Devoir de Philosophie

Rabelais, Pantagruel (extrait).

Publié le 07/05/2013

Extrait du document

rabelais
Rabelais, Pantagruel (extrait). D'un bout à l'autre de cette chronique bouffonne des aventures merveilleuses du jeune géant, Rabelais se moque de l'érudition avec laquelle la prose humaniste fait passer ses discours et invite son lecteur -- par sa verve populaire -- à briser les stéréotypes en osant se pencher sur le monde et, dans ce passage, métaphore de la voie humaniste de 1530, à afficher sa foi en l'Homme avec la même ivresse et la même désinvolture qu'un Pantagruel. Pantagruel de François Rabelais (chapitre 28) Comment Pantagruel de sa langue couvrit toute une armée. Et de ce que l'auteur vit dedans sa bouche. Ainsi que Pantagruel avec toute sa bande entrèrent es terres des Dipsodes, tout le monde en était joyeux, et incontinent se rendirent à lui, et de leur franc vouloir lui apportèrent les clefs de toutes les villes où il allait, excepté les Almyrodes, qui voulurent tenir contre lui, et firent réponse à ses hérauts qu'ils ne se rendraient, sinon à de bonnes enseignes. Et quoi ? dit Pantagruel ; en demandent-ils meilleures que la main au pot, et le verre au poing ? Allons, et qu'on me les mette à sac. Adonc tous se mirent en ordre, comme délibérés de donner l'assaut. Mais au chemin, passant une grande campagne, furent saisis d'une grosse ousée de pluie. À quoi ils commencèrent se trémousser et se serrer l'un l'autre. Ce que voyant Pantagruel leur fit dire par les capitaines que ce n'était rien, et qu'il voyait bien au dessus des nuées que ce ne serait qu'une petite ousée. Mais à toutes fins, qu'ils se missent en ordre, et qu'il les voulait couvrir. Lors se mirent en bon ordre, et bien serrés. Adonques Pantagruel tira sa langue seulement à demi, et les en couvrit comme une géline fait ses poulets. Cependant, je, qui vous fais ces tant véritables contes, m'étais caché dessous une feuille de Bardane, qui n'était pas moins large que l'arche du pont de Monstrible. Mais quand je les vis ainsi bien couverts, je m'en allai à eux rendre à l'abri. Ce que je ne pus, tant ils étaient : comme l'on dit, au bout de l'aune faut le drap. Donc, le mieux que je pus, montai par dessus, et cheminai bien deux lieues sur sa langue, tant que je entrai dedans sa bouche. Mais ô dieux et déesses, que vis-je là ? Jupiter me confonde de sa foudre trisulque si j'en mens. Je y cheminais comme l'on fait en Sophie à Constantinople, et y vis de grands rochiers, comme les monts des Danois -- je crois que c'étaient ses dents --, et de grands prés, de grandes forêts, de fortes et grosses villes non moins grandes que Lyon ou Poitiers. Le premier que y trouvai, ce fut un bonhomme qui plantait des choux. Dont, tout ébahi, lui demandai : -- Mon ami, que fais-tu ici ? -- Je plante (dit-il) des choux. -- Et à quoi ni comment ? dis-je. -- Ha, monsieur (dit-il), chacun ne peut avoir les couillons aussi pesants qu'un mortier, et ne pouvons être tous riches. Je gagne ainsi ma vie ; et les porte vendre au marché en la cité qui est ici derrière. -- Jésus (dis-je), il y a ici un nouveau monde ? -- Certes (dit-il) il n'est mie nouveau. Mais l'on dit bien que hors d'ici y a une terre neuve où ils ont et Soleil et Lune et tout plein de belles besognes : mais ceslui-ci est plus ancien. -- Voire mais (dis-je), mon ami, comment a nom cette ville où tu portes vendre tes choux ? -- Elle a nom (dit-il) Aspharage, et sont Christians, gens de bien, et vous feront grande chère. Bref, je délibérai d'y aller. Or en mon chemin, je trouvai un compagnon qui tendait aux pigeons. Auquel je demandai : -- Mon ami, dont vous viennent ces pigeons ici ? -- Cyre (dit-il), ils viennent de l'autre monde. Lors je pensai que quand Pantagruel bâillait, les pigeons à pleines volées entraient dedans sa gorge, pendant que fût un colombier. Puis entrai en la ville, laquelle je trouvai belle, bien