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Blaise Pascal (1623-1662): LE PARI dans les PENSÉES, oeuvre commencée en 1656 sous le titre d'Apologie de la religion chrétienne

Publié le 25/09/2010

Extrait du document

pascal
 
Le pari
Votre raison n'est pas plus blessée puisqu'il faut nécessairement choisir, en choisissant l'un que l'autre. Voilà un point vidé. Mais votre béatitude ? Pesons le gain et la perte en prenant croix que Dieu est. Estimons ces deux cas : si vous gagnez tout, et si vous perdez vous ne perdez rien : gagez donc qu'il est sans hésiter. Cela est admirable. Oui, il faut gager, mais je gage peut-être trop. Voyons puisqu'il y a pareil hasard de gain et de perte, si vous n'aviez qu'à gagner deux vies pour une vous pourriez encore gager, mais s'il y en avait à gagner ? Il faudrait jouer (puisque vous êtes dans la nécessité de jouer) et vous seriez imprudent lorsque vous êtes forcé à jouer de ne pas hasarder votre vie pour en gagner à un jeu où il y a pareil hasard de perte et de gain. Mais il y a une éternité de vie de bonheur. Et cela étant quand il y aurait une infinité de hasards dont un seul serait pour vous, vous auriez encore raison de gager un pour avoir deux, et vous agirez de mauvais sens, en étant obligé à jouer, de refuser de jouer une vie contre trois à un jeu où d'une infinité de hasards il y en a un pour vous, s'il y avait une infinité de vie infiniment heureuse à gagner, un hasard de gain contre un nombre fini de hasards de perte et ce que vous jouez est fini. Cela ôte tout parti partout où est l'infini et où il n'y a pas infinité de hasards de perte contre celui du gain. Il n'y a point à balancer, il faut tout donner. Et ainsi quand on est forcé à jouer, il faut renoncer à la raison pour garder la vie plutôt que de la hasarder pour le gain infini aussi prêt à arriver que la perte du néant. Car il ne sert de rien de dire qu'il est incertain si on gagnera, et qu'il est certain qu'on hasarde, et que l'infinie distance qui est entre la certitude de ce qu'on expose et l'incertitude de ce qu'on gagnera égale le bien fini qu'on expose certainement à l'infini qui est incertain. Cela n'est pas ainsi. Tout joueur hasarde avec certitude pour gagner avec incertitude, et néanmoins il hasarde certainement le fini pour gagner incertainement le fini, sans pécher contre la raison. Il n'y a pas infinité de distance entre cette certitude de ce qu'on expose et l'incertitude du gain. cela est faux.
 
 
Savant et philosophe, Pascal étudia le calcul des probabilités qu'il fit servir à son apologie du christianisme demeurée inachevée. Le célébrissime argument du pari prend place parmi les liasses non classées des Pensées, sorte de «brouillon « préparatoire à l'oeuvre définitive. Pascal pratique l'art d'agréer, qui consiste à adopter le point de vue de l'interlocuteur : ici, il engage les libertins à parier que Dieu existe. En effet, il s'adresse aux hommes de cour, peu sensibles à la religion mais fervents adeptes des jeux de société.
 
 
I. Questions
1. Sur quel postulat Pascal fonde-t-il son raisonnement? 2. Relevez les références aux probabilités mathématiques afin de dégager la mathématique du pari. 3. Après avoir défini le mot APOLOGIE, vous identifierez les différents types de discours qui apparaissent dans ce texte? Comment Pascal passe-t-il de l'un à l'autre? 4. Où l'interlocuteur de Pascal intervient-il dans le texte? Quelle est la fonction de cette intervention dans l'argumentation? Peut-on user du qualificatif de LIBERTIN à son propos ?
II. Travaux d'écriture
1. Le pari de Pascal est apparu à certains comme totalement déplacé, voire blasphématoire. Dans ses Lettres philosophiques, notamment, Voltaire le juge « indécent« et « puéril «. Voici l'essentiel de ses critiques : «Il est évidemment faux de dire : "Ne point parier que Dieu est, c'est parier qu'il n'est pas"; car celui qui doute et demande à s'éclairer ne parie assurément ni pour ni contre. « Et, plus loin : «De plus, l'intérêt que j'ai à croire une chose n'est pas une preuve de l'existence de cette chose. « A quoi Voltaire s'attaque-t-il ici ? Ses réponses polémiques vous paraissent-elles légitimes ? Et vous, êtes-vous convaincu par le pari de Pascal ? Produisez une réponse argumentée en une page. 2. Comme Pascal, « pariez « de manière provocatrice (dix lignes minimum). Vous pourrez, par exemple, affirmer que le travail n'est pas toujours récompensé.
 

