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Portrait de l'usurier de Balzac

Publié le 27/02/2008

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balzac
Étude de style : Portrait de l'usurier
Le roman Gobseck fait partie des scène de la vie privée de la Comédie Humaine qui va peindre les mœurs des contemporains de Balzac. Le portrait est donc particulièrement adapté et deviendra avec Balzac un type à part entière. L'extrait que nous allons étudier illustre parfaitement cet intérêt de Balzac pour le portrait : il s'agit d'un portrait de vieillard, un portrait de l'usurier dans le roman de mœurs Gobseck. Avec Balzac, le portrait devient un outil de déchiffrement du personnage, à la fois physique mais aussi psychologique. Il développe à cet effet une esthétique du portrait dont nous étudierons trois composantes : La composition et la progression, la caractérisation, et enfin, le système des analogies.
Composition et progression
Description de la tête de l'usurier
Nous avons d'abord une description de la tête de l'usurier. D'abord de ses cheveux, puis de son visage. Du visage Balzac décrit d'abord les traits, puis les yeux, le nez, et enfin les lèvres. Nous sommes donc dans le cadre d'une progression thématique dérivée (l'usurier : ses cheveux, son visage, son nez, ses lèvres.) . Cette progression méronymique est typique de l'écriture du portrait balzacien.
D'autre part, ce mouvement descriptif va du haut vers le bas: des cheveux vers les lèvres. Cette description simule donc l'orientation d'un regard.
Description physique du personnage se termine sur une vision d'ensemble : Son âge était un problème. Ce mouvement descriptif obéit donc à une alternance entre vision de détail (cheveux, nez, lèvres) et vue d'ensemble (visage, âge). Cet effet de composition est également fréquent chez Balzac.
Description de la chambre de l'usurier avec, comme comme conclusion, un retour sur le personnage.
Nous avons ensuite une description de la chambre de l'usurier. Nous sommes encore dans la cadre d'une progression thématique dérivée (La chambre : Le drap du bureau, le tapis du lit, les tisons). Là encore, la description simule le mouvement d'un regard. En effet l'expression « depuis le drap vert du bureau jusqu'au tapis du lit « donne l'impression qu'un spectateur fait le tour de la chambre pour la décrire.
La description revient dans la dernière phrase sur le personnage, plus particulièrement sur ses habitudes de vie. La description se termine donc sur une vue d'ensemble. Cette description alterne donc les visions de détail et les visions d'ensemble.
La caractérisation
Sémantique
La caractérisation évaluative domine le portrait par rapport à la caractérisation descriptive (plat, impassible, doux, petits, minces, doux, propre...). Il y a deux adjectifs de couleur significatifs: jaune et vert. Ils sont tous deux porteurs de connotation de maladive.
La plupart des adjectifs peuvent avoir un emploi métaphorique : petits, plat, pointu, grêlé, bas, doux, mince, propre. Ils renvoient à un personnage qui n'a aucun caractère, sans aspérité , frêle contrastant fortement avec son emploi d'usurier. La caractérisation physique devient donc aussi une caractérisation psychologique.
Lexicale
Caractérisation ternaire : bas, d'un ton doux, et ne s'emportait jamais. Cette caractérisation présente une gradation sémantique et rythmique. Elle vient souligner l'absence de caractère de l'usurier.
La construction binaire : propre et râpé offrent deux valeurs sémantiques complémentaires et produisent une caractérisation superlative : la vieillesse, l'absence de vie.
Il y a peu d'adjectifs donc la caractérisation doit passer par d'autres moyens. La caractérisation doit donc passer par le système des analogies.
Le système des analogies
Double caractérisation analogique des traits du visage de l'usurier : Analogie avec le visage de Talleyrand, et ce visage semble coulé dans le bronze. Elles opèrent à la foie une analogique physique et psychologique. Cette double caractérisation renforçant l'impassibilité, de l'usurier. Incapacité pour l'usurier de montrer ses sentiments. De plus le bronze est d'une couleur sombre. Cela renforce l'impression de vieillesse du personnage et va même jusqu'à le chosifier, en en faisant une statue.
Analogie avec ces alchimistes et ces petits vieillards peints par Rembrandt et par Metzu : Cette référence à des peintre du clair-obscur est fréquente dans les portraits de Balzac. Cette référence à l'esthétique picturale fonctionne comme code esthétique. Le portrait littéraire s'efforce de peindre. Il emprunte ses effets visuels au portrait pictural. D'autre part cette référence a des peintres maîtres du clair-obscur permet d'instaurer un climat d'incertitude à la scène.
Il y a une analogie entre les yeux du personnage et les yeux d'une fouine. Lexicalement, cette analogie est remarquable par l'antéposition de jaunes comme ceux d'une fouine à la proposition principale. Elle permet d'animaliser l'usurier, presque même de le rendre monstrueux, notamment grâce à cette précision que ces yeux n'avaient presque point de cils et craignaient la lumière. Cette comparaison animalisante donne donc l'impression que ce personnage n'est pas adapté à une vie humaine.
Enfin les analogies sont introduites par des propositions telles que vous l'eussiez comparé à une vrille ou encore paraissaient. La première permet de solliciter indirectement le lecteur. La duplication du point de vue permet de remplir la fonction interprétative du portrait. La seconde est une modalité d'incertitude. Nous pouvons relier cette incertitude avec les références aux peintres du clair-obscur. L'incertitude se manifeste également dans son âge : Son âge était un problème, on ne pouvait pas savoir... . Il y a donc une impossibilité de cerner avec certitude le personnage, que ce soit de la part du narrateur ou du lecteur. Plus on essaie de le décrire et plus le personnage échappe à la vision du spectateur.
L'étude de ces trois caractères de la description nous montre que celle de l'usurier est loin d'être seulement physique, elle permet aussi de décrire psychologiquement le personnage. Mais la description est mise à rude épreuve, car plus le narrateur décrit le vieillard et plus celui-ci devient opaque, difficile à cerner. Le lecteur participant à cette description grâce à l'invitation du narrateur est donc également confronté à cette fuite de la caractérisation. La description balzacienne est donc une description impuissante à figer un personnage, lui conférant ainsi une profondeur et une complexité plus dense.

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