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narration - littérature.

Publié le 28/04/2013

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narration - littérature. 1 PRÉSENTATION narration, type d'énoncé et ensemble de procédés qui visent à mettre en récit une série de faits, vrais ou fictifs, se déroulant dans une temporalité. 2 DÉFINITION 2.1 Champ d'application de la narration La narration ne concerne pas seulement le genre du roman, mais toutes les catégories de récit. Quoiqu'il y ait une distinction entre les récits fondés sur un référent fictif (roman, conte, nouvelle, etc.) et les récits fondés sur un référent vrai (autobiographie, biographie, mémoires, chronique, ouvrages d'Histoire, etc.), les procédés de la mise en récit sont, à peu de chose près, identiques dans les deux cas. Il faut préciser que la narration n'appartient pas seulement au domaine littéraire ; elle intervient dans la communication en général, qu'elle soit orale ou écrite ; omniprésente, elle apparaît dans les conversations, les journaux, à la télévision, etc. Nous nous intéresserons ici surtout au cas du roman, qui offre une complexité narrative supérieure aux autres genres. 2.2 Narration, histoire, récit Le processus de la narration prend tout son sens lorsque l'on met en lumière la différence résidant entre l'histoire, qui est le contenu de la narration (faits, états ou sentiments), le récit, qui est le produit de la narration et de l'histoire, et la narration elle-même, qui est la manière dont les faits sont racontés, ou, plus précisément, qui constitue l'ensemble de procédés de la mise en récit. À proprement parler, on ne devrait parler de narration que dans le cas d'un récit diégétique (ou diégèse), qui est la relation de faits se déroulant dans le temps, par opposition au récit mimétique (toute forme d'énoncé qui donne une image synchronique du réel, qui « mime « le réel, comme la description). 2.3 Auteur, narrateur et personnage 2.3.1 Distinction entre auteur et narrateur L'auteur d'un récit est la personne réelle qui entreprend d'écrire l'ouvrage : il possède un nom ou un pseudonyme, un corps, une biographie, une subjectivité. Le narrateur, contrairement à l'auteur, n'est pas une personne réelle : il est seulement une fonction, celle de raconter. Bien entendu, le plus souvent, dans le roman classique (balzacien), l'auteur qui écrit l'ouvrage est aussi celui qui en assume la narration, mais ce n'est pas toujours le cas. Dans la Vie de Marianne, de Marivaux, l'auteur et le narrateur sont distincts. Marivaux est l'auteur, mais il a confié la narration à son personnage : c'est Marianne qui est le narrateur. C'est seulement dans les autobiographies réelles et dans les genres autobiographiques que le narrateur se confond avec l'auteur. 2.3.2 Cas du narrateur-personnage Le personnage d'un roman n'a d'existence que littéraire : il est une invention, une fiction, mais l'auteur qui l'a conçu cherche à le doter de l'apparence de la réalité (il lui confère un nom, une biographie, une psychologie précise, etc.). Le personnage fictif peut assumer la narration : c'est le cas du récit à la première personne comme Claudine à l'école de Colette. Une multitude de variantes peuvent apparaître : les narrateurs-personnages alternent dans le roman épistolaire, les narrateurs-relais racontent une histoire à tour de rôle comme dans l'Heptaméron de Marguerite de Navarre, etc. Selon la terminologie de Gérard Genette, on distingue le récit « homodiégétique «, où le narrateur s'incarne dans un personnage de l'action, du récit « hétérodiégétique «, où le narrateur est tout à fait extérieur à l'histoire. Quand le narrateur est le héros de l'histoire, le personnage principal, le récit est « autodiégétique «. 2.4 Lecteur et narrataire 2.4.1 Narrataire Le narrataire est l'instance à laquelle s'adresse le récit. Le narrataire est parfois un personnage fictif (cas du roman épistolaire, où un personnage écrit à un autre bien précis) mais, le plus souvent, dans le cas du récit classique, la figure du narrataire est effacée. Genette parle de narrataire « intradiégétique «, lorsque celui-ci est incarné par un personnage de l'action, et lui oppose le narrataire « extradiégétique «, narrataire effacé, sans lien avec l'histoire relatée. Si le narrataire ne se confond pas avec le lecteur réel (la personne particulière qui est en train de lire le récit, mais que l'auteur ne peut naturellement pas connaître), il peut correspondre au lecteur supposé (le type de public qu'un auteur envisage de toucher, caractérisé par une certaine culture, son appartenance à une certaine catégorie sociale, etc.). 