Devoir de Philosophie

Phèdre Racine Acte I Scène 1

Publié le 22/10/2010

Extrait du document

racine

 

Scène d’exposition : acte I, scène 1 (attention les lignes suivantes concernent toute la scène et non seulement les vers1à 36 qui eux ont été travaillés en cours)

 

1-Le héros et le confident :le public du temps attendait avec impatience de voir le héros et voulait même le voir tout de suite ; l'habitude fut prise de lui en montrer au moins un dès le début de la pièce. Hippolyte paraît en premier. Par ailleurs, un type possible d'exposition est l'entretien du héros avec son confident ; Quoi de plus naturel en effet que le personnage principal dévoile ses pensées, confie ses sentiments à celui (ou celle) qui a sa « foi « ? Hippolyte ne peut avoir de secret pour le gouverneur qui a veillé sur son enfance (v. 73-74), et il lui avoue son récent tourment avec d'autant plus de vraisemblance que Théramène est de retour d'un long voyage (v. 10-15).

À la conversation entre le héros et le confident. Racine a su donner un tour dramatique, un ton animé, voire passionné. Le mécanisme essentiel de la scène est celui du quiproquo, sur le comportement et la décision du jeune homme. Le départ annoncé semble avoir d'abord pour mobile la volonté de retrouver un père disparu, aimé et admiré (v. 1 -7 ; 27-28) ; puis il devient une fuite (v. 28). S'agit-il de fuir les persécutions d'une belle-mère haineuse (v. 37-47) ? Hippolyte en fin de compte veut s'éloigner de la jeune fille dont il est tombé amoureux (v. 49-56), parce qu'il a honte d'aimer ; Hippolyte se fuit lui-même (v. 101-113). Les étonnements, les méprises, les questions du confident conduisent peu à peu le malheureux jusqu'à cet aveu qui est « désaveu honteux « (v. 68) de tout son passé lia vérité d'une âme se fait jour progressivement dans les mouvements contradictoires de la scène, dans la duplicité du discours et de l'attitude, et dans la mauvaise foi du héros.

 

2-« Ce superbe Hippolyte « : chez Euripide et chez Sénèque. le héros se distinguait par sa pureté et sa chasteté intransigeantes. Dans la tragédie grecque, sa vertu était celle d'un mystique, voué au culte d'Artémis, la déesse vierge ; dans la tragédie latine, celle d'un stoïcien farouche, orgueilleux et misogyne ; dans les deux cas le jeune homme méprisait, repoussait les plaisirs vulgaires de l'amour.

Racine a conservé cette soif de pureté, cette aspiration à un idéal hors du commun, mais il s'est conformé à une tradition plus moderne qui avait éprouvé le besoin de rendre amoureux le fier rebelle. On a dit que c'était pour sacrifier au goût de son époque, férue de galanterie, et peu disposée à admettre ou à comprendre le modèle antique (un jeune et beau héros devait aimer !).

Il est vrai que le dramaturge, ce faisant, respectait la vraisemblance et les bienséances ; conforme aux idées reçues, vrai aux yeux du public mondain, Hippolyte devenait un personnage sympathique. Mais surtout il se transformait en authentique héros tragique, divisé, déchiré entre deux exigences antagonistes : le culte de la pureté et le désir amoureux. « Le philosophe exempt de toute imperfection « (Préface de Phèdre) s'humanisait jusqu'au pathétique dans sa culpabilité et sa « faiblesse « «, autrement dit sa passion pour Aricie, laquelle ne lui était donnée que pour faillir et souffrir.

 

3-Une cruelle poésie : d'emblée, la scène dépayse et charme le spectateur en le transportant dans la Grèce légendaire et héroïque. Les noms propres, de lieux ou de grandes figures mythologiques, qui surgissent ça et là au fil du dialogue, réveillent comme par.magie dans la mémoire du spectateur tout un monde de visions et d'histoires fabuleuses : la Crète fumant du sang du Mimotaure (v. 82), les Enfers d'Homère, l'envol de Dédale et de son fils hors du Labyrinthe :

« J'ai couru les deux mers que sépare Conrinthe ;

 J'ai demandé Thésée aux peuples de ces bords

 Où l'on voit l'Achéron se perdre chez les morts ;

 J'ai visité l'Élide, et laissant le Ténare,

 Passé jusqu'à la mer qui vit tomber Icare. « (v. 10-14)

 

Telle périphrase (« La fille de Minos et de Pasiphaé «, v. 36) déroule à elle seule les fastes de l'imaginaire antique. Tel nom, celui d'Hélène (v. 85), ressuscite la guerre de Troie; Hercule (v. 122), Antiope (v. 125) rappellent les cruels héroïsmes de la « fable «.

Car le plus remarquable n'est pas tant dans cet exotisme poétique que dans la férocité de cette Grèce très ancienne. Loin d'être gratuites, purement ornementales, ces références, ces consonances

 (« Procuste, Cercyon et Scirron, et Sinnis «, v. 80) ne cessent d'évoquer des drames sanglants, des violences inouïes. La monstruosité est partout, dans les amours de Pasiphaé avec un taureau, dans la geste épique de Thésée, le tueur de monstres rivalisant avec Alcide (v. 76-82), dans les rapts de belles jeunes femmes (v. 83-90).

 

Le rôle de la première scène n'est pas seulement de mettre en place les données de l'intrigue, il est aussi de créer un climat particulier, fait ici de mystérieuse beauté et de cruauté tragique.

 

Liens utiles