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rhétorique de descartes

Publié le 27/02/2008

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descartes

RHETORIQUE

La rhétorique peut être définie comme le plan des connotations de la langue. Elle n'est guère aimée car elle est toujours suspectée d'être manipulatrice. De manquer de sincérité mais la sincérité n'est pas un argument. On peut mentir sans connaître la rhétorique comme on peut tenir sincèrement un discours rhétorique.

La rhétorique est l'art du discours (bene dicendi scientia, dit Quintilien (II, 15, 34), l'art de bien parler. Bien parler pour bien faire comprendre, pour faire croire, pour persuader. Cet art de la persuasion n'est pas seulement un discours de tract, de militant politique mais l'acte de susciter chez autrui une croyance par des moyens affectifs et rationnels.

En second lieu, la rhétorique est aussi l'enseignement de cet art du discours. C'est-à-dire la connaissance et la transmission de règles, de procédés (arguments), de figures de style, de diction. Les grecs n'ont pas inventé la rhétorique mais son enseignement. C'est-à-dire qu'on pratiquait jusque là quelque chose sans le savoir et maintenant on se préoccupe d'en connaître, de savoir le pratiquer.

En troisième lieu, et cela remonte à Aristote, la rhétorique est la théorie du discours persuasif, discours que la rhétorique étudie non pour l'utiliser mais pour le comprendre. On peut pas supprimer la rhétorique car ce serait utiliser une autre rhétorique. Les signifiés du signe rhétorique ont été constitués par les différents "styles" reconnus par le code et par la littérature. Ses signifiants correspondent en grande partie aux figures de rhétorique. Les figures se classent en deux groupe. 1/ HISTOIRE Corax vers 460 a écrit un manuel et son disciple Tisias se mirent à enseigner la rhétorique. Corax vers 460 écrit un manuel Technè rhérorikè où on trouve l'ébauche de la disposition du discours, exorde, "lutte", épilogue et le recours au vraisemblable (eikos) mais une technique encore imprécise, sans souci esthétique ou philosophique qui peut convaincre aussi bien du vrai que du faux. Prenons un texte célèbre de Corax : "Un certain Tisias, ayant entendu dire que la rhétorique est l'art de persuader, s'en va trouver Corax pour se former dans cet art. Mais une fois qu'il n'eut plus rien à apprendre, il voulut frustrer son maîter du salaire promis. Les juges s'étant rassemblés, Tisias eut recours, dit-on, devant eux à ce dilemme : "Corax, qu'as-tu promis de m'apprendre ?" - L'art de persuader qui tu voudras. - Soit, reprit Tisias : ou bien tu m'as appris cer art, et alors souffre que je te persuade de ne point toucher d'honoraires ; ou bien tu ne me l'as pas appris, et dans ce cas je ne te dois rien, puis que tu n'as pas rempli ta promesse." Mais Corax, à son tour, riposta, dit-on, par cet autre dilemme : "Si tu réussis à me persuader de ne rien recevoir, il faudra ma payer, puisque j'aurai tenu ainsi ma promesse. Si au contraire tu n'y arrives pas, dans ce cas encore tu devrais me payer, à plus forte raison !" En guise de verdict, les juges se contentèrent de dire :" A méchant corbeau (Corax) méchante couvée !" Si tout cela est logique, il y a pourtant une contradiction. Car si l'objectif est de permettre à un disciple d'utiliser la rhétorique à condition qu'il me paye après coup, c'est aussi absurde que de promettre à quelqu'un de lui donner tous les droits à condition qu'il m'obéisse toujours.

Antiphon (480-411) enrichit la structure l'enseignement de la rhétorique. son objectif était de mettre le premier venu en état de plaider. Il enseigne une rhétorique en cinq parties, rédige les lieux, arguments types, élabore la théorie du vraisemblable (il est invraisemblable qu'une victime ait été tuée par un voleur car son argent est encore sur elle et ainsi en éliminant tous les cas possibles, on conclut que l'accusé est seul coupable). La plupart des lieux d'Antiphon valent pour tous les procès même à notre époque. Si on prend l'exorde, dites que vous n'avez pas l'habitude de prendre la parole ; vantez l'expérience et l'habileté de votre adversaire, rejetez sur lui la responsabilité du procès ; dites que vous parlez dans l'intérêt de tous ; célébrez l'équité des juges. Telle est la source judiciaire de la rhétorique.

En 427, Gorgias se signale par deux créations : il introduit le discours épidictique (éloge de tous genres), destiné à l'éloge d'un mort, d'une cité... Ces éloges étaient connus avant sous le nom de poésie lyrique. Gorgias crée une prose qui veut remplacer la poésie lyrique et qui soit aussi belle, savante et rythmée. La prose "gorgianique" est devenue synonyme d'enflure mais Gorgias a eu le mérite de découvrir ce qu'on appelle aujourd'hui la prose littéraire et qui a prévalu dans le genre oratoire mais en histoire avec Thucydide. Gorgias était aussi un sophiste enseignant que tout est apparence. Ici, nous rencontrons que la troisième source de la rhétorique, la philosophie ou l'antiphilosophie.

La sophistique, qui vient de Protagoras d'Abdère, s'est imposée à Athènes vers 450. Après Platon et Aristote, sophiste est devenu péjoratif. Le sophiste est le maître dévoyé qui enseigne qu'il n'y a pas de vérité en soi, qu'il n'y a que des opinions diverses variant avec les individus ou avec les cités et que l'opinion la meilleure est celle qui assure la réussite. Ce relativisme servait de fondement rhétorique. Protagoras fut le premier à enseigner "la vertu et la sagesse qui font qu'on gouverne bien sa maison et sa cité (Ménon, 91a) . Cet art du pouvoir, c'est par la parole qu'on l'acquiert. L'enseignement des sophistes est fondé sur quatre méthodes : 1) les lectures publiques de discours 2) Les séances d’improvisation sur n'importe quel thème 3) La critique des poètes (Homère, Hésiode...) 4) L'éristique ou art de la discussion.

