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Malherbe, Commentaire sur Desportes (extrait).

Publié le 07/05/2013

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Malherbe, Commentaire sur Desportes (extrait). Le Commentaire sur Desportes est en apparence un texte critique et dénonciateur. Dans cette oeuvre pamphlétaire, Malherbe fustige son contemporain et rival -- le poète Philippe Desportes ( Des Portes, dans la graphie de l'époque) -- en annotant, censurant et jugeant sa production. Sous la malveillance presque inconvenante de ses remarques stylistiques et formelles, c'est à la rédaction d'un art poétique que se livre Malherbe. Il se prononce en effet pour une nouvelle poésie, plus simple, plus naturelle et surtout moins ambiguë que celle -- baroque -- qui fait autorité dans les milieux littéraires et curiaux du début du XVIIe siècle. Commentaire sur Desportes de François de Malherbe CLÉONICE, Dernières amours de Philippe Des Portes SONNET I Ce sonnet est mot à mot traduit de l'italien, mais il n'y vaut pas mieux qu'en françois. Qu'il sème au cours des eaux sa peine et son émoi. Mauvais mot. Et qu'en le bien servant des rigueurs il pourchasse. Mal exprimé. Il veut dire : « qu'en bien servant, il soit payé d'ingratitude et de rigueur ; « mais il ne le dit pas, car il y a bien différence d'être payé de rigueurs ou de les pourchasser. Qu'il ait l'âme hautaine et qu'une belle audace L'affranchisse du peuple et le retire à soi, etc. Hors de propos, car ce ne sont pas imprécations comme le reste. SONNET II J'ai dit à mon désir : « Pense à te bien guider, etc. « Puisqu'il dit : il ne m'écouta point ; et encore après : je vis le ciel, etc., il devoit dire je dis, en aoriste, et non j'ai dit, en prétérit. Il ne m'écouta point, mais jeune et volontaire... Je le vis traversé de flamme ardente et claire. Drôlerie. Ce sonnet est bourru, si jamais il en fut. Il fait allusion à la fable de Phaéton et de ses soeurs chargées en peupliers ; mais à quelle fin et à quel propos ? je ne sais. SONNET III Parmi ses blonds cheveux erroient les Amourettes... Sur les lis de son sein voletoient les avettes, Contre les regardants décochants leurs rigueurs. Qui a jamais vu les Amourettes en ce sens ? Amours et Amoureaux, bon ; mais Amourettes est inexcusable, comme les avettes voletant sur les lis de son sein. -- Il faut dire : décochant en gérondif ; autrement il faudroit dire : décochantes, ce qui ne vaudroit rien. Sitôt que m'apparut ce chef-d'oeuvre des cieux. Mauvaise transposition. ...Je refermai les yeux. Fermai, meilleur. SONNET IV De place qui ne soit de chardons hérissée. Mauvais vers. Ne verrai-je jamais que la nuit soit passée ?... Ah ! que dis-je une nuit ? tout un siècle est passé, Depuis que son bel oeil sans clairté m'a laissé. Il n'a point parlé qu'une nuit soit passée ; il a bien dit : ne verrai-je jamais que la nuit soit passée ? mais il y a bien différence de l'un à l'autre. Non le soleil du ciel, mais cil de ma pensée. Mauvais mot et hors d'usage. Non, qu'on ne parle plus de saisons ni d'années. Il devoit dire : qu'on ne me parle plus. Je laisse au philosophe et aux gens de loisir À mesurer le temps par mois et par journées ; Je compte, quant à moi, le temps par le désir. Bonne conclusion. SONNET V De n'aimer que vous-même est en votre pouvoir. Mal parlé ; il devoit dire : n'aimer rien que vous-même, etc., ou bien : il est en votre pouvoir de n'aimer rien que vous.(En marge des trois derniers vers du sonnet :) Froid. SONNET VI Et ne perd aussitôt le coeur, l'âme et l'audace. Chevilles. On doute de ces deux la meilleure aventure, De cil qui pour les voir (les yeux de sa maîtresse) à la mort s'aventure, Oui qui, ne les voyant, évite son trépas. Phrase extravagante. -- Cil ne vaut rien -- De cil qui s'aventure à la mort ou qui évite son trépas, cette division est mal faite. Il devoit répéter cil ou celui, car on dit : « il n'y a point de différence de celui qui tient et de celui qui écorche. « Ainsi faut-il répéter celui ; car qui diroit : autant fait celui qui fait et qui fait faire, ce seroit mal parlé. SONNET VII Et que tous mes désirs ayent (sic) de vous origine. Ayent monosyllabe. Comme un qui va de nuit, je choppois tous les pas. J'eusse dit : à tous les pas. Qu'on n'en peut approcher seulement du penser. Rime au milieu vicieuse. SONNET VIII Sans qui rien ici-bas ne peut être naissant. Mal parlé, être naissant, pour naître. Mon soleil, qui sur l'autre a beaucoup d'avantage, De mes yeux à mon coeur fait ainsi (comme l'autre) son voyage. Excellente bourre. SONNET IX J'en accuse le ciel plutôt que vous blâmer. Note. La faute en est d'Amour qui me fait vous aimer. Mal parlé ; il faut dire : la faute en est à l'Amour, et non : de l'Amour. Bien dit-on : c'est la faute