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peut recevoir en général en entrant dans les voies certaines

Publié le 22/10/2012

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peut recevoir en général en entrant dans les voies certaines de la science, au lieu de tâtonner dans le vide et de se livrer à de vaines divagations (comme elle le fait) en l'absence de la critique; soit qu'on cherche un meilleur emploi du temps pour une jeunesse avide de savoir, que le dogmatisme ordinaire encourage de si bonne heure et si fortement à raisonner à perte de vue sur des choses où elle n'entend rien et où elle n'entendra jamais rien, non plus que personne au monde, ou à négliger l'étude des sciences solides pour courir à la recherche de pensées et d'opinions nouvelles; soit surtout qu'on tienne compte de l'inappréciable avantage d'en finir une bonne fois avec toutes les objections dirigées contre la moralité et la religion, en suivant la méthode de SOCRATE, c'est-à-dire en démontrant clairement l'ignorance des adversaires. En effet, il y a toujours eu et il y aura toujours une métaphysique dans le monde, mais toujours aussi on verra s'élever à côté d'elle une dialectique de la raison pure, car celle-ci lui est naturelle. La première et la plus importante affaire de la philosophie est donc d'enlever une fois pour toutes à cette dialectique toute pernicieuse influence en détruisant la source même des erreurs. En cette importante réforme dans le champ des sciences, et malgré le préjudice qu'en doit éprouver la raison spéculative dans les possessions qu'elle s'était attribuées jusque-là, l'intérêt général de l'humanité n'en est pas affecté, et l'utilité que le monde avait retirée jusqu'ici des doctrines de la raison pure reste la même qu'auparavant; il n'y a que le monopole des écoles qui en souffre, et nullement les intérêts humains. Je demande au plus obstiné dogmatique si la preuve de la permanence de notre âme après la mort qui se tire de la simplicité de la substance; si celle de la liberté de la volonté que l'on oppose au mécanisme universel en se fondant sur les distinctions subtiles, mais impuissantes, de la nécessité pratique subjective et objective; si la démonstration de l'existence de Dieu qui se tire du concept d'un être souverainement réel (de la contingence des choses changeantes, et de la nécessité d'un premier moteur); je lui demande si toutes ces preuves, nées dans les écoles, ont jamais pu arriver jusqu'au public et exercer la moindre influence sur ses convictions. Or, si cela n'est jamais arrivé, et si l'on ne peut espérer que cela arrive jamais, à cause de l'incapacité de l'intelligence ordinaire des hommes pour d'aussi subtiles spéculations; si, au contraire, sur le premier point, cette remarquable disposition naturelle à tout homme, qui fait que rien de temporel ne saurait le satisfaire (parce que ne suffisant pas aux besoins de sa destinée complète), peut seule faire naître l'espérance d'une vie future; si, sur le second point, la claire représentation de nos devoirs, en opposition à toutes les exigences de nos penchants, nous donne seule la conscience de notre liberté; si enfin, sur le troisième, l'ordre magnifique, la beauté et la prévoyance qui éclatent de toutes parts dans la nature sont seuls capables de produire la croyance en un sage et puissant auteur du monde, et une conviction fondée sur des principes rationnels et susceptible de pénétrer dans le public; alors, non seulement le domaine de la raison demeure intact, mais elle gagne en considération par cela seul qu'elle instruit les écoles à ne plus prétendre, sur une question qui touche à l'intérêt général de l'humanité, à des vues plus élevées et plus étendues que celles auxquelles peut facilement arriver le grand nombre (lequel est parfaitement digne de notre estime), et à se borner ainsi à la culture de ces preuves que tout le monde peut comprendre et qui suffisent au point de vue moral. Notre réforme n'atteint donc que les prétentions arrogantes des écoles, qui se donnent volontiers (comme elles le font à bon droit sur beaucoup d'autres points) pour les seuls juges compétents et les seuls dépositaires de ces vérités, et qui, s'en réservant la clef pour elles-mêmes, n'en communiquent au public que l'usage (quod mecum nescit, solus vult scire videri1). Cependant nous n'avons pas cessé d'avoir égard aux prétentions des philosophes spéculatifs. Ils restent les dépositaires exclusifs d'une science très utile au public, quoique à son insu, c'est-à-dire de la critique de la raison. Cette science ne peut jamais devenir populaire, mais il n'est pas nécessaire non plus qu'elle le soit; car, si les arguments finement tissés qui se donnent pour d'utiles vérités n'entrent guère dans la tête du peuple, les objections tout aussi subtiles qu'ils soulèvent n'entrent pas mieux dans son esprit. Mais comme l'École et tous ceux qui s'élèvent à la spéculation tombent inévitablement dans ce double inconvénient, la critique est obligée de prévenir une fois pour toutes, par la recherche approfondie des droits de la raison spéculative, le scandale que doivent causer tôt ou tard, même dans le peuple, les disputes où s'engagent inévitablement les physiciens (et, comme tels aussi, les théologiens), et qui finis- 1. « Ce qu'il ignore comme moi, il veut avoir l'air d'être seul à le savoir. « sent pas fausser leurs doctrines même. La critique peut seule couper les racines du matérialisme, du fatalisme, de l'athéisme, de l'incrédulité des esprits forts, du fanatisme et de la superstition, ces fléaux qui peuvent devenir nuisibles à tous, comme aussi de l'idéalisme et du scepticisme, qui du moins ne sont guère dangereux qu'aux écoles et pénètrent difficilement dans le public. Si les gouvernements jugeaient à propos de se mêler des affaires des savants, ils feraient beaucoup plus sagement, dans leur sollicitude pour les sciences aussi bien que pour les hommes, de favoriser la liberté d'une critique qui seule est capable d'établir sur une base solide les travaux de la raison, que de soutenir le ridicule despotisme des écoles, toujours prêtes à dénoncer à grands cris un danger public, quand on déchire leurs toiles d'araignée, dont le public n'a jamais entendu parler et dont il ne peut pas même, par conséquent, sentir la perte. La critique ne s'oppose point à ce que la raison suive une méthode dogmatique dans sa connaissance pure, considérée comme science (car la science ne peut pas ne pas être dogmatique, c'est-à-dire strictement démonstrative en vertu de principes a priori certains); mais elle est opposée au dogmatisme, c'est-à-dire à la prétention d'aller de l'avant avec le seul secours d'une connaissance pure (la connaissance philosophique), tirée de certains concepts à l'aide de principes tels que ceux que la raison emploie depuis longtemps, sang avoir recherché comment et de quel droit elle y est arrivée. Le dogmatisme est donc la raison pure suivant une méthode dogmatique sans avoir soumis sa puissance propre à une critique préalable. Il ne s'agit donc pas ici, en combattant le dogmatisme, de plaider la cause de cette stérilité verbeuse qui usurpe le nom de popularité, non plus que celle du scepticisme, qui condamne toute la métaphysique sans l'entendre. La critique est plutôt la préparation indispensable à l'établissement d'une métaphysique solide et fondée comme science I, qui doit être nécessairement traitée d'une manière dogmatique, avec un caractère systématique qui satisfasse aux plus sévères exigences, et, par conséquent, sous une forme scolastique (et non populaire); ce sont là des conditions auxquelles cette science ne saurait se soustraire, puisqu'elle s'engage à accomplir son oeuvre tout à fait a priori, et, par conséquent, à l'entière satisfaction de la raison 1. Cf. le titre complet des Prolégomènes : « Prolégomènes à toute métaphysique future qui pourra se présenter comme science «.