2.4.2 Pacte de lecture Pour Gérard Genette et les tenants de l'analyse structurale, la notion de narration, dans le cas du roman, met l'accent sur le pacte de réalité qui est passé, explicitement ou implicitement, avec le lecteur. Se laissant guider par le fil de la narration, le lecteur adhère à la convention romanesque et fait semblant de croire à l'illusion de réalité procurée par le texte. Certains auteurs, cependant, s'amusent à brouiller les pistes. Une certaine tradition romanesque, en particulier au XVIIIe siècle, donne pour authentiques des oeuvres de fiction : correspondances ou confessions « retrouvées « dans une maison abandonnée, etc. Dans les Liaisons dangereuses, Laclos se fait passer pour l'éditeur de la correspondance réelle échangée entre les différents acteurs du drame. 3 STRUCTURATION DU RÉCIT 3.1 Technique des points de vue La narration s'organise à partir d'un ou de plusieurs points de vue, appelés aussi « foyers d'énonciation « ou, selon la terminologie de Gérard Genette, « focalisations «. Il existe trois principaux types de points de vue qui peuvent alterner au sein d'une même narration et structurer l'ensemble du récit. 3.1.1 Point de vue omniscient Dans les romans classiques, c'est-à-dire dans le modèle balzacien, le point de vue adopté est celui d'un narrateur omniscient : ayant une vision « par en dessus «, surplombante, des événements relatés, le narrateur possède à la fois une connaissance des faits objectifs dans leur totalité et une connaissance approfondie de l'âme de tous les personnages. Il peut ainsi exposer des faits que tous ses personnages ignorent, d'une part, et décrire tous les mouvements de l'âme (pensées, sentiments, etc.), même les plus secrets, de tous les personnages, d'autre part. Le plus souvent, le narrateur omniscient est effacé, il ne montre pas ouvertement sa subjectivité : il cherche à donner l'impression que l'histoire se raconte elle-même, donnant l'illusion, en même temps, de l'objectivité. 3.1.2 Point de vue, ou focalisation, externe Dans la « focalisation externe «, il y a une réduction du champ de vision, car le narrateur relate l'histoire en se contentant de décrire les faits « extérieurs «, ceux qui sont objectivement observables : il ne donne aucune information sur l'âme de ses personnages, sur leurs pensées et leurs motivations. Ce type de narration donne au lecteur une très forte impression d'objectivité, voire de froideur ; évitant totalement l'investigation psychologique, le narrateur laisse le lecteur libre d'interpréter lui-même les actions des personnages. L'adoption de ce point de vue extérieur sur l'intégralité d'un récit est un procédé très moderne, témoignant de la part de l'auteur d'un refus d'une certaine sentimentalité et de l'investigation psychologique. En revanche, le procédé est couramment employé de façon ponctuelle, par exemple dans le récit policier, quand le narrateur veut ménager un effet de suspens. 3.1.3 Point de vue, ou focalisation, interne Dans la « focalisation interne «, le récit est assumé par un narrateur qui est aussi, le plus souvent, un des personnages impliqués de l'action. Celui-ci, d'un point de vue strictement subjectif, donc partiel, témoigne de ce qu'il a vu, ressenti et compris : le lecteur ne possède que les informations que le narrateur connaît ou qu'il veut bien lui donner. On trouve ce type de focalisation mis à l'oeuvre dans des autobiographies fictives comme la Vie de Marianne de Marivaux ou réelles, comme les Confessions de Rousseau : c'est le personnage principal-narrateur qui relate toute l'histoire de sa vie ; il y a nécessairement des choses qu'il ignore sur lui-même et sur les personnes qui sont intervenues dans son existence. Ce procédé, mis en oeuvre dans l'intégralité du texte dans des genres comme l'autobiographie, le roman par lettres ou les mémoires (réels ou imaginaires), etc., peut être employé de façon momentanée au sein d'un roman traditionnel assumé, pour le reste, par un narrateur omniscient. 3.2 Hétérogénéité du récit : pauses narratives La narration écrite est caractérisée traditionnellement par des marques langagières comme l'emploi du passé (souvent le passé simple, en alternance avec l'imparfait), et par la prédominance des verbes d'action. La narration relate des faits qui s'inscrivent dans une durée : la phrase qui se déroule suggère également un déroulement temporel au sein du récit. Or si un récit semble linéaire, une narration est une élaboration structurée où des éléments s'enchaînent à l'intérieur d'une trame. Un roman n'est pas homogène : au sein même de ce que l'on appelle la narration au sens strict, des moments qui ne sont pas narratifs viennent s'insérer, moments de description (mimesis) et moments de discours notamment, qui représentent des pauses au sein de la narration et que l'on appelle pauses narratives. 