forte, et en bel air. Mais à l'entrée, les portiers me demandèrent mon bulletin ; de quoi je fus fort ébahi, et leur demandai : -- Messieurs, y a il ici danger de peste ? -- Ô Seigneur (dirent-ils), l'on se meurt ici auprès tant que le chariot court par les rues. -- Jésus (dis-je), et où ? À quoi me dirent que c'était en Laringues et Pharingues, que sont deux grosses villes telles comme Rouen et Nantes, riches et bien marchandes. Et la cause de la peste a été pour une puante et infecte exhalation qui est sortie des abîmes depuis n'a guères. Dont ils sont morts plus de vint et deux cent soixante mille personnes, depuis huit jours. Lors je pensai et calculai, et trouvai que c'était une puante haleine qui était venue de l'estomac de Pantagruel alors qu'il mangea tant d'aillade, comme nous avons dit dessus. De là partant, passai par entre les rochers, qui étaient ses dents, et fis tant que je montai sus une, et là trouvai les plus beaux lieux du monde, beaux grands jeux de paume, belles galeries, belles prairies, force vignes, et une infinité de cassines à la mode Italique par les champs pleins de délices. Et là demouray bien quatre mois, et ne fis onques telle chère que pour lors. Puis descendis par les dents du derrière pour venir aux baulièvres. Mais en passant je fus détroussé des brigands par une grande forêt qui est vers la partie des oreilles. Puis trouvai une petite bourgade à la dévallée -- j'ai oublié son nom --, où je fis encore meilleure chère que jamais, et gagnai quelque peu d'argent pour vivre. Savezvous comment ? à dormir ; car l'on loue les gens à journée pour dormir, et gagnent cinq et six sols par jour ; mais ceux qui ronflent bien fort gagnent bien sept sols et demi. Et contais aux sénateurs comment on m'avait détroussé par la vallée. Lesquels me dirent que pour tout vrai les gens de delà les dents étaient mal vivants et brigands de nature. À quoi je connus que, ainsi comme nous avons les contrées de deçà et de delà les monts, aussi ont-ils deçà et delà les dents. Mais il fait beaucoup meilleur deçà, et y a meilleur air. Là commençai penser qu'il est bien vrai ce que l'on dit, que la moitié du monde ne sait comment l'autre vit. Vu que nul avait encore écrit de ce pays-là, on quel sont lus de XXV royaumes habités, sans les déserts, et un gros bras de mer. Mais j'en ai composé un grand livre intitulé L'Histoire de Guorgias. Car ainsi les ai-je nommés, parce qu'ils demourent en la gorge de mon maître Pantagruel. Finablement voulus retourner, et, passant par sa barbe, me jetai sur ses épaules, et de là me dévale en terre et tombe devant lui. Quand il me aperçut, il me demanda : Dont viens-tu, Alcofrybas ? Je lui réponds : -- De votre gorge, monsieur. -- Et depuis quand y es-tu ? dit-il. -- Depuis (dis-je) que vous alliez contre les Almyrodes. -- Il y a (dit-il) plus de six mois. Et de quoi vivais-tu ? que beuvais-tu ? Je réponds : -- Seigneur, de même vous, et des plus friands morceaux qui passaient par votre gorge, j'en prenais le barrage. -- Voire mais (dit-il), où chiais-tu ? -- En votre gorge, monsieur, dis-je. -- Ha, ha, tu es gentil compagnon (dit-il). Nous avons, avec l'aide de dieu, conquesté tout le pays des Dipsodes. Je te donne la châtellenie de Salmigondin. -- Grand merci (dis-je) monsieur. Vous me faites du bien plus que n'ai desservi envers vous. Source : Rabelais (François), Pantagruel, 1532. Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation. Tous droits réservés.
rabelais

« — Ha, ha, tu es gentil compagnon (dit-il).

Nous avons, avec l’aide de dieu, conquesté tout le pays des Dipsodes.

Je te donne la châtellenie de Salmigondin. — Grand merci (dis-je) monsieur.

Vous me faites du bien plus que n’ai desservi envers vous. Source : Rabelais (François), Pantagruel, 1532. Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation.

Tous droits réservés.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles