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Sagan, Bonjour tristesse (extrait).

Publié le 07/05/2013

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Sagan, Bonjour tristesse (extrait). C'est avec ce roman « scandaleux «, mettant à mal l'éthique des années cinquante, que Sagan entre dans le mythe de l'écrivain amer et amoral qui la caractérise désormais dans le monde littéraire. Il se construit autour des considérations d'une héroïne jeune et peu scrupuleuse, ayant un penchant certain pour la sensualité, la superficialité et affichant le goût, qu'elle partage avec son père, pour le plaisir et le bonheur en général. La mort, surtout, y est dédramatisée dans la mesure où elle est vécue par les personnages comme le fruit d'un hasard qui désenchante plus qu'il ne peine véritablement. Bonjour tristesse de Françoise Sagan (deuxième partie, chapitre 1) Je passais par toutes les affres de l'introspection sans, pour cela, me réconcilier avec moi-même. « Ce sentiment, pensais-je, ce sentiment à l'égard d'Anne est bête et pauvre, comme ce désir de la séparer de mon père est féroce. « Mais, après tout, pourquoi me juger ainsi ? Étant simplement moi, n'étais-je pas libre d'éprouver ce qui arrivait. Pour la première fois de ma vie, ce « moi « semblait se partager et la découverte d'une telle dualité m'étonnait prodigieusement. Je trouvais de bonnes excuses, je me les murmurais à moi-même, me jugeant sincère, et brusquement un autre « moi « surgissait, qui s'inscrivait en faux contre mes propres arguments, me criant que je m'abusais moi-même, bien qu'ils eussent toutes les apparences de la vérité. Mais n'était-ce pas, en fait, cet autre qui me trompait ? Cette lucidité n'était-elle pas la pire des erreurs ? Je me débattais des heures entières dans ma chambre pour savoir si la crainte, l'hostilité que m'inspirait Anne à présent se justifiaient ou si je n'étais qu'une petite jeune fille égoïste et gâtée en veine de fausse indépendance. En attendant, je maigrissais un peu plus chaque jour, je ne faisais que dormir sur la plage et, aux repas, je gardais malgré moi un silence anxieux qui finissait par les gêner. Je regardais Anne, je l'épiais sans cesse, je me disais tout au long du repas : « Ce geste qu'elle a eu vers lui, n'est-ce pas l'amour, un amour comme il n'en aura jamais d'autre ? Et ce sourire vers moi avec ce fond d'inquiétude dans les yeux, comment pourrais-je lui en vouloir ? « Mais, soudain, elle disait : « Quand nous serons rentrés, Raymond... « Alors, l'idée qu'elle allait partager notre vie, y intervenir, me hérissait. Elle ne me semblait plus qu'habileté et froideur. Je me disais : « Elle est froide, nous sommes indépendants ; elle est indifférente : les gens ne l'intéressent pas, ils nous passionnent ; elle est réservée, nous sommes gais. Il n'y a que nous deux de vivants et elle va se glisser entre nous avec sa tranquillité, elle va se réchauffer, nous prendre peu à peu notre bonne chaleur insouciante, elle va nous voler tout, comme un beau serpent. « Je me répétais un beau serpent... un beau serpent ! Source : Sagan (Françoise), Bonjour tristesse, Paris, Julliard, 1954. Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation. Tous droits réservés.

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