3.2.1 Description 3.2.1.1 Description de paysages ou d'objets inanimés La description ne relève pas de la narration stricto sensu mais s'y articule : elle n'est pas diégétique, mais mimétique. Elle interrompt la progression du récit pour introduire une information sur un état donné (état d'une chose, d'un lieu). La description peut fournir des éléments concrets (un décor, par exemple), ou abstraits (une ambiance, un renseignement psychologique, etc.). Elle participe à l'effet de réalité du roman parce qu'elle « donne à voir « une situation. La description relève de l'évocation poétique lorsqu'il y a superposition d'un paysage et de l'état d'âme d'un personnage, motif courant depuis le XIXe siècle. La description, si sa forme n'est pas narrative, peut pourtant jouer un rôle narratif fort : ainsi, la longue évocation de la pension Vauquer au début du Père Goriot, de Balzac, « raconte « déjà les personnages qui vont y évoluer. 3.2.1.2 Portrait L'art du portrait relève aussi de la description. Héritier d'une tradition codifiée aux XVIe et XVIIIe siècles avec, en particulier, les Portraits de La Bruyère, le portrait traditionnel commence généralement par une description des traits physiques (débutant par le visage), puis fait état des traits moraux et sociaux. Le portrait est essentiel à la narration dans la mesure où il introduit un des principaux éléments de l'histoire : le personnage. Il contribue également à l'effet de réalité car, en établissant les traits caractéristiques de ce dernier, il rend plausibles ses agissements futurs. 3.2.2 Discours La narration s'oppose au discours, défini comme l'expression d'une subjectivité : le discours ne déroule pas une série de faits dans une temporalité mais développe la pensée d'une personne ou d'un personnage ; le commentaire, l'analyse, le raisonnement, la persuasion, relèvent par exemple du discours. Le discours peut être le fait du narrateur (qui commente les événements relatés et juge ses personnages) ou d'un personnage de l'action (qui pense en son for intérieur ou qui exprime ses idées en prenant la parole). 3.2.2.1 Discours au style direct Lorsque le narrateur veut exprimer son opinion sur un problème ou un personnage, il fait une pause au sein de la narration et entame un discours, soit en affichant sa subjectivité (en disant « je «), soit en conservant le masque de la neutralité. Mais, dans tous les cas, il exprime sa pensée au style direct et sans guillemets. Il en va tout autrement des personnages. Le discours d'un personnage peut être inséré dans une narration assumée par une autre instance d'énonciation selon trois procédés : l'adoption du style direct, du style indirect et du style indirect libre. Lors d'un dialogue, les propos sont reportés au style direct. Le style direct est généralement caractérisé par l'emploi de guillemets et de tirets, par l'usage de la première et de la deuxième personne, par la conservation du temps et du mode verbaux employés par le personnage (souvent le présent de l'indicatif), par le respect de la syntaxe et du lexique qui lui sont prêtés ; le discours direct peut en outre appeler l'emploi d'une incise (« dit-il «, « pensa-t-il «, etc.) qui explicite l'identité de l'énonciateur. Le dialogue crée un effet « mimétique «, la réalité d'une conversation réelle étant davantage mimée que reconstituée. Le monologue est un cas particulier du dialogue. Dans les romans de Sade, par exemple, les scènes d'action alternent avec de longs exposés philosophiques tenus par l'un des personnages. Si un ouvrage est tout entier monologue, en revanche, le personnage, étant narrateur, exprime ses idées, ses sentiments au style direct, mais sans guillemets : un certain courant romanesque, apparu au début du XXe siècle, tente de fondre étroitement narration et monologue en donnant au récit la forme du « flux de conscience «, dit aussi monologue intérieur. Le plus célèbre roman de cette catégorie est Ulysse (1922) de Joyce. 