable pour déclarer une proposition comme une "vérité". Mais nous sommes tout de même encore loin d'affirmer que cette unanimité représente un véritable critère de vérité... L'étroite relation entre "unanimité" et "vérité" témoigne de l'importance de "l'impact du nombre" aux yeux de l'homme. Pour lui, il est important que notre perception du monde se fonde sur des vérités qui soient universelles. Sans affirmer que l'unanimité soit un véritable critère de vérité, l'homme semble constamment en quête d'une unanimité lors de la formulation d'une loi par exemple, ce qui nous amène à nous demander quelle valeur celle-ci représente pour lui. Si la notion d'unanimité est si importante à ses yeux, c'est forcément qu'elle lui apporte quelque chose, qu'elle a des impacts sur sa conscience. Selon Aristote, l'homme est destiné à vivre en communauté, c'est un " animal politique". La recherche de l'unanimité dans les vérités pourrait s'expliquer par l'intérêt que l'homme porte sur sa communauté. Ce serait là tout l'intérêt de vérité basée sur une unanimité, qui garantit un certain équilibre et un ordre au sein de la société. En revanche, le risque est que l'homme ne se préoccupe davantage de cette quête de l'universalité plutôt qu'à rechercher d'autres critères et qu'il n'en fasse finalement le critère absolu voir unique d'une vérité. L'homme pourrait passer plus de temps à rechercher l'unanimité plutôt que de tenter de prouver de manière objective sa théorie. Avec plus de 6,5 milliards d'habitants sur Terre, il paraît tout simplement irréaliste de pouvoir mettre tout le monde d'accord sur une même idée. Irréfutablement l'homme se doit alors de limiter sa conception de l'unanimité à un groupe constitué d'un certain nombre d'individus. Dans le monde scientifique par exemple, la communauté scientifique qui vote les lois est restreinte à un groupe de scientifiques, elle n'est pas soumise au vote de tous les êtres humains, ce qui serait irréalisable. Comprenons ainsi que l'homme effectue une approche plus ou moins minutieuse de la notation d'unanimité. Celle-ci ne correspond en fait que très rarement au sens propre de cette définition : " Le commun, partagé par TOUS." Qu'une vérité fasse l'unanimité semble n'être qu'une illusion. Revenons par exemple dans le domaine des sciences : nous avons aujourd'hui une multitude de lois et de théorèmes scientifiques qui régissent dans le monde qui nous entoure. Cependant, ces vérités actuelles sont en réalité les erreurs du passé. Elles ont été admises par l'ensemble de la communauté scientifique de l'époque, venant remplacer les théories jusqu'à présent jugées vraies, mais finalement démenties par de plus récentes expérimentations. Autrement dit, une communauté scientifique avait à son époque jugée comme vraies des propositions qui sont aujourd'hui qualifiées de fausses. L'unanimité ne fait donc pas la vérité. Ses propositions s'avéraient vraies à l'époque où les connaissances étaient limitées et durant laquelle ces propositions étaient alors en parfaite cohérence avec les connaissances. Mais elles ne correspondaient pas au réel. En fait, elles étaient des vérités jugées par une unanimité à une période donnée. Le problème, c'est qu'au fil des siècles, les sociétés humaines se succèdent et ses communautés scientifiques ne sont plus composées des mêmes membres. Cela s'oppose à l'idée d'une vérité par correspondance à des faits réels, puisque la véracité des propositions varierait selon les époques et leurs différentes communautés scientifiques. On pourrait alors nuancer, il parle d'opinion plutôt que de vérité. Dans ce cas, l'unanimité n'est définitivement plus un critère de vérité, mais un simple rassemblement et mise en commun d'opinion. Le 22 juin 1633, Galilée fut condamné à la prison à vie après avoir affirmé devant la communauté scientifique que la Terre tourne. À l'époque, il incarnait alors l'opposition d'un seul individu face à toute une communauté sur une idée qui paraissait folle selon les connaissances de l'époque. Pourtant, la rotation de la terre est un phénomène