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Pensées sur la religion

Publié le 29/03/2011

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Introduction aux Pensées sur la religion de Pascal : 

L’Apologétique contre la philosophie.

 

L’idée « d’apologétique contre la philosophie » peut surprendre, car le statut de Pascal en tant que philosophe est communément perçu comme une évidence. Cependant, la réalité est bien plus complexe qu’elle n’y paraît.

La vie de Pascal (1623-1662) a été courte et très remplie. Il ne s’est pas seulement intéressé à la religion, il a également été un brillant scientifique très admiré dés son époque par les plus grands (Descartes, Leibniz). Cependant, il n’y a pas consacré beaucoup de temps car, comme le pensait Descartes, il ne s’agissait selon lui que d’un entraînement vers « un usage spirituel et religieux». Il s’est converti deux fois (1646 et en 1653), pourtant cela ne signifie pas, comme on le croit souvent, qu’il y eut une profonde rupture entre une vie mondaine et scientifique dans la première partie de sa vie, puis une vie religieuse dans la deuxième partie de sa vie. Il a continué ses recherches physiques et mathématiques et a poursuivi des activités mondaines après chacune de ses conversions. Le statut de son œuvre est également complexe, car il n’a pas laissé ou publié d’écrits ou d’essais réellement aboutis. Les Pensées elles-mêmes ne sont qu’un ensemble de brouillons, de notes abrégées, de citations répertoriées selon un ordre choisi par l’éditeur. Pascal avait une personnalité combattive ; il a défendu plusieurs causes diverses. il souhaitait convaincre de la réalité de la nouvelle physique tout comme défendre Antoine Arnault (co-auteur de la Logique de Port-Royal) condamné par la Sorbonne. Mais son principal combat est celui pour le christianisme. Le premier combat qu’il faut alors mener contre la concupiscence se fait par la conversion. Le deuxième combat doit être mené par l’apologétique pour convaincre les athées ou croyants assez indifférents.

 

L’apologétique d’un converti

Pour Pascal, « se convertir » a un sens différent de celui du langage courant. Cela ne se limite pas du stade de l’incroyance à celui de croyance. Cela peut aussi concerner le passage d’un stade de chrétien sociologique à une vie structurée par la pensée chrétienne. Un véritable chrétien doit selon lui consacrer tous ses efforts à obtenir la grâce. Il doit avoir conscience qu’il n’est rien devant Dieu. Toute sa vie doit être structurée selon les exigences du christianisme : à chacune de ses deux conversions successives, Pascal semble toujours plus soucieux de son salut et d’intégrer davantage le christianisme. Une fois converti, Pascal cherche également la conversion d’autrui.

Au sens premier, une « apologie » est un discours visant à défendre une personne contre une accusation. Une apologie de la religion va la défendre contre les attaques qui lui ont adressées, dans le but de convertir. Elle va donc se baser non seulement sur une argumentation développée, mais également par des moyens rhétoriques. La rhétorique suppose une adaptation selon l’auditoire : Pascal désire s’adresser aux gens du monde, nobles ou bourgeois, incroyants ou croyants « tièdes », qu’il connaît bien pour les avoir    beaucoup fréquentés. Le projet d’écrire cette apologie prend forme peu à peu, pourtant ce projet ne va pas de soi. En effet, selon Pascal lui-même, la conversion ne dépend pas de l’individu, mais de la volonté de Dieu. Son idée de convertir par l’apologie de la religion semble donc inconséquente. Cependant, on doit considérer qu’elle a pour but de seulement préparer l’individu à recevoir la grâce de Dieu. Elle doit mettre en valeur la religion afin qu’elle soit considérée comme respectable, donner envie de vivre en chrétien.

Comment Pascal aurait-il réalisé ce projet ? Une des questions les plus controversées est celle du plan que Pascal aurait choisi pour écrire son apologie, et donc quel devrait être l’ordre desPensées.

 

Plan de l’apologie et ordre des « pensées »

L’ouvrage de Pascal n’étant ni abouti, ni entamé, on ignore jusqu’à ce par quoi il aurait commencé. Les indications ne manquent pourtant pas, glissées dans certaines pensées consacrées au plan et grâce à un classement par liasses de ces pensées par Pascal lui-même. On peut donc esquisser une idée vraisemblable de son mouvement d’ensemble, à défaut d’un plan précis.

L’apologie devait tout d’abord décrire pourquoi l’Homme est misérable sans Dieu, par la faiblesse de sa raison et la suprématie de son imagination, par un bonheur rendu impossible et une mort certaine. Puis désigner la contradiction dans l’Homme puisqu’il est par ailleurs d’une inexplicable grandeur.  Il pense, désire le bonheur et veut atteindre la vérité.

Il fallait ensuite expliquer et surmonter cette contradiction. Pour Pascal, les philosophes ne peuvent parvenir à résoudre cette difficulté car la simple raison est impuissante.  Mais la religion chrétienne le peut, grâce au dogme du pêché originel : l’Homme a failli. Il garde des traces partielles de sa nature première, qui était la perfection. Cette idée apporte l’espoir de la rédemption, d’une grâce possible de Dieu.