3.2.2.2 Discours au style indirect Dans le style indirect, les propos ou les pensées des personnages sont rapportés, in extenso ou de façon abrégée, par le narrateur, sous la forme d'une proposition subordonnée complétive (« il dit qu'il souhaitait... «, « il pensa qu'il était préférable de... «, etc.). Le style indirect transpose le propos de la première personne à la troisième personne et en modifie le temps verbal selon le principe de la concordance des temps. 3.2.2.3 Discours au style indirect libre Un troisième moyen d'insérer le discours d'un personnage au sein de la narration est l'emploi du style indirect libre. Ce style a l'avantage de s'intégrer mieux au sein du récit que le discours au style direct (il crée une rupture moins brutale dans le rythme de la narration) et il évite les lourdeurs de styles parfois liées à l'emploi du style indirect. Particulièrement souple, le style indirect libre est un moyen terme entre le style direct et le style indirect : il donne le propos du personnage sans formule introductive et en respecte scrupuleusement la syntaxe et le lexique (comme dans le style direct) ; en revanche, il transpose le propos de la première à la troisième personne et applique le principe de la concordance des temps (comme dans le style indirect). Ce choix d'énonciation est susceptible d'établir une certaine ambiguïté dans le propos ; dans son roman Madame Bovary, Flaubert, qui a souvent recours au style indirect libre, exploite cette possibilité : ainsi, lorsqu'il évoque les rêveries exotiques et amoureuses de son héroïne, l'adoption du style indirect libre lui permet de restituer au mieux l'idéal de la jeune femme, tout en dénonçant, dans le même mouvement, le caractère de cliché de cet idéal. Notons, pour finir, qu'il ne faut pas confondre le point de vue et l'instance d'énonciation (« qui parle ? «), qui ne se superposent pas toujours. 3.3 Hétérogénéité du récit : récit diégétique Le récit est diégétique, c'est-à-dire qu'il relate une action se déroulant dans le temps. Il est limité par un début ou incipit (que l'on dit in media res s'il survient au beau milieu de l'action) et par une fin, ou excipit. À l'intérieur de ces deux bornes, une structure plus ou moins complexe s'élabore. 3.3.1 Forces agissantes et schéma actanciel 3.3.1.1 Schémas narratifs Contrairement à l'analyse logique, la narration intègre la dimension de la durée, et c'est en fait la transformation, lente ou rapide, des composantes d'une situation qui nourrit le récit. Malgré la diversité des oeuvres romanesques existantes, on observe souvent que des intrigues d'apparence disparate possèdent un fond commun. De nombreuses narrations, par exemple, sont marquées par l'héritage du conte, de la légende et du mythe et, en particulier, reprennent le motif de la quête, dont elles proposent des variations infinies. Le roman adapte de mille façons le schéma du prince partant délivrer la princesse, laquelle est à la recherche d'un époux. Les aventures des héros représentent une expérience initiatique : ils se heurtent en chemin à une série d'obstacles dont ils ressortent grandis. 3.3.1.2 Schéma actanciel De nombreuses tentatives ont été faites pour formaliser les forces agissantes du récit. Le « schéma actanciel «, proposé par Vladimir Propp et par les formalistes russes, ramène l'action à un nombre limité de « fonctions « ou d'« actants «. Ce schéma est constitué de trois couples : sujet / objet, destinateur / destinataire, adjuvant / opposant. Le sujet est le héros qui mène l'action, l'objet est sa motivation ; il peut s'agir d'un être humain (une princesse à délivrer, etc.), d'un objet (un trésor, le graal, etc.) ou d'un principe, d'une idée (idéal d'honneur, de liberté, sécurité d'un pays, etc.). Le destinateur se confond généralement avec le héros : il est la personne qui donne l'impulsion à l'action ; le destinataire est la personne pour laquelle l'action s'accomplit (le chevalier-héros rend son royaume à un souverain déchu, etc.). L'adjuvant est celui qui aide le héros à accomplir son action, l'opposant au contraire est celui qui dresse des obstacles sur sa route. Pour que l'action débute, il faut que survienne un élément neuf, créateur de conflit. L'action naît ainsi d'un déséquilibre et sa résolution devient l'enjeu de la quête. Les rapports de force se modifient au cours du récit et la tension réside dans l'interrogation sur les moyens de résoudre le conflit. À la fin, la quête aboutit ou échoue, avec un dénouement heureux ou malheureux. Parfois, le récit ne trouve pas de solution définitive : la fin reste « ouverte «. L'application de ce schéma actanciel au récit en général, et au roman en particulier, permet certes d'en dégager une image claire, mais il faut reconnaître que, si sa simplicité permet de convenablement rendre compte des récits merveilleux et mythiques, si elle convient assez bien aussi pour décrire la structure et la dynamique d'une tragédie, elle est relativement mal adaptée au roman, qui développe souvent des ramifications multiples et complexes. 