qui est aujourd'hui prouvé par les scientifiques est qualifié de "vérité". Nous avons là un exemple parfait de l'erreur de croire que l'unanimité fait la vérité. Un seul individu proposa un concept révolutionnaire, en totale opposition avec des jugements et les lois de l'époque mais celle -ci s'avéra juste, au fur et à mesure que deux autres scientifiques y prirent parti. Nous avons bien là l'illustration de l'impact du nombre sur la véracité d'une proposition. L'historicité de la vérité peut parfois s'avérer trompeuse voire dangereuse, dans le sens où les scientifiques s'appuient sur des notions qu'ils jugent irréfutables, alors qu'elles s'avèrent tout simplement fausses. Un seul individu peut avoir raison de et une communauté tout entière peut avoir tort. Mais l'impact du nombre représente aux yeux de l'homme un critère important et le même parfois à des erreurs. C'est notamment le cas des vérités qui dérangent, qui correspondent à des propositions dont on sait qu'elles sont réfutables mais dont on refuse toute remise en cause car ceci entraînerait trop de bouleversements. Toutefois, nous voyons bien que ce bouleversement est parfois nécessaire et permet d'aboutir à la connaissance d'un phénomènes physique majeur, qui servira par ailleurs de nouvelle base à de prochaines études. Mais peut-être qu'un jour, cette même vérité de la rotation de la terre sera jugé fausse. Il paraît tout de même peu probable de réfuter l'intégralité de la théorie suite aux moyens technologiques actuels, mais peut-être que cela ne se déroule pas exactement selon les lois et les théorèmes mise en place actuellement. Dans ce cas, cette vérité admise par l'unanimité aujourd'hui n'en sera finalement plus une. La notion pure de la vérité semble alors plus proche d'une étude objective d'un phénomène par l'homme que d'une unanimité sur la question. Admettons que l'homme puisse être capable de fonder des hypothèses de manière objective, sans intervention d'un jugement préalable de sa part. La vérité se trouverait peut-être davantage ici que dans l'unanimité. Toutefois, l'objectivité reste difficile à définir, vu la multitude de connaissances selon lesquelles notre esprit perçoit le mot. Les septiques affirme qu'on ne peut aboutir à quelconque vérité. Cette idée elle peut être trop extrême, mais l'idée que l'homme ne puisse procéder à des expérimentations de manière totalement objective n'est peut-être pas si invraisemblable que cela. Pour autant, on notera que l'affirmation même qu'il n'existe aucune vérité porte déjà lieu de vérité pour les sceptiques, ce qui s'oppose déjà à leur idée fondamentale selon laquelle il n'y a pas de vérité. Nous voyons bien dans cette deuxième partie des exemples de l'incapacité de l'unanimité à établir une vérité. Celle-ci peut parfois trop influencer par le grand nombre d'adhérents et finalement on se contente de suivre le rythme à défaut de chercher ailleurs. Elle ne représente donc pas un critère de vérité, mais est toujours en étroite relation avec elle. La notion d'unanimité semble omniprésente voire indispensable aux fondements d'une vérité. Toute vérité se doit d'être partagée et communiquée au sein des sociétés humaines ; cependant, l'échelle de l'unanimité reste très variable et correspond plutôt à une unanimité au sein d'un ensemble d'individus à une époque donnée. Des exemples très concrets à travers l'histoire de l'humanité révèle l'incapacité de l'unanimité à établir une vérité démontrant à plusieurs reprises qu'un seul individu peut aussi avoir raison et que l'on est facilement trompé par notre perspective d'observation. Ainsi, si l'unanimité représente un caractère important voire indéniable d'une vérité, elle ne permet pas de distinguer le "vrai" du" faux" et ne représente donc pas à elle seule un critère de vérité. La vérité correspond davantage à tout ce qui est prouvé de manière objective plutôt qu'à une unanimité. Il faut donc nuancer la question. Reste alors à savoir si l'homme est capable de rester totalement objectif...

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