Il reste cependant difficile de confirmer cette structure car « l’ordre de la charité » (du discours amoureux ou de celui qui veut inciter à l’amour de Dieu) n’est pas celui de l’ordre argumentatif de la géométrie (hypothético-déductif). Il s’agit seulement d’un texte polarisé par le sujet de l’être aimé (Dieu).

Quel sera donc le style argumentatif de Pascal et en quoi se distingue-t-il de la philosophie ?

 

Apologétique de rupture

Le genre apologétique existait avant Pascal. Ce genre était peu estimé, car considéré comme en-dessous de la théologie et à objectif propagandiste. La tâche inachevée de Pascal est pourtant une réussite intellectuelle, rhétorique et, en un sens, philosophique.

On peut parler de deux types d’apologie : l’apologie de continuité et l’apologie de rupture. La première tente de démontrer l’omniprésence implicite de Dieu, par exemple parce que l’Homme aime l’art. Elle vise donc à convaincre que tout Homme est croyant sans le savoir. La conversion ne ferait que rendre cohérente l’existence humaine. Pascal s’oppose totalement à cette thèse.

Selon lui, la vie humaine n’est absolument rien. Il ne parle pas de cohérence de l’existence humaine pour inciter à la conversion, car celle-ci n’est due qu’à la grâce de Dieu. Cette conversion doit bouleverser la vie humaine et non s’y ajouter : on doit choisir de façon radicale entre l’amour des choses terrestres d’un côté, et l’amour de Dieu de l’autre.

L’idée de discontinuité est très importante chez Pascal. Selon lui la pensée est de trois ordres : l’ordre de la chair (le plaisir, la gloire), l’ordre de l’esprit (la connaissance) et l’ordre de la charité (l’amour de Dieu). On ne peut en aucun cas passer de l’un à l’autre. La conversion est donc une nouvelle fois soulignée comme étant une rupture.

 

L’exclusion de la philosophie

Cela introduit l’idée d’inutilité de la philosophie, qui est incertaine, fragile. Pour les modernes, la philosophie est avant tout un exercice de pensée. Mais pour les Anciens, la philosophie doit amener le sage au bonheur, à la complétude. La philosophie peut alors apparaître comme un moyen de salut possible. Cette idée horrifie Pascal, car il ne suffit pas de se convertir, il faut opérer la bonne conversion, la conversion chrétienne et non la conversion philosophique. Il doit donc s’atteler à montrer l’échec de la philosophie car selon lui, elle échoue dans ses deux objectifs : connaître l’Homme, et lui apporter le bonheur. La religion chrétienne, elle, en est capable.

Il va présenter l’histoire de la philosophie comme un éternel combat entre deux conceptions : le stoïcisme, qui voit la grandeur sans voir la misère, et le scepticisme qui voit la misère sans voir la grandeur ; d’un côté Epictète vante la puissance de la volonté humaine et de l’autre Montaigne souligne la folie des Hommes. Chacun d’eux a, selon Pascal décrit avec fidélité ce qu’il a vu, mais n’a eu qu’une vision partielle de la réalité. Cependant une « synthèse » des deux philosophies n’aurait aucun sens. Il faut donc renoncer aux deux à la fois.

D’autre part, le stoïcisme comme le scepticisme a pour fin de trouver une conduite à suivre dans l’existence, et leurs attitudes orgueilleuse ou égoïste rend impossible la grâce de Dieu. Connaître ces philosophies n’est pourtant pas dangereux à condition de n’en conclure que leur profonde inutilité. Encore une fois, la discontinuité et la volonté de rupture réapparaît : il faut renier de façon radicale la Philosophie. Toute l’apologie de Pascal repose sur l’ambition de démontrer que la religion chrétienne réussit là où la philosophie a failli. Ainsi, la conversion chrétienne serait la seule envisageable.

Renoncer à la philosophie pour la foi sous-entend pourtant considérer la raison comme très limitée, et donc se remettre totalement à Dieu.

 

Anthropologie de la Nature déchue

Montaigne et Epictète avaient raison tous deux : l’Homme est malmené par la contradiction entre sa grandeur et sa misère. Et cela s’explique par le dogme du pêché originel. L’Homme a été crée parfait, mais a désiré se passer de Dieu. Il est donc à présent déchiré entre l’instinct qui lui reste de chercher le bonheur en Dieu, et sa concupiscence qui l’en empêche.

La corruption de l’Homme est irrémédiable. Cependant, Jésus-Christ a été envoyé pour apporter une rédemption possible ; étant à la fois Homme et Dieu, il rappelle à l’Homme sa nature première. Il vainc la mort par la résurrection : on doit en conclure que la mort n’est que la punition du pêché originel, donc heureuse.

Pour Pascal, le discours chrétien apporte la clé des problèmes de la philosophie : le dogme et les connaissances de l’Homme sur l’Homme se concilient, et on peut espérer le bonheur.

 

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