3.3.2 Complexité de la construction narrative Une narration développe souvent différentes intrigues, d'importance inégale, pour donner, malgré la linéarité nécessaire du texte, l'impression de l'épaisseur et de la complexité du réel. On appelle « digression «, « récit à tiroirs « ou « récit enchâssé « les récits où la narration introduit des séquences de niveaux inférieurs, emboîtées dans un récit plus ample (cas de l'Heptaméron de Marguerite de Navarre). Dans le cas particulier du procédé de la « mise en abyme «, le récit comprend, en son sein, sa propre image : c'est l'occasion d'un retour sur lui-même, d'un commentaire de sa propre genèse ( les Faux-monnayeurs d'André Gide). Dans Fictions, Borges a fréquemment recours à ce procédé, notamment dans la nouvelle qui raconte le rêve du rêveur que rêve un autre rêveur. 3.3.3 Jeu sur la temporalité Le temps de l'écriture et le temps des événements racontés ne se superposent que rarement : le temps de la fiction excède le plus souvent celui de la narration. Le jeu sur la temporalité constitue donc l'un des ressorts essentiels de l'élaboration du récit. L'anticipation (également appelée prolepse dans la terminologie de Genette) et le retour en arrière (dit aussi déchronologie ou, selon la terminologie de Genette, analepse) sont largement utilisés. L'ellipse est également fréquente au cours d'un récit : le narrateur exerce une sélection, il ne relate pas tous les faits secondaires qui vont d'un événement clé à un autre (plusieurs années peuvent être racontées en quelques phrases -- ou bien totalement éludées -- tandis que certaines séquences sont longuement détaillées). 4 LA NARRATION EN QUESTION S'il donne l'impression de la linéarité et l'illusion d'être la reproduction fidèle du réel, le roman n'est en fait qu'un tissu consciemment aménagé par un auteur dans un but précis. C'est en combinant les éléments fonctionnels du récit que l'auteur traduit ses options esthétiques. Les auteurs de romans policiers, par exemple, choisissent avec soin le moment de révéler un fait jusqu'alors ignoré du lecteur, afin de relancer l'intrigue. La répartition des informations crée l'effet de suspens (une scène banale devient palpitante si l'on sait qu'une menace pèse sur un personnage). Les choix narratifs ne sont donc jamais gratuits : ils témoignent d'options esthétiques et parfois idéologiques. La manière d'enchaîner les faits dans un récit rend compte, de manière délibérée ou non, des questionnements, des convictions et des croyances de l'auteur. Acte de création, la narration est intimement liée à la réflexion sur la destinée humaine et sur le sens de la vie. Les romanciers contemporains ont tendance à remettre en question les principes traditionnels de la narration. Refusant l'imposture fondatrice du genre romanesque (la création d'une illusion de réalité, et de réalité objective), ils n'utilisent plus le récit pour relater une histoire mais pour subvertir le genre en affichant son imposture et en mettant au premier plan, non pas l'histoire elle-même, mais l'écriture, l'élaboration esthétique, idéologique, qui la constitue et qui est considérée comme la partie véritablement « littéraire « du récit. Cette démarche s'illustre notamment dans le Nouveau Roman. Parallèlement à cette évolution s'est développée la narratologie. On y distingue deux approches complémentaires : la narratologie formelle, qui s'attache à l'analyse des modes de représentation, et la narratologie thématique, qui porte sur l'analyse des contenus narratifs. Parmi les principaux théoriciens de la narratologie, on peut citer Propp (Morphologie du conte, 1928), Greimas (Sémantique structurale, 1966), Todorov (Littérature et Signification, 1967), Genette (Figures, 1966-1972) et Roland Barthes (S/Z, 1970). La narratologie n'est cependant pas une invention du XXe siècle : de grands concepts narratifs, toujours en vigueur, proviennent de la Poétique d'Aristote. Voir Critique littéraire. Voir autobiographie ; biographie ; chronique ; fées et contes de fées ; contes populaires ; correspondance ; mémoires ; nouvelle ; roman. Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation. Tous droits réservés.