d'Amour. Il a bien dit en la quatrième ligne de ce même sonnet : « la faute en est à lui. « Voyez ci-après, p. 353, au sonnet de Ronsard. Il pouvoit dire : c'est la faute d'Amour. SONNET X Trois fois les Xanthiens au feu de leur patrie, Se sont ensevelis avec la liberté ; Et le vaillant Caton d'un esprit indompté, Afin de mourir libre, est cruel à sa vie. L'épouse de Syphax, du malheur poursuivie, Fuit, en s'empoisonnant, le triomphe apprêté... Mourut l'Égyptienne, etc. Excellemment mauvais. -- Rime mauvaise. -- Temps présent et passé confondus. Il faut, il faut mourir, je suis trop attendant. Mal. Si ce n'est en Caton, ma liberté gardant, Soit comme Cléopâtre, après l'avoir perdue. Que sont devenus les Nanthiens et l'épouse de Syphax ? SONNET XI En ce premier quatrain (du sonnet) il y a trente-cinq monosyllabes ; encore y en peut-on compter trente-six, car vie devant est est monosyllabe. Le vainqueur des vaincus maint trophée elevoit... Bien que je sois vaincu j'élève en divers lieux Maint trophée immortel pour vous rendre honorée. Si cette conclusion n'est froide, la glace ne l'est pas. SONNET XII Ce sonnet est confus. Tantôt il semble l'avoir fait le jour même dont il parle ; tantôt il parle comme d'un jour passé il y a déjà quelque temps. Mille extrêmes faveurs ont bien-heuré ma foi. Je donne congé à ce verbe bien-heurer. Son propos me chassoit, ses yeux me rappeloient. Je n'approuve pas : son propos. Il n'a pas dit : ses propos, de peur de la rime qui se fût trouvée au milieu du vers : chassoient et rappeloient. Il n'est guère mieux au sonnet suivant, ligne dixième. Dieu ! que j'aime ses yeux et que je hais sa bouche ! Bon. SONNET XIII Un orgueil plein d'attraits, une honnête rigueur, En silence un parler qui découvre le coeur. Drôlerie. Dessous les cheveux blonds une mûre sagesse. Mal exprimé et sans grâce ; il devoit dire : en des ans verts une mûre, etc. Au vers 8, Malherbe a corrigé guarist en guarit. SONNET XIV C'est un portrait vivant, etc. J'eusse laissé : « C'est, etc. « Je me plais en ma faute, et plus je me sens pris, Et plus je tiens ma vie heureusement sujette. Nota. ...Et que je suis heureux ...de n'être amoureux De rien tant que des yeux dont j'ai l'âme blessée ! Voyez quelle sotte conception : que je suis heureux de n'aimer rien tant que celle que j'aime ! Et le mal qui me tue est vie à ma pensée. Oisonnerie étrange. SONNET XV Aux célestes beautés mon âme accoutumée. Cette transposition ne vaut du tout rien. Le jour dont si souvent j'aime à me souvenir... Tu rompis tant de noeuds qui m'avoient su lier, etc. Voilà une conclusion excellente : le jour que tu me retins à ton service, tu me fis oublier tant d'autres beautés ! -- Je lui voudrois demander à quoi est bon ce tant. [...]Mon âme et ma mémoire. Mé, ma, mé, moi. SONNET XVI Ce sonnet et le suivant sont bien traduits ; mais surtout le suivant est très bien. La faute est toute à moi... Test, tou, ta. SONNET XVII Plusieurs ont traduit ce sonnet ; mais cette traduction est, à mon gré, la meilleure de celles que j'ai vues. STANCES I Ha ! ce sont des regards clairs d'ardentes lumières. Vent. Sont-ce dards ou regards... ? Sont-ce charmes ou chants... ? Ce m'est grand réconfort qu'un si beau trait m'enferre, Et qu'en si blonds cheveux je sois emprisonné. Puisqu'il parloit ici de traits, il devoit aussi parler de chants, et non de cheveux. Mais j'aime ores mes fers... Hors d'usage. Et son oeil qui, si clair, cède au vôtre plus beau. Cheville ; et même c'est le contraire de ce qu'il devoit dire. Car qu'elle apparence y a-t-il d'argumenter de cette façon : le soleil, qui n'est pas si beau comme vous, regarde le souci comme le sapin ; vous en devez donc faire de même. Pour être bon dialecticien, il eût fallu dire : le soleil qui est plus beau que vous, le fait bien, vous le pouvez donc bien faire. Mais cette comparaison eût offensé sa maîtresse : voilà pourquoi il n'en devoit du tout point faire. Il devoit dire simplement : vous êtes ce qu'est le soleil, faites ce qu'il fait. J'en voudrois mille et mille, afin de pouvoir mieux Recevoir, etc. Vers mal fini. Accoutumé d'enfance aux plus cruels alarmes. Alarmes est féminin, et sans réplique. Me fit succer des feux, des soupirs et des larmes. Pour les larmes, bon ; mais de sucer des feux et des soupirs, il n'y a guère d'apparence. Un seul cri ne m'échappe aux plus fortes langueurs. Il devoit dire douleurs. Chacun n'a pas mes yeux, bien qu'il vous trouve belle. Ceci pipe le monde, et ce n'est rien qui vaille. ÉPIGRAMME Privé du bel astre amoureux, etc. Bon. Source : Malherbe (François de), OEuvres, Paris, Hachette, 1862. Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation. Tous droits réservés.
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« Chevilles.

