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Peut-On Etre Homme Sans Etre Citoyen ?

Publié le 06/12/2010

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Etre homme se distingue d’être « un homme « dans le sens ou ce n’est pas seulement appartenir à l’espèce humaine. Il s’agit ici de l’existence de cet homme en tant qu’être moral, capable de distinguer le bien et le mal, autonome et libre, en tant que sujet de droit. C’est donc l’idée que l’on peut ce faire de l’être humain pleinement accompli. Si chacun d’entre nous se pense comme un être indépendant de tout contexte social, il n’en reste pas moins que ce qui fait notre humanité c’est notre vie en société (apprendre, réfléchir, comprendre, se cultiver…). Cette vie en société est rendue possible par l’Etat, qui à la fois nous protège et nous donne des droits et des devoirs. Ainsi apparait la notion de citoyen : dans un Etat de droit le peuple est souverain, le citoyen est donc à la fois législateur et sujet. Ainsi nous pouvons nous demander  s’il on peut être homme sans être citoyen.                                            Si en effet, on admet que l’on peut être homme sans être citoyen, qu’en serait-il ? Mais aussi, pourquoi la citoyenneté conditionne l’homme ? Et pourquoi l’homme a besoin d’être citoyen pour être homme? Peut-on se dire homme sans considérer ses devoirs de citoyen?                              Pour répondre à cela, nous verrons dans une première partie que l’homme est un animal politique qui ne peut vivre hors de la société. Puis nous verrons que la société le contraint parfois en tant qu’être morale, il semble alors devoir arrêter d’être citoyen pour être homme. Et enfin, nous verrons que sa liberté le définit mais qu’il ne peut être libre qu’en prenant part au pacte social.

Tout d’abord, l’homme est un « animal social «, il ne peut s’accomplir qu’en relation avec autrui. Aristote affirme d’ailleurs que la société est première par rapport à l’individu. Le fait social humain repose sur le principe de l’échange par le dialogue.  Etant doué du logos, l’homme peut partager, échanger, dialoguer avec autrui. Il est capable de penser ses actes, en pensant ses actes, il pense des valeurs (le bien, valeur morale, le juste, valeur politique et l’utile, valeur économique). Il ne pense pas seul, il pense et débat avec autrui, et dialogue sur les lois découlant de ces valeurs. Les hommes se donnent librement des lois par convention.       L’homme est donc aussi un « animal politique «. Ces échanges (économiques, idéologiques…) impliquent une certaine organisation sociale, politique, des décisions à prendre sur la division des tâches… C’est de là que nait l’Etat, c’est ce qui fait marcher la société, ce qui la rend cohérente. C’est l’ensemble organisé des institutions politiques, juridiques, policières, administratives et économique sous un gouvernement autonome et sur un territoire propre et indépendant qui rend possible la vie en société. Il légifère, protège mais aussi organise. L’homme a besoin de ce maitre sans quoi il ne serait raisonnable. Ses passions et son penchant égoïste le pousse à enfreindre les lois, d’où la nécessité d’un maitre qui fait respecter les lois par la force. Dans nos sociétés modernes (démocratie), l’homme est en fait son propre maitre car dans un Etat de droit le souverain est le peuple.                    Hobbes voit d’ailleurs l’origine de l'État dans une convention originaire entre les humains, par laquelle ceux-ci renoncent à une partie de leurs libertés, ou droits naturels, en échange de lois garantissant la perpétuation du corps social. Il parle de « contrat social «. L'idée d'un contrat social pose déjà celle d'un état de nature, préexistant à toute société organisée. Cet état de nature ne correspond nullement à une réalité historique précédant l'instauration des lois, mais à l'état théorique de l'humanité lorsque qu’elle est  soustraite à toute loi. Le contrat (ou pacte) social est alors pensé comme un pacte librement établi par la communauté des humains dans le but d'établir une société organisée et hiérarchisée. Ce dépouillement au profit de la communauté n’est que provisoire. Le pacte crée en fait une réalité artificielle car du fait de cette égalité, plus personne n’est en position d’en opprimer d’autres. L’union donne une force dans laquelle chacun est engagé. Cette force qui nait aura pour tâche de protéger les droits individuels, tout en restants acteurs et citoyen.   L’homme est donc partie prenante de la société qui lui est indispensable. Rousseau évoquant l’état de nature dit justement que les hommes y vivent heureux mais stupide et bornés puisqu’ils ne se posent aucunes questions. Libre mais presque animal puisqu’ils n’ont ni culture, ni valeurs, ni passion, ni raison. Ils ont la nécessité de s’assembler et d’organiser leur société pour être réellement libres puisque la liberté ne se résume pas à faire ce que l’on veut, mais à s’accomplir tout en laissant autrui faire de même. L’homme est un animal politique qui ne peut vivre hors-société et la société ne peut exister sans droit. L’homme est donc être moral d’abord mais aussi citoyen.