« toucher, caractérisé par une certaine culture, son appartenance à une certaine catégorie sociale, etc.). 2.4. 2 Pacte de lecture Pour Gérard Genette et les tenants de l’analyse structurale, la notion de narration, dans le cas du roman, met l’accent sur le pacte de réalité qui est passé, explicitement ou implicitement, avec le lecteur.

Se laissant guider par le fil de la narration, le lecteur adhère à la convention romanesque et fait semblant de croire à l’illusion de réalité procurée par le texte. Certains auteurs, cependant, s’amusent à brouiller les pistes.

Une certaine tradition romanesque, en particulier au XVIII e siècle, donne pour authentiques des œuvres de fiction : correspondances ou confessions « retrouvées » dans une maison abandonnée, etc.

Dans les Liaisons dangereuses, Laclos se fait passer pour l’éditeur de la correspondance réelle échangée entre les différents acteurs du drame. 3 STRUCTURATION DU RÉCIT 3. 1 Technique des points de vue La narration s’organise à partir d’un ou de plusieurs points de vue, appelés aussi « foyers d’énonciation » ou, selon la terminologie de Gérard Genette, « focalisations ».

Il existe trois principaux types de points de vue qui peuvent alterner au sein d’une même narration et structurer l’ensemble du récit. 3.1. 1 Point de vue omniscient Dans les romans classiques, c’est-à-dire dans le modèle balzacien, le point de vue adopté est celui d’un narrateur omniscient : ayant une vision « par en dessus », surplombante, des événements relatés, le narrateur possède à la fois une connaissance des faits objectifs dans leur totalité et une connaissance approfondie de l’âme de tous les personnages. Il peut ainsi exposer des faits que tous ses personnages ignorent, d’une part, et décrire tous les mouvements de l’âme (pensées, sentiments, etc.), même les plus secrets, de tous les personnages, d’autre part.

Le plus souvent, le narrateur omniscient est effacé, il ne montre pas ouvertement sa subjectivité : il cherche à donner l’impression que l’histoire se raconte elle-même, donnant l’illusion, en même temps, de l’objectivité. 3.1. 2 Point de vue, ou focalisation, externe Dans la « focalisation externe », il y a une réduction du champ de vision, car le narrateur relate l’histoire en se contentant de décrire les faits « extérieurs », ceux qui sont objectivement observables : il ne donne aucune information sur l’âme de ses personnages, sur leurs pensées et leurs motivations. Ce type de narration donne au lecteur une très forte impression d’objectivité, voire de froideur ; évitant totalement l’investigation psychologique, le narrateur laisse le lecteur libre d’interpréter lui-même les actions des personnages. L’adoption de ce point de vue extérieur sur l’intégralité d’un récit est un procédé très moderne, témoignant de la part de l’auteur d’un refus d’une certaine sentimentalité et de l’investigation psychologique.

En revanche, le procédé est couramment employé de façon ponctuelle, par exemple dans le récit policier, quand le narrateur veut ménager un effet de suspens. 3.1. 3 Point de vue, ou focalisation, interne Dans la « focalisation interne », le récit est assumé par un narrateur qui est aussi, le plus souvent, un des personnages impliqués de l’action.

Celui-ci, d’un point de vue strictement subjectif, donc partiel, témoigne de ce qu’il a vu, ressenti et compris : le lecteur ne possède que les informations que le narrateur connaît ou qu’il veut bien lui donner. On trouve ce type de focalisation mis à l’œuvre dans des autobiographies fictives comme la Vie de Marianne de Marivaux ou réelles, comme les Confessions de Rousseau : c’est le personnage principal-narrateur qui relate toute l’histoire de sa vie ; il y a nécessairement des choses qu’il ignore sur lui-même et sur les personnes qui sont intervenues dans son existence. Ce procédé, mis en œuvre dans l’intégralité du texte dans des genres comme l’autobiographie, le roman par lettres ou les mémoires (réels ou imaginaires), etc., peut être employé de façon momentanée au sein d’un roman traditionnel assumé, pour le reste, par un narrateur omniscient. 3. 2 Hétérogénéité du récit : pauses narratives La narration écrite est caractérisée traditionnellement par des marques langagières comme l’emploi du passé (souvent le passé simple, en alternance avec l’imparfait), et par la prédominance des verbes d’action.

La narration relate des faits qui s’inscrivent dans une durée : la phrase qui se déroule suggère également un déroulement temporel au sein du récit. Or si un récit semble linéaire, une narration est une élaboration structurée où des éléments s’enchaînent à l’intérieur d’une trame.

Un roman n’est pas homogène : au sein même de ce que l’on appelle la narration au sens strict, des moments qui ne sont pas narratifs viennent s’insérer, moments de description (mimesis) et moments de discours notamment, qui représentent des pauses au sein de la narration et que l’on appelle pauses narratives. 3.2. 1 Description. »

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