pascal

« l'autre.

Voilà un point vidé.

» Pascal considère donc la raison dans son rapport au principe de non-contradiction.Ensuite, il envisage un autre type d'argument, qui relève de la « béatitude », autrement dit du bonheur de l'individudont on peut, d'ailleurs, se demander s'il s'agit du bonheur terrestre ou spirituel.

Le critère n'est donc plus rationnelmais empirique.Voici comment raisonne le savant Pascal : le pari est un jeu de hasard dont il faut rationaliser les lois.

En effet, sondiscours se fonde sur le paradoxe nécessaire qui consiste, pour la raison, à devenir plus grande encore ens'humiliant, en reconnaissant ses limites (l.

23 à 30) : « Et ainsi quand on est forcé à jouer, il faut renoncer à laraison pour garder la vie plutôt que de la (la vie) hasarder pour le gain infini aussi prêt à arriver que la perte dunéant » Question 2: Relevez les références aux probabilités mathématiques afin de dégager la mathématique dupari. Dégageons, à présent, la mathématique du pari : elle repose tout entière sur la référence aux probabilitésmathématiques que Pascal étudia — il était en relation avec le célèbre savant Pierre de Fermat (1601-1665).Quelles sont les hypothèses de Pascal ? Il commence par démontrer la nécessité de parier.

L'interlocuteur admet cepostulat : « Oui, il faut gager » (l.

7).

Quel est le nombre de choix possibles ? Deux : soit Dieu est, soit Dieu n'estpas.

Donc, parier pour Dieu revient à tout gagner ; mais ne pas parier pour Dieu équivaut à tout perdre.

Donc,autant miser sur l'existence de Dieu sans réfléchir.

Cependant, le libertin n'est pas convaincu : la difficulté tient à lanature de l'enjeu.

L'enjeu du pari concerne, en effet, toute la vie, qu'il faut adapter au but donné ; il est exclu deparier pour Dieu et de vivre comme si on ne l'avait pas fait...Formulons l'énoncé du problème : l'ensemble de la démonstration répond à l'objection de l'interlocuteur : « mais jegage peut-être trop » (l.

7).

Autrement dit, en pariant toute sa vie, ne misera-t-il pas trop ? Il s'agit de définir lerisque pris, soit le rapport de cet enjeu connu à l'inconnu mis en jeu par le pari.Voyons comment Pascal mène sa démonstration.

Dans son discours mathématique, Pascal met en place un premierjeu d'hypothèse, qui relève du domaine du probable et du fini — est fini ce que l'on peut dénombrer.

La probabilitéde gain est finie : elle est de un demi.

En effet, on a : cinquante pour cent de chances pour que Dieu soit, et toutautant de chances pour que Dieu ne soit pas.

On voit que Pascal part du principe que le gain, c'est Dieu.

Mais peuimporte qu'il identifie le gain comme étant Dieu ou pas puisqu'il envisage, forcément, et le gain et la perte.Passons au calcul du risque : si on gagne, on peut gagner deux vies, et même trois vies.

L'enjeu connu, ou la vie,est donc multiplié par deux ou par trois.

Le pari est considéré comme indifférent si on mise 1 (une vie) et si ongagne 2 (deux vies).