La joute éristique n'était pas prouver le vrai et au contraire, plus elle paraissait fausse, plus on admirait le sophiste. Mais ce dernier apportait aux élèves un style, des idées générales et une dialectique ou technique générale de l'argumentation. Au début du IVe siècle va voir arriver un antisophiste qui va enseigner la rhétorique en la moralisant : Isocrate (436-338). C'est un disciple de Socrate et un rival de Platon. Il retient de Socrate que la mesure est la valeur suprême pour la vie comme pour la parole. Il est convaincu, malgré un certain relativisme, que l'art du discours est l'art propre à l'homme, reprenant une parole de Quintilien : "L'éloquence comme la raison est la vertu de l'homme." (II, 20, 9). C'est grâce par l'art du discours que l'on donnera aux hommes, aux jeunes une formation morale en leur apprenant la maîtrise d'eux-mêmes et le jugement personnel, en développant en eux ce qui les fait réellement hommes. La parole convenable est signe d'une pensée juste, idée de tous les humanistes. Au nom de la mesure, Isocrate exclut toute poésie de la rhétorique qui n'a droit qu'aux termes communs : elle n'admet ni terme obscur, ni terme nouveau et ses normes sont la clarté, la précision, la pureté. Il faut éviter les répétitions, les hiatus, veiller à ce qu'une conjonction réponde à celle qui la précède, bref tout cela pour viser à l'harmonie. Cependant, la prose est un art, d'abord par le choix des termes des plus beaux, les plus expressifs et les plus harmonieux, par l'équilibre de,la période avec des parties de longueur semblable, un début et une fin rythmés, par la musique due à l'heureuse combinaison des voyelles et des consonnes (euphonie rhétorique). Pour Platon, la rhétorique n'est pas une philosophie et elle n'est même pas un art du discours. Pour lui, dans le Gorgias, elle est l'art invincible de persuader n'importe quel public. Il avance une justification qui est celle d'Isocrate : si l'élève sert de son pouvoir persuasif pour commettre l'injustice, le maître n'en est pas coupable. La rhétorique n'est qu'une tribè, une mécanique aveugle au service de la flatterie. Elle n'est qu'une impuissance car elle n'est pas gouvernée par la raison. Le platonisme a provoqué une cassure entre rhétorique et philosophie. C'est Aristote qui a réhabilité la rhétorique. Il délimite son champ qui comprend le discours judiciaire, le discours politique et le discours épidictique. Pour lui, la rhétorique est l'art de découvrir tout ce qu'un cas donné comporte de persuasif. Le mérite d'Aristote est d'avoir fait de la rhétorique un système rassemblant dans une totalité cohérente les découvertes de ses prédécesseurs. Elle comporte une étude logique et non plus empirique, de l'argumentation, une psychologie des passions et des caractères, une stylistique, le tout assimilé à une réflexion philosophique. La rhétorique est alors intégré au système des connaissances et de l'enseignement, la culture (païdeia). Pour Aristote, il existe un niveau supérieur des savoirs, celui de la métaphysique et des sciences qui porte sur le nécessaire et aboutit à des propositions indubitables. En dessous, il y a la dialectique qui porte sur le probable et dont la méthode est l'argumentation contradictoire et la synthèse des opinions, puis encore en dessous la rhétorique dont l'objet n'est plus de trouver le vrai mais de persuader un public donné en partant du vraisemblable. Si la rhétorique est vue comme inférieure et indifférente au vrai et au juste, il n'empêche que pour Aristote qsue le vrai et le juste ayant plus de force naturelle que leurs contraires, c'est la faute des plaideurs si les verdicts sont iniques et qu'il faut être apte à persuader du contre comme du vrai, non qu'ils soit équivalents mais pour devancer l'argument de l'adversaire. Et il est indigne de ne pas savoir se défendre par la parole quand on est homme.

A partir d'Aristote, la rhétorique est fixée comme système et les rhéteurs les plus connus seront Cicéron (106 à 43 avant J-C) puis Quintilien (30 à 100 avant J-C) qui ont enrichi encore le système.

La fonction utilitaire de la rhétorique va peu diminuer au profit de sa fonction esthétique,   l’art du discours tendant à être supplanté par l’art du beau discours. Tacite prétendit que l’art oratoire aurait disparu avec les libertés républicaines. Pourtant, le discours judiciaire n’a pas changé, tout comme le discours épidictique qui a connu un bond avec la prédication chrétienne et le discours délibératif qui s’est transposé du forum aux cours et aux ambassades. Gérard Genette affirma de son coté qu’à partir du XVIe siècle la rhétorique s’est réduite à l’élocution, au seul inventaire des figures et  à la métaphore.  De ses trois fonctions, instruire, émouvoir et plaire, elle ne garderait que la dernière.  Pourtant, là aussi, Kibedi Varga et Campbell ont bien montré que jusqu’au début du XIXe siècle, la rhétorique est enseignée dans sa totalité.

Depuis l’Antiquité jusqu’au XIXe siècle, la rhétorique a assumé une fonction pédagogique. Dès l’époque hellénistique, elle correspond à une matière d’enseignement mais aussi à tout un cycle d’enseignement, par exemple (la grammaire avec l’étude de la langue à partir des auteurs classiques (grecs et latins) et à partir d’eux, on apprenait le vocabulaire, la syntaxe, l’histoire, la géographie, la morale), la dialectique et la philosophie.  Les élèves s’exerçaient à composer à titre d’exercices (Chries) des discours fictifs, des descriptions, des éloges, des éthopées (plainte de Niobé devant la cadavre de ses enfants), des thèses, des suasoires (ou discours politiques), des controverses (ou plaidoyers fictifs) sur des causes imaginaires.