 

Nous avons vu que l’homme est un animal politique, il ne peut s’accomplir qu’en relation avec les autres. D’où la nécessité d’une organisation, l’Etat, qui rend possible cette vie en société. L’homme est alors non seulement homme, mais citoyen : c’est-a-dire une personne qui relève de la protection et de l'autorité d'un Etat, dont il est un ressortissant. Il bénéficie des droits civiques et politiques et doit accomplir des devoirs envers l'Etat. Maintenant, nous allons donc voir que la société contraint parfois l’homme en tant qu’être moral.

 

En matière de justice, comme en matière de politique ou de valeurs, la norme c’est la coutume. On ne peut donc pas dire d’un système qu’il est plus juste qu’un autre. Ce sont les hommes qui ont fait les lois par là elles ne sont pas irrévocables, cela ce voit car elles évoluent, disparaissent, se crées… Pascal dit d’ailleurs : « plaisante justice qu’une rivière borne ! «. Les systèmes de lois sont arbitraires, ainsi que les valeurs humaines, elles résultent d’une convention et l’une n’est pas plus justifiée que l’autre. Une fois que l’on a compris que la justice est affaire de coutume, l’autorité en est très affaiblie. Pour juger un système de justice, il faudrait un critère d’évaluation supérieur à toutes nos justices. Protagoras dit : « l’homme est la mesure de toute chose «. Nul ne sait ce qu’est la justice mais chaque homme et chaque peuple est la mesure, fixe les valeurs à sa manière parfois même pour servir son propre intérêt. Se pose alors la question : est-il juste d’obéir à une loi injuste ?    Dans la mesure où l’homme est un être moral, il peut se retrouver contraint par des lois allant à l’encontre d’un certain sens moral, de valeurs universelles, d’une légitimité. Les lois divines ne sont pas écrites mais tout homme les reconnait, elles sont dictées par notre entendement. Supposons que soit votée une loi en contradiction avec les principes fondamentaux des droits de l’homme. N’avons-nous pas le devoir de désobéir à la loi injuste ? David Thoreau formule la notion de « désobéissance civile «, il se fait le théoricien de la désobéissance aux lois des Etats esclavagistes au nom d’une loi supérieur : le droit naturel. Il va de soi que l’individu qui transgresse une loi, même injuste, se met en position de « hors-la-loi « vis-à-vis de la justice, mais pas du point de vue moral. Ainsi les résistants ont été jugés favorablement après la chute du nazisme. Mais alors, pour ne pas abuser de cette légitime désobéissance, elle ne devrait recourir qu’en cas d’injustice majeure et évidente allant à l’encontre des droits de l’homme.                   Il semble donc que l’homme doive arrêter d’être citoyen pour être homme quand la société le contraint en tant qu’être moral, ce qu’il est en premier lieu.

 

Maintenant que nous avons vu que l’homme a parfois le devoir de prendre du recul par rapport à sa citoyenneté pour répondre à ses devoirs d’être morale, sous le non-respect de lois universelles, nous allons voir que sa liberté le définit mais qu’il ne peut être libre qu’en prenant part au pacte social.