Il devient avantageux quand on gage 1 et gagne 3 (vies).Envisageons, avec Pascal, un deuxième jeu d'hypothèse qui relève de l'infini et implique le dépassementde la raison.

« Mais il y a une éternité de vie de bonheur » (l.

16).

La conjonction de coordination introduit uneopposition : «Mais...

» engage à réviser le calcul du rapport entre la mise et le gain.L'enjeu fini est toujours 1 (une vie) mais, si on gagne, le gain est infini puisque la religion chrétienne promet la vieéternelle.

Cette fois-ci, on ne peut pas chiffrer le gain, puisqu'on ne peut pas dénombrer l'infini.

Comme le faitremarquer Pascal, on sait que l'infini existe mais on ne sait pas quelle est sa nature.La redéfinition du gain implique une nouvelle appréciation du risque : la démonstration s'élabore en deux temps.D'abord, il faut considérer le rapport entre un risque infini et un gain fini.

Pascal fait référence au principe des suitesmathématiques : ce qui vaut pour 1, pour 2, pour 3, est valable pour n fois.

«Et cela étant quand il y aurait uneinfinité de hasards dont un seul serait pour vous, vous auriez encore raison de gager un pour avoir deux...

» (l.

16 à19).

Autrement dit, même si le risque est infini, il faut, raisonnablement, le prendre pour tenter la chance demultiplier par 2 ou 3 son enjeu, donc un gain fini.Ensuite, considérons un risque fini et un gain infini.

Pascal révise le rapport du risque et du gain : en fait, celui-ciest infini et le risque de perdre fini.

Donc, compte tenu du fait que le pari est obligatoire, on pourrait prendreraisonnablement un risque fini (« un nombre fini de hasards de perte », l.

23-24, = 1 sur 2, soit pile ou face) pour ungain relevant de l'infini (« une infinité de vie infiniment heureuse », l.

22-23).

Alors, qu'importe la mise, qui reste finie(« ce que vous jouez est fini », l.

24), puisque le gain est infini ?Conclusion : « Cela ôte tout parti partout où il y a l'infini et où il n'y a pas infinité de hasards de perte contre celuide gain » (l.

24-26).

Autrement dit, quand le risque de perdre est fini, il faut parier pour l'infini.Question 3: Après avoir défini le mot APOLOGIE, vous identifierez les différents types de discours qui apparaissentdans ce texte.

Comment Pascal passe-t-il de l'un à l'autre?L'APOLOGIE désigne un écrit qui défend et justifie une idée ou une doctrine.

Dans son projet d'Apologie de la religionchrétienne, Pascal cherche à convaincre son lecteur de la vérité du christianisme.

Le discours apologétique, doncpersuasif, définit la stratégie d'ensemble de Pascal.

L'auteur recourt ensuite à deux types de tactique : sonargumentation se déroule en deux temps, qui correspondent à l'exploitation de deux types de ressourceconceptuelle.D'abord, l'auteur fait une homologie simple entre le pari pour Dieu et le pari mondain.

Le discours mathématique vientà l'aide du discours persuasif pour inciter la raison à reconnaître ses propres limites.

En effet, Pascal fonde sonraisonnement sur le principe du jeu de hasard, qui, par définition, n'obéit à aucun mécanisme rationnel.

Il étudiealors le principe du jeu de hasard.

Ici, c'est le savant qui parle en faveur du chrétien.

Nous venons d'analyser lamathématique du pari.Ensuite, il procède à un élargissement des perspectives qui tient à l'analyse du caractère du joueur en soi.

« Car...

»Le discours psychologique prend le relais de la démonstration probabiliste qui recourt aux statistiques.

En effet,Pascal veut séduire les libertins qui s'adonnent à ce genre de pratique et il exploite l'art d'agréer en se plaçant sur leterrain de ces interlocuteurs.

Dans le dernier paragraphe du texte, il démonte les mécanismes psychologiques du. »

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