Le Moyen Age considérait la rhétorique comme l’un des Arts libéraux, un sa voir désintéressé sans autre finalité que la formation de l’élève. « En enseignant l’art de comprendre et de se faire comprendre, d’argumenter, de construire, d’écrire et de parler, la rhétorique permettait d’évoluer avec aisance dans la société et de dominer par la parole. C’est à son école que se formaient les hauts fonctionnaires, les magistrats, les officiers, les diplomates, les dignitaires de l’église, en un mot, les cadres. La rhétorique assurait une formation libérale, c’est-à-dire une formation professionnelle à long terme. Ne l’assure-t-elle pas toujours, bien que sous d’autres formes, ou simplement sous d’autres noms ? » écrit Olivier Reboul dans La rhétorique (Que sais-je ? 2133, page 30-31).

Dans les années soixante, la rhétorique fait un retour en force et cette renaissance est due à des disciplines qui ont trouvé dans l’ancienne rhétorique un moyen d’interprétation de leur objet propre. La sémiologie cherche une rhétorique dans les choses en tant que celles-ci sont signifiantes (Roland Barthes, Umberto Eco etc.). Si l’œuvre musicale est un « discours », l’analyse musicale va tenter de montrer qu’elle obéit à des règles d’invention (peinture des passions), de disposition, d’élocution (l’ornementation) et d’action (l’exécution).

Il est à noter que deux grandes tendances se sont dégagées, la théorie de l’argumentation (années 50) de Perelman qui redécouvre la rhétorique d’Aristote et de Quintilien. A cette rhétorique de l’invention s’oppose la rhétorique littéraire qui s’occupe de l’élocution et se réduit à une stylistique, d’inspiration structuraliste qui définit les figures par opposition (métaphore vs métonymie) et le style lui-même comme écart par rapport à un degré zéro qui serait la prose pure et simple. Elle ramène finalement la rhétorique à la connaissance des procédés de langage caractéristiques de la littérature.

Pour Olivier Reboul, « relève pour nous de la rhétorique tout discours qui joint l’argumentation au style ; tout discours où les trois fonctions de plaire, d’instruire et d’émouvoir sont présentes ensemble et chacune par les autres ; tout discours qui persuade par le plaisir et l’émotion en les soutenant par l’argumentation. » (p 32-33). 2/ RHETORIQUE A) ANCIENNE RHETORIQUE 1) ARISTOTE / TECHNE RHETORIKE. Parties de l'art rhétorique et non des parties de discours. Aristote met au premier plan la structuration du discours (opération active) et relève au second sa structure (le discours comme produit). A/ INVENTIO (PISTEIS) Sujets, arguments, preuves, lieux. B/ DISPOSITIO (TAXIS) Mise en place de ces preuves le long du discours. Arrangement des parties de discours. Pôle syntagmatique. C/ ELOCUTIO (LEXIS) Mise en forme verbale au niveau de la phrase, choix des mots. Pôle paradigmatique. D) PRONUNTIATO Enonciation du discours. E) HYPOCRISIS (ACTIO) Mise en scène du discours total par un orateur qui doit se faire comédien. F) MEMORIA Trois types de discours: A) Délibératif (Discours politique) Le judiciaire (où l'on accuse, où l'on défend) L'épidictique (discours d'éloge ou de blâme) G) ORATIO (CORAX) EXORDE NARRATION OU ACTION (relation des faits) ARGUMENTATION ou PREUVE. LA DIGRESSION. L'EPILOGUE. 2/ CICERON DOCTRINA DICENDI : SAVOIR ENSEIGNE A DES FINS POLITIQUES. Une énergie, un travail VIS ORATORIS dont dépendent les opérations prévues par Aristote. Un produit, une forme, l'ORATIO. LA QUAESTIO dont dépendent les genres de discours. Autonomie de l'œuvre par rapport au travail qui l'a produite. 3) QUINTILIEN Technè pratique et pédagogique. - Opérations (ARTE) qui sont celles d'Aristote et de Cicéron. - DE ARTIFICE, l'opérateur.  - DE OPERE, l'œuvre elle-même. A) MATERIAUX SUBSTANTIELS DU DISCOURS: 1) RES C'est ce qui est déjà promis au sens, constitué dès le départ en matériau de signification (signifié). 2) VERBA C'est la forme qui va déjà chercher le sens pour l'accomplir. C'est le paradigme RES / VERBA qui compte, la relation, la complémentarité, l'échange, non la définition de chaque terme. La dispositio porte sur les matériaux (RES) et les formes discursives (VERBA).