 

L’homme se caractérise des autres êtres vivant par la morale. Etant doué du logos, il est capable de se fixer des règles idéales de conduite en société, prescrivant une conduite selon une certaine conception du bien et du mal, du permis et du défendu. La pratique morale suppose des valeurs, elle suppose de se référer au Souverain Bien. C’est une notion héritée de la philosophie grecque qui consiste à trouver le but ultime de la vie humaine. C’est ce vers quoi nous devons tendre. La morale prescrit ce qui devrait être, elle donne un sens à la vie et guide les actions. On réfléchit sur le but et l’orientation à donner à sa vie. C’est à chacun de réfléchir sur ce qu’il veut faire de sa vie. Cela implique des choix personnels, c’est affaire de liberté. Ainsi la liberté rend possible la vie morale, il faut être libre pour choisir entre le bien et le mal. L’homme doit donc être libre pour s’accomplir pleinement. Rousseau  dans du contrat social dit d’ailleurs : «  c’est ôter toute moralité à ses actions que d’ôter cette liberté à sa volonté «. Quand une action n’a pas été accomplie librement par choix, on ne peut en être tenu responsable. Ainsi pour qu’une liberté morale soit possible, l’homme doit disposer du libre-arbitre. On dispose de la liberté en pensée, mais pour l’action, il faut le libre-arbitre mis en œuvre par l’entendement et la volonté. Il permet la maitrise de soi et rend responsable de ses actes l’homme qui à choisi.         Mais la morale est contre nature parce qu'elle entrave la libre satisfaction des passions et empêche les hommes de vivre heureux. Suivre sa nature conduirait pourtant les hommes au chaos et à la violence. Mais si l'homme est bon, il est absurde et dangereux qu'il ne suive pas sa nature. La morale devra, dans ce cas, éduquer et seulement canaliser les instincts naturels. C'est seulement lorsqu'il a réussi à surmonter volontairement ses passions que l'homme devient un être moral.  La vocation de l'homme est de s'élever vers la moralité, de passer du vice à la vertu. C’est hors de cet état de nature que l'homme peut achever sa vocation d'homme : la liberté et la moralité. La nature obéit à des déterminismes physiques, alors que la moralité ne surgit qu'avec la prise de conscience de la valeur de la loi, du devoir. L’homme ne peut donc accéder à la liberté que par les lois qui lui enseignent à contrôler ses désirs. Il est donc nécessaire qu’il soit citoyen pour être homme.          Mais pour que sa citoyenneté soit en accord avec son statut d’être morale, il faut que les lois rendent l’homme libre. Ainsi que ce coordonnent droit positif (lois et droit du citoyen) et droit naturel (droits de l’homme). D’où la déclaration des droits de l’homme ET du citoyen. L’homme n’est libre que s’il prend part au pacte social, chacun s’engage à respecter les droits d’autrui et attend d’autrui qu’il respect ses droits. On ne peut séparer la notion de droit et de devoir car celui qui ne respect pas le droit d’autrui ne respecte pas son propre droit. La loi garantie la liberté : c’est parce que ma liberté est arrêtée par celle des autres que je suis libre.

 

Ainsi nous sommes hommes avant d’être citoyens, nous devons même parfois  être hommes plutôt que citoyens lorsque la société contraint l’être morale qui est en nous par des injustices majeures et évidentes. Cependant nous ne pouvons être hommes sans être aussi citoyens, l’homme peut survivre sans société mais ne s’accompli pleinement qu’en étant citoyen car les lois lui apprenne à être libre. Il découle de cette étude que le lien entre humanité et citoyenneté est complexe. Refuser à l’homme sa citoyenneté, c’est sans doute refuser ce qui fait son humanité même. Il faut cependant être capable de se défaire provisoirement de son statut de citoyen pour évaluer les lois de son Etat.

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