« 27 Dogmatisme et criticisme homme, qui fait que rien de temporel ne saurait le satisfaire (parce que ne suffisant pas aux besoins de sa destinée complète), peut seule faire naître l'espérance d'une vie future; si, sur le second point, la claire représentation de nos devoirs, en opposi­ tion à toutes les exigences de nos penchants, nous donne seule la conscience de notre liberté; si enfin, sur le troisième, l'ordre magnifique, la beauté et la prévoyance qui éclatent de toutes parts dans la nature sont seuls capables de produire la croyance en un sage et puissant auteur du monde, et une conviction fondée sur des principes rationnels et susceptible de pénétrer dans le public; alors, non seulement le domaine de la raison demeure intact, mais elle gagne en considération par cela seul qu'elle instruit les écoles à ne plus prétendre, sur une question qui touche à l'intérêt général de 1 'humanité, à des vues plus élevées et plus étendues que celles auxquelles peut facilement arriver le grand nombre (lequel est parfaitement digne de notre estime), et à se borner ainsi à la culture de ces preuves que tout le monde peut comprendre et qui suffisent au point de vue moral.

Notre réforme n'atteint donc que les prétentions arrogantes des écoles, qui se donnent volontiers (comme elles le font à bon droit sur beaucoup d'autres points) pour les seuls juges compétents et les seuls dépo­ sitaires de ces vérités, et qui, s'en réservant la clef pour elles­ mêmes, n'en communiquent au public que 1 'usage ( quod mecum nescit, so/us vult scire videri 1).

Cependant nous n'avons pas cessé d'avoir égard aux prétentions des philosophes spéculatifs.

Ils restent les dépositaires exclusifs d'une science très utile au public, quoique à son insu, c'est-à-dire de la critique de la raison.

Cette science ne peut jamais devenir populaire, mais il n'est pas néces­ saire non plus qu'elle le soit; car, si les arguments finement tissés qui se donnent pour d'utiles vérités n'entrent guère dans la tête du peuple, les objections tout aussi subtiles qu'ils soulèvent n'entrent pas mieux dans son esprit.

Mais comme l'École et tous ceux qui s'élèvent à la spéculation tombent inévitablement dans ce double inconvénient, la critique est obligée de prévenir une fois pour toutes, par la recherche approfondie des droits de la raison spéculative, le scandale que doivent causer tôt ou tard, même dans le peuple, les disputes où s'engagent inévitablement les physiciens (et, comme tels aussi, les théologiens), et qui finis- 1.

«Ce qu'il ignore comme moi, il veut avoir l'air d'être seul à le savoir.». »

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