    Technè rhetoriké

       Verba (3 Elocutio) Res 1 Inventio  2 Dispositio

3/ L'INVENTIO. Notion extractive. Cheminement. "De l'inventio" part deux grandes voies: A) CONVAINCRE Requiert un appareil logique (probatio, domaine des preuves). Par le raisonnement, il s'agit de faire violence juste à l'esprit de l'auditeur. Les preuves ont leur propre force. B) EMOUVOIR. Consiste à penser le message probatoire selon sa destination, l'humeur de qui doit le recevoir, à mobiliser des preuves subjectives, morales.. 4/  PISTEIS ATECHNO Preuves en dehors de la Technè, extrinsèques qui échappent à la liberté de créer l'objet contingent, en dehors de l'orateur, inhérentes à la nature de l'objet. Ce sont des éléments constitués du langage social qui passent directement dans le discours sans être transformé par aucune opération technique de l'orateur. Fournis par la cause elle-même. A) PRAEJUDICIA. Les arrêts antérieurs, la jurisprudence. B) LES RUMORES. Témoignage public. C) TORMENTA, QUAESITA. Aveux sans torture. D) TABULAE. Les pièces: contrats, accords, transactions entre particulier jusqu'aux vols, assassinats... E) JUSJURANDUM. Le serment, élément de tout un jeu combinatoire, d'une tactique, d'un langage. F) TESTIMONIA. Les témoignages nobles, issus de poètes anciens, soit de proverbes, soit de contemporains nobles. "Citations". B / RHETORIQUE MODERNE A / TROIS GENRES DE DISCOURS. 1) LE JUDICIAIRE. Dont la fin est d'accuser ou de défendre devant un tribunal ; son critère est le juste, son argumentation dominante, l'enthymème. Il s’appuie surtout sur l’indignation et la pitié. 2) LE DELIBERATIF.  Dont la fin est de conseiller les membres d'une assemblée politique. Son critère l'utile à la cité et son argumentation dominante l'exemple. Il s’appuie sur l’espoir et la crainte. 3) L’EPIDICTIQUE. Dont la finalité est l'éloge devant le grand public, le critère le beau, l'argumentation dominante, l'amplification. Ce discours prononcé en éloge d'un défunt (épitaphios) d'un héros ou d'une cité, d'un dieu est par essence persuasif et polémique. Il peut se servir de l'éloge pour faire passer un message incitatif et il joint de plus le blâme à l'éloge, souvent contre une opinion commune. Il crée ou renforce une disposition permanente à agir, un consensus, une communion aux valeurs sociales. L'orateur expose des événements connus de tous ; son rôle est de les magnifier, de faire valoir, par diverses figures comme l'hyperbole, la répétition, la métaphore, la qualification. Le téméraire devient courageux, le prodigue généreux. L'épidictique s'est développé dans l'éloquence religieuse. B) QUATRE PARTIES DE LA RHETORIQUE.  On entend par parties les phrases par où passe nécessairement la genèse du discours. 1) L’INVENTION. Ici, l'invention est comprendre le sujet, de rassembler ses connaissances et ses idées ; Il faut trouver les thèmes essentiels et les arguments qui vont servir. Pour Aristote, ces arguments sont de deux ordres, l'exemple et l'enthymème. La codification de la rhétorique est de prouver le pour et le contre ou du moins de donner ses chances à l'un et à l'autre. La codification de cet art est la topique, etude des lieux, partie essentielle de l'invention. Celle-ci ne consiste pas seulement à trouver des arguments mais aussi à les rendre sensible. Pour cela, une étude des caractères (éthos) et des passions (pathos) s'impose. 2) LA DISPOSITION. Mettre en ordre ses idées, de faire un plan. Les Anciens ont élaboré un plan type du discours judiciaire (ils ne s'occupent guère des deux autres sur ce point) et leur rôle se comprend à partir des trois fonctions du discours : ut doceat, moveat, delectet : instruire, émouvoir, plaire (Quintilien, III, 5, 2 ; cf VI et Cicéron, Brutus, 185 et 188). L'Exorde, la narration, la confirmation, la péroraison (l'amplification). 3) L’ELOCUTION. Rédiger l'exposé en lui donnant un style. L'Antiquité distinguait trois styles : le noble (grave), le simple (tenue), sibre et précis, le tempéré (medium) qui fait place à l’anecdote et à l'humour. Le vrai orateur est celui qui adopte chaque fois le style qui convient le mieux à la situation, le noble pour émouvoir, le simple pour instruire, le tempéré pour plaire. Le style consiste dans le choix des termes et dans leur ajustement (compositio). Ses qualités découlent toutes de sa fonction. Ce sont la correctio (latinitas) sans laquelle l'orateur ne s'imposerait pas. ; la clarté sans laquelle le message serait perdu ; la convenance au sujet sans laquelle le discours serait insignifiant pour l'auditoire ; l'élégance qui provient du choix des termes, des figures, de l'euphonie et du rythme. Mais l'élégance elle-même a sa fonction : elle vise à plaire et à émouvoir. 4) L’ACTION. Dernière tâche sera de s'exercer à le prononcer. Passage à l'acte. Démosthène disait que la première qualité de l'orateur est l'action, la seconde l'action et la troisième l'action. L'action en grec se dit hypocrisis (sans être encore un terme péjoratif). Il indique que l'orator est un actor, qu'il doit jouer les passions pour les communiquer. L'action est le moins stable du discours, celui qui dépend le plus des époques et des cultures. La diction est parti intégrante de la rhétorique. La mémoire, partie que les derniers rhéteurs latins plaçaient entre l'élocution et l'action, permettait non seulement de retenir mais surtout d'improviser. C'est à force d'exercice qu'on acquiert la firma facilitas de Quintilien, l'aisance naturelle.

Les signifiés du signe rhétorique ont été constitués par les différents "styles" reconnus par le code et par la littérature. Ses signifiants correspondent en grande partie aux figures de rhétorique. 3 / LES FIGURES Les figures se classent en deux groupe. C’est la figure qui montre le mieux le joint, propre à la rhétorique, entre le style et l’argumentation. C’est un procédé stylistique mais on n’est pas contraint d’y recourir pour s’exprimer. Ainsi distingue-t-on l’inversion grammaticale, qui est obligatoire dans l’interrogation : « Que restait-il ? » de l’inversion rhétorique ou hyperbate, que permet la grammaire sans l’imposer : « Restait cette redoutable infanterie de l’armée d’Espagne… »

Les figures sont codées et constituent une structure qu’on peut repérer et transférer à d’autres contenues : une métaphore, une hyperbole, une allégorie etc… Ces deux caractères sont antagonistes et pourtant nécessaires. Sans code, la figure serait incompréhensible. Sans liberté, elle ne serait plus un fait de style mais un fait de langue. La figure ne fait seulement partie de la rhétorique car on la trouve en poésie, en prose romanesque. La rhétorique ne peut pas se réduire à l’art des figures car elle n’est qu’un élément de l’élocution. Elle n’est pas seulement esthétique mais persuasive.

Par l’exemple l’apostrophe « O, lac ! rochers muets ! » (Lamartine). A l’origine, l’apostrophe est une figure du discours judiciaire qui consiste à se tourner vers un autre que le juge «  (Quintilien, IV, 1, 63), à interpeller l’accusé, l’absent, les ancêtres mais justement pour frapper le juge et mieux l’influencer.

Il y a donc : Les figures de mots qui concernent la matière sonore de la langue, comme la rime. Les figures de sens, ou tropes, comme la métaphore. Les figures de construction comme l’inversion qui concernent l’ordre dela phrase ou du discours. Les figures de pensée comme l’ironie qui concernent le rapport de l’énoncé avec son sujet, l’orateur, le référent. 1/ LES FIGURES  DE MOTS. Les figures de mots sont intraduisibles d’une langue à l’autre, à moins de trouver un équivalent. Les figures les plus expressives sont celles qui concernent le rythme de la phrase.  Dans la prose oratoire, le rythme apparaît avec les formules, sorte de noyau dur à l’intérieur du discours comme le Sermon sur la mort de Bossuet :

« Qu’est-ce que cent ans ?Qu’est-ce que mille ans, puisqu’un seul moment les efface ? »

Il apparaît aussi dans la clausule, cellule rythmique, le plus souvent de cinq pieds qui termine la période, comme ici encore dans Bossuet :

« Il devient un je ne sais quoi qui n’a plus de nom dans aucune langue ; tant il est vrai que tout meurt en lui, jusqu’à ces termes funèbres par lesquels on exprimait / ses malheureux restes. »

Le rythme persuade parce qu’il facilite l’audition, le souvenir et qu’il crée un sentiment d’évidence, et tend à embrigader la pensée.

Facteur de répétition : l’allitération est la répétition d’une même consonnance. La grogne, la rogne et la hargne disait de Gaulle.

La rime est la répétition régulière d’une syllabe : « Des crédits pour l’école, pas pour les monopoles ! » (6 + 6).

Elle n’est qu’un cas particulier de paronomase, répétition d’une ou plusieurs syllabes dans des mots différents.  « La femme boniche et potiche ». Elle souligne une opposition qu’un rapprochement.

Le calembour consiste à rapprocher deux mots très semblables en apparence mais de sens différent.

L’antanaclase est une figure distincte du calembour : « Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît point. » Alors que le calembour joue sur l’homonymie, l’antanaclase joue sur la polysémie, sur les sens un peu différents d’un même mot. Sur les antanaclases se fondent les pseudo-tautologies ainsi que les dérivations.

La dérivation consiste à employer dans une même phrase deux ou plusieurs mots de même origine : " La France aux Français ! " Elle suggère un lien logique entre l'essence (" France ") et sa manifestation (" Français "), ce qui est en soi un argument.

Le propre des figures de mots n’est pas seulement d’accrocher l’attention et de marquer la mémoire. Elles persuadent par le sentiment d’une vraisemblance. En effet, elles semblent toutes déjouer le grand principe de l’arbitraire du signe. Cette harmonie contingente, qu’utilise le mot d’esprit aussi bien que la poésie, provoque en nous un sentiment de nécessité, l’idée que « ce n’est pas par hasard si… ».

Sur les figures de mots se fondent l’étymologie. C’est le procédé, le lieu qui consiste à évoquer le sens ancien d’un mot pour déterminer son sens actuel et en tirer argument. 2/ LES FIGURES DE SENS Les tropes consistent à employer un terme avec une signification qu’il n’a pas habituellement, ce qui provoque une torsion (Ricoeur), une tension dans l’ensemble du discours. Les tropes peuvent avoir deux fonctions : - une fonction proprement rhétorique, d’expression et de persuasion ; - une fonction lexicale qui consiste à désigner par un mot détourné de son sens propre ce qui n’a pas de mot propre pour le désigner.

Cette lexicalisation des tropes, que l’on nomme  catachrèse, est très fréquente ; par elle, la langue comble ses lacunes. En fait, toutes les figures de sens peuvent être lexicalisées et devenir catachrèses ; il suffit que la langue en ait besoin. La lexicalisation est le trait distinctif des figures de sens.

Les tropes fondamentaux, dont dérivent tous les autres, sont la métonymie, la synecdoque et la métaphore.

La métonymie consiste à désigner un objet (violoncelliste) par le nom d’un autre objet (violoncelle), les deux ayant un lien habituel qui permet à l’un d’évoquer l’autre et qui donne un sens au message. C’est selon la nature du lien habituel qu’on distingue les différents types de métonymie.  Elle se lexicalise facilement ; elle peut être poétique. Elle joue en tous cas un rôle capital dans la genèse des symboles. Sa force persuasive vient qu’elle s’appuie sur de solides habitudes culturelles, sur des symboles qui font d’elle la figure de la familiarité. Liens de causalité : métonymies de la cause, de l’effet, de l’instrument, de l’organe (c’est un cerveau) . Liens de contiguïté : métonymies du contenant (prendre un verre), du vêtement (la toge), du lieu (un foyer). Lien du symbolisme : la croix et le croissant.

La synecdoque se distingue de la métonymie du fait que les objets sont entre eux dans un rapport de nécessité. Dire foyer pour famille est une métonymie ; dire cent têtes pour cent personnes est une synecdoque car la tête appartient à une personne. Elle peut signifier le tout par la partie (« l’épi sauvera le franc » pour l’agriculture sauvera la monnaie). Avec elle, l’un des deux objets ne peut exister sans l’autre. Son pouvoir est celui de la généralisation et ainsi est-elle à la racine de bien des stéréotypes : le flegme britannique. Elle a aussi une fonction didactique : elle permet ce procédé privilégié qu’est l’exemple. Si la synecdoque n’était qu’une métonymie, la généralisation serait inconcevable.