On doute de ces deux la meilleure aventure, De cil qui pour les voir (les yeux de sa maîtresse) à la mort s’aventure, Oui qui, ne les voyant, évite son trépas. Phrase extravagante.

— Cil ne vaut rien — De cil qui s’aventure à la mort ou qui évite son trépas, cette division est mal faite.

Il devoit répéter cil ou celui, car on dit : « il n’y a point de différence de celui qui tient et de celui qui écorche.

» Ainsi faut-il répéter celui ; car qui diroit : autant fait celui qui fait et qui fait faire, ce seroit mal parlé.

SONNET VII Et que tous mes désirs ayent (sic) de vous origine. Ayent monosyllabe.

Comme un qui va de nuit, je choppois tous les pas. J’eusse dit : à tous les pas. Qu’on n’en peut approcher seulement du penser. Rime au milieu vicieuse.

SONNET VIII Sans qui rien ici-bas ne peut être naissant. Mal parlé, être naissant, pour naître. Mon soleil, qui sur l’autre a beaucoup d’avantage, De mes yeux à mon cœur fait ainsi (comme l’autre) son voyage. Excellente bourre.

SONNET IX J’en accuse le ciel plutôt que vous blâmer. Note.

La faute en est d’Amour qui me fait vous aimer. Mal parlé ; il faut dire : la faute en est à l’Amour, et non : de l’Amour. Bien dit-on : c’est la faute d’Amour. Il a bien dit en la quatrième ligne de ce même sonnet : « la faute en est à lui.

» Voyez ci-après, p.

353, au sonnet de Ronsard.

Il pouvoit dire : c’est la faute d’Amour. SONNET X Trois fois les Xanthiens au feu de leur patrie, Se sont ensevelis avec la liberté ; Et le vaillant Caton d’un esprit indompté, Afin de mourir libre, est cruel à sa vie. L’épouse de Syphax, du malheur poursuivie, Fuit, en s’empoisonnant, le triomphe apprêté… Mourut l’Égyptienne, etc. Excellemment mauvais.

— Rime mauvaise.

— Temps présent et passé confondus.

Il faut, il faut mourir, je suis trop attendant. Mal.

Si ce n’est en Caton, ma liberté gardant, Soit comme Cléopâtre, après l’avoir perdue. Que sont devenus les Nanthiens et l’épouse de Syphax ? SONNET XI En ce premier quatrain (du sonnet) il y a trente-cinq monosyllabes ; encore y en peut-on compter trente-six, car vie devant est est monosyllabe. Le vainqueur des vaincus maint trophée elevoit … Bien que je sois vaincu j’élève en divers lieux Maint trophée immortel pour vous rendre honorée. Si cette conclusion n’est froide, la glace ne l’est pas.

SONNET XII Ce sonnet est confus.

Tantôt il semble l’avoir fait le jour même dont il parle ; tantôt il parle comme d’un jour passé il y a déjà quelque temps. Mille extrêmes faveurs ont bien-heuré ma foi. Je donne congé à ce verbe bien-heurer. Son propos me chassoit, ses yeux me rappeloient. Je n’approuve pas : son propos. Il n’a pas dit : ses propos, de peur de la rime qui se fût trouvée au milieu du vers : chassoient et rappeloient. Il n’est guère mieux au sonnet suivant, ligne dixième.

Dieu ! que j’aime ses yeux et que je hais sa bouche !. »

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