L’antonomase est une synecdoque qui désigne l’espèce par le nom d’un individu représentatif : Saline pour les staliniens ou pour le stalinisme. L’antonomase prend le parti contraire et va dans le sens de la mentalité populaire ; elle personnifie et fait porter à l’individu la gloire ou la honte de tout un système.

La métaphore opère une transformation des termes en se fondant sur la ressemblance entre leurs signifiés : l’homme est un loup comme l’homme. On la reconnaît à ce qu’il y a « semblable à » « comme », « pareil à » dans une phrase sans en changer le sens. Elle exprime une réalité qui est en général plus concrète, plus sensible et plus immédiat. On peut en distinguer quatre niveaux : - la comparaison vraie : cette chanteuse a une voix mélodieuse comme celle d’un rossignol (analogie) - Le similé, ou comparaison abrégée qui ne donne pas ses raisons (cette chanteuse chante comme un rossignol (c’est l’eikôn d’Aristote ; cf. Rhé., III, 1406 b et Campbell, p. 75). - La métaphore in praesentia : cette chanteuse est un rossignol. Le « comme » disparaît et suggère une identité. - La métaphore in absentia, ou le comparé lui-même disparaît : ce rossignol. Selon Aristote, la métaphore doit avoir trois qualités, la clarté, le charme et la rareté. Sans la clarté, elle risque d’être incomprise ; sans la rareté, elle n’est qu’un cliché sans force expressive. Le charme de la métaphore ets la subtile alliance des deux, le fait d’être en présence d’une ressemblance inédite et pourtant de la comprendre. Là réside son pouvoir persuasif.

L’hyperbole est une amplification condensée en trope. Elle substitue au signfiant attendu un signifiant qui en dit trop par rapport au contexte, soit par métaphore , soit par synecdoque (« j’ai mille choses à vous dire »). L’hyperbole se lexicalise facilement (« je suis mort »). Son exagération est toujours perceptible du fait de la torsion entre le signifiant et le signifié et se décèle par la situation. Elle signifie que ce que j’ai à dire est au-delà des mots, qu’un terme usé ne peut pas exprimer. Elle n’exprime pas la réalité mais notre impuissance à exprimer la réalité telle que nous la sentons. Elle exprime ce que les mots ne peuvent pas dire.

La litote est le contraire de l’hyperbole : « quelques remous dans l’assistance ».

L’hypallage est un déplacement d’attribution : la liberté des prix

L’énallage est un déplacement grammatical : « on pour nous » « pensez français ».

L’oxymore est le plus hardi des tropes ; elle consiste à associer des termes incompatibles « le soleil noir ». Elle est foncièrement poétique, elle peut aussi se lexicaliser (parti unique, meurtre juridique). 3/ FIGURES DE CONSTRUCTION Elles portent sur la syntaxe et sur la constructionh du discours. Certaines procèdent par soustraction de signifiants, d’autres par addition, d’autres par permutation.

L’Ellipse est la figure de soustraction, l’âme des proverbes, des maximes, des slogans dont la  force persuasive vient principalement de ce que l’énoncé se borne au minimum de signifiants nécessaire à son intelligence.  (« achetez français »).

L’asyndète est une ellipse portant sur les termes de liaison comme et, or, donc, cependant.  Elle est pédagogique. En forçant le destinataire à faire lui-même une partie du travail, elle le met dans le coup et le fait entrer dans le jeu du persuadeur.

La réticence consiste à interrompre la phrase pour laisser au destinataire le loisir de la compléter. Procéder de tous les slogans. C’est la figure favorite de la médisance, de la haine, de la grivoiserie mais aussi de la pudeur, de l’admiration, de l’amour.

La répétition (ou épanalepse) se remarque dans l’addition des signifiants de même sens. Il est d’ordre connotatif et aussi du pathos (« Car la France n’est pas seule ! Elle n’est pas seule ! Elle n’est pas seule ! » Général de Gaulle).

L’antithèse est aussi une figure de répétition, de l’antithèse rhétorique, différente de l’antithèse philosophique. C’est une opposition fondée sur la répétition, soit de mots, soit de syllabes, soit de rythmes. Fontanier en note deux : - l’une oppose deux objets l’un à l’autre en les considérant sius un rapport commun (« foudroyés aujourd’hui par la force mécanique, nous pourrons vaincre dans l’avenir par une force mécanique supérieure. ») car l’opposition entre la défaite présente et la victoire à venir est amplifiée par la répétition de force mécanique. - l’autre oppose un objet à lui-même en le considérant sous des rapports contraires (« La seule chose qui nous console de nos misères est le divertissement, et cependant c’est la plus grande de nos misères »)

L’anacoluthe est une rupture de construction syntaxique (« le nez de Cléopâtre, s’il eut été plus court, toute la face de la terre en eût été changée » Pascal N°162).

La gradation consiste à disposer les mots par ordre croissant de longueur ou d’importance (« Je m’en suis séparé ; je l’ai fui, renoncé, crucifié. » Pascal).

Le chiasme combine l’antithèse et l’inversion. Figure de répétition qui crée une opposition en renversant l’ordre des termes répétés (« S’il se vante, je l’abaisse ; s’il s’abaisse, je le vante ; et je le contredis toujours jusqu’à ce qu’il comprenne qu’il est un monstre incompréhensible » Pascal N°420).

Le zeugme consiste à lier de façon insolite deux termes à un troisième qui prend ainsi un sens ambigu (« L’âme sans épouvante / et les pieds sans souliers » Victor Hugo) « Sans » a à la fois un sens concret et abstrait. 4/ FIGURES DE PENSEE. Elles se caractérisent selon les Anciens par le fait qu’elles ne dépendent pas des mots mais des idées (sententiae).  Pourtant, elles prétendent énoncer une vérité car l’ironie et l’allégorie peuvent être lues de deux manières, au sens littéral et au sens figuré.  Elles sont des figures du « double langage » puisque leur message garde un sens qu’on l’entende littéralement ou selon l’esprit. Dans l’allégorie, la vérité du sens littéral entraîne la vérité du sens figuré.

L’hypotypose récit ou description, fait comme si son objet était présent, au point qu’on croit voir ce qu’on entend et on peut donc la prendre au sens littéral ou au sens figuré.

L’allégorie est une suite cohérente de métaphore qui, sous forme de description ou de récit, sert à communiquer une vérité abstraite. Elle a donc un sens littéral, (un phore selon Perelman) et un sens dérivé, le thème. Le phore est ce qui est dit, le thème ce qu’il faut comprendre. La métaphore ne comprend toujours des termes non métaphoriques et ne peut donc être lue qu’au sens figuré ; l’allégorie, car tous ses termes sont métaphoriques, peut être lue selon la lettre ou selon l’esprit. « Il n’est point ici bas de moisson sans culture » peut être lu soit dans un sens littéral ou figuré alors que « L’expérience est une lanterne accrochée dans le dos qui éclaire le passé » est une métaphore filée, car expérience et passé sont au sens propre, font partie du thème et non du phore. Son champ est très vaste : poésie antiques et médiévales, romans à clef, proverbes, fables, paraboles mais c’est un discours fermé. On sait où elle commence et où elle finit. Sa structure est complexe car la ressemblance joue à deux niveaux :

« une hirondelle ne fait pas le printemps ». La ressemblance entre le thème et le phore est double. D’abord une analogie globale : il y a le même rapport entre l’hirondelle et le printemps qu’entre l’instant et la vie, un rapport de partie à tout. Mais aussi une ressemblance terme à terme entre les parties du phore et celles du thème car le printemps évoque le bonheur et l’hirondelle la promesse. On a donc une double ressemblance, horizontale et verticale. Si les termes étaient négatifs (un corbeau ne fait pas l’hiver), l’analogie ne jouerait plus. En fait, quand il s’agit du mal, la sagesse des nations conclut volontiers de la partie au tout : « Qui a bu boira ». L’allégorie, parce que didactique et sans mystère, est méprisée depuis les romantiques qui lui préfèrent le symbole, expression de l’indicible et de l’infini. En exprimant une pensée sous l’image d’une autre, l’allégorie la rend plus sensible et plus frappante que si elle était présentée directement et sans aucune espèce de voile. La fonction didactique est assez étrange. Elle illustre l’abstrait par le concret, le quotidien, le familier.

L’ironie consiste à dire le contraire de ce qu’on veut dire dans le but, non de mentir, mais de railler, de faire rire par le contraste même entre les deux sens. Selon Quintilien, Il faut distinguer entre l’ironie trope et l’ironie, figure de pensée qui constitue tout un discours, voire toute une œuvre. L’ironie figure peut être prise au sens figuré ou au sens littéral. Il arrive d’ailleurs que sa victime la comprenne ainsi, ce qui la rend encore plus ridicule aux yeux des tiers. Mais, même pour les tiers, le sens littéral s’impose d’abord, et le sens dérivé n’apparaît qu’ensuite, grâce à certains indices extrinsèques au discours ironique.  Quels indices ? Le ton de la voix, emphatique ou glacial. La ponctuation, guillemets, points de suspension. Le rapport du message avec le contexte ou avec la situation. L’imitation parodique du discours de la victime, avec son accent, ses clichés. L’ironie est dite fine dans la mesure où ses indices agissent à retardement et où elle provoque ainsi cet effet de surprise qui appartient à l’essence du comique.

L’humour est avant tout une attitude détente. Si l’ironiste se situe au-dessus de ce qu’il ridiculise, l’humoriste commence par s’y comprendre. D’où sa force persuasive qui ressortit surtout à l’éthos. Il met l’auditoire de son coté oparce qu’il lui inspire confiance et sympathie.

La prétérition ne porte plus sur l’énoncé mais sur l’énonciation. Il consiste à dire qu’on ne parlera pas d’une chose pour mieux en parler (« je ne vous dirai rien des peines que m’a coûtées…), suscite à la fois la connivence et la curiosité. Tout comme le chleuasme.

La question oratoire est celle dont l’auteur connaît la réponse et qui a pour but d’accrocher le public, de le mettre dans la coup.

L’apostrophe s’adresse à un absent alors que la prosopopée fait aprler un absent.

Le prolepse  consiste à devancer l’argument de l’adversaire pour le retourner contre lui.

L’épanorthose est une rectification rhétorique de ce qu’on vient de dire ou d’écrire, pour faire entrer l’interlocuteur dans la genèse de notre pensée et, ici encore, le mettre dans le coup ; elle est surtout un indice de sincérité comme dans La cérémonie des adieux de Simone de Beauvoir : « Voilà le premier de mes livres, le seul sans doute, que vous n’aurez pas lu avant qu’il ne soit imprimé. Il vous est tout entier consacré et ne vous concerne pas (…) Ce « vous » que j’emploie est un leurre, un artifice rhétorique. Personne ne l’entend ; je ne parle à personne. En vérité, c’est aux amis de Sartre que je m’adresse… » 4/ ARGUMENTS ET PRINCIPES DE PERSUASION. Qu’est-ce qu’une argumentation ? Une proposition destinée à en faire admettre une autre.  Qu’est-ce qui distingue l’argumentation de la démonstration ? L’argumentation s’adresse toujours à quelqu’un (interlocuteur, public, lecteurs etc.) dont elle prend en compte le caractère, les habitudes de pensée, les émotions, les croyances car une argumentation peut être valable pour un auditoire et pas pour un autre. Elle  s’appuie sur des prémisses qui ne sont pas forcément prouvées mais vraisemblables, c’est-à-dire admises par la plupart de l’auditoire. Elle utilise la langue naturelle par opposotion aux langues artificielles comme l’algèbre et ses propositions sont très souvent vagues et ambiguës.  Dans l’argumentation, le lien logique n’est pas contraignant mais il peut être plus ou moins fort. Argument que Perelman nomme « quasilogique » (« Les amis de mes amis sont mes amis »). Il en résulte que la conclusion est rarement invincible, qu’elle peut être réfutée par une autre argumentation. Cela ne signifie en rien qu’elles se valent toutes mais seulement qu’une argumentation est plus ou moins valable sans qu’aucune ne le soit absolument.

La démonstration, elle, est valable pour n’importe qui, du moins dans l’idéal et s’adresse à un auditoire « universel ». A) LES DIFFERENTS TYPE D’ARGUMENTS. 1) L’EXEMPLE. C’est le recours à un fait singulier, non général. Il peut être réel ou fictif mais l’important est qu’il soit vraisemblable.  Il tend à renforcer la conviction, à faire comprendre et croire. A) LE PRECEDENT. Cas particulier d’exemple. Avant de s’en servir comme preuve, il faut prouver le contraire, montrer que la relation est la même dans les deux cas. B) L’ARGUMENT D’AUTORITE. C’est aussi un cas d’exemple. Ici, l’important c’est l’opinion d’une personne savante, compétente, inspirée ou illustre, opinion qui garantit la nôtre. Rejeté par les rationalistes, il est pourtant inévitable parfois car dans n’importe quel ouvrage scientifique, il y a des sources que l’auteur n’a pu contrôler. On peut aussi recourir à l’autorité de l’adversaire de deux manières : lui dire « Vous parlez comme l’ennemi » ce qui disqualifie l’ensemble de votre discours par un argument à contrario. Ensuite dire « L’ennemi lui-même admet cela ! », argument à fortiori qui suggère que vous, vous auriez mauvaise grâce de ne pas l’admettre. C) LA FORMULE. C’est un cas d’argument d’autorité : expression brève, proverbe, adage, maxime, slogan qui s’impose à nous du fait de sa forme, de son ancienneté ou de son anonymat, lequel est comme une garantie de consensus, de chose jugée définitivement. D) L’ANALOGIE. Rencontrée avec l’allégorie, elle opère sur un fait fictif aussi bien que sur un fait réel. Elle consiste à partir d’une relation connue pour éclairer ou prouver une autre relation qui lui est semblable, donc à conclure du phore ou thème. Elle n’est concluante que si le phore et le thème ont des rapports non seulement semblables mais identiques. 2/ L’ENTHYMEME. C’est un syllogisme (au sens Aristote) dont les prémisses ne sont que vraisemblables. On définira autrement : un syllogisme dont on n’énonce qu’une des deux prémisses : « Socrate est mortel puisqu’il est homme ». La majeure « tous les hommes sont mortels » reste tue. Cette ellipse est souvent d’ordre tactique. A) LA TAUTOLOGIE. Elle s’appuie sur un principe d’identité A est A. B) L’ALTERNATIVE. Elle repose sur le principe du tiers exclu : il n’y a pas de milieu entre A et non-A. Etre ou ne pas être. Un tel argument n’est correct que si les deux énoncés sont réellement contradictoires mais il peut y voir souvent un troisième terme. C) LE DILEMME. C’est un raisonnement qui repose sur une alternative et montre que, quel que soit le terme qu’on adopte, le résultat est le même. Sa force rhétorique vient de ce qu’il laisse le choix à l’adversaire, une illusion de choix. B) LE PRINCIPE DE NON-PARAPHRASE. La paraphrase est le fait de remplacer un énoncé par un autre sans qu’il y ait changement de sens ni perte d’information. Le propre d’un énoncé rhétorique est qu’on ne peut le remplacer par un autre sans en altérer le sens et en réduire l’information. Il est non-paraphrasable. C’est évident dans les figures de mots qui sont intraduisibles non seulement dans les autres langues mais dans la leur : CRS SS. La est non-paraphrase vaut aussi pour les figures de sens : une hyperbole, une oxymore ont pour effet d’exprimer ce qu’on ne peut pas dire autrement et dominent la pensée.

L’exemple le plus frappant est la métaphore. D’après Cicéron, elle a une double fonction, de suppléance et de plaisir. Elle supplée à l’indigence du vocabulaire par catachrèse en jouant sur la ressemblance. Ceci peut avoir un effet persuasif. D’où vient ce plaisir ? Cicéron en voit quatre. La métaphore est une démonstration de créativité (ingenium) car elle exprime un objet en termes inattendus et pourtant compréhensibles (ustensile). Elle résume d’un mot toute une comparaison et constitue un miracle de brièveté. Ensuite, elle exprime des idées abstraites ou lointaines par référence à un objet qui touche nos sens : un ustensile, cela se voit et se manie. Enfin, l’esprit est transporté sur un autre objet sans pourtant oublier le premier et ce va-et-vient est par lui-même un plaisir. C) LE PRINCIPE DE FERMETURE. Etant non paraphrasable, le message rhétorique paraît irréfutable puisque les arguments qu’on peut lui opposer ne se situent pas à son niveau. Le seul moyen de le réfuter est de lui opposer un message du même type, c’est-à-dire rhétorique. La qualification (cf. Cicéron, De oratore, II, 130 et 134 ; Perelman, TA, § 32) est un lieu propre au discours judiciaire. Qualifier quelqu’un de fasciste ou de stalinien, c’est s’ériger en juge et s’arroger un pouvoir sur lui en le faisant rentrer dans un cas général déjà jugé.

La déno

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