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Stendhal, Le Rouge Et Le Noir, « Il Fit Une Reconnaissance Militaire […] Circonstance Difficile À Expliquer », Livre II, Chapitre 16

Publié le 18/08/2010

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stendhal

INTRODUCTION  Nous sommes ici au chapitre XVI du livre 2. Julien est monté à Paris où il se trouve secrétaire du  marquis de la Mole. C’est donc une nouvelle étape dans sa quête du pouvoir à laquelle s’ajoute une  nouvelle étape amoureuse. En effet, la fille du marquis, Mathilde, jeune femme courtisée du tout  Paris, va s’intéresser à Julien qui représente pour elle l’aventure, l’insolite. Cherchant à le séduire,  elle lui envoie une lettre l’invitant à la rejoindre dans sa chambre la nuit. C’est la seconde scène du  roman où Julien rejoint une femme la nuit et escalade une échelle pour y parvenir. Il s’agit donc à  priori d’une scène de rencontre amoureuse, mais nous verrons qu’une fois de plus, Stendhal va  détourner cette scène de genre en nous livrant même une inversion des rôles attendus.    I. JULIEN SOREL, UN PERSONNAGE PEU COURAGEUX  Toute la scène est fondée sur un contraste entre les deux personnages. Le point de départ de cette  rencontre nocturne est étrange et inhabituel : c’est Mathilde qui a envoyé une lettre à Julien, lui  proposant un rendez-vous galant et non pas Julien qui commence à lui faire la courre. Contrairement  au chapitre XXX du livre 1, les rôles sont ici inversés.  Pourtant, toutes les caractéristiques d’un décor romantique semblaient être là pour renforcer cette  situation amoureuse : la lune est bien présente mais elle est détournée de son symbole romantique,  elle n’appartient pas à une nature bienveillante mais elle renforce le danger encouru par Julien. D’où  la phrase très surprenante et l’oxymore : « Le temps était d’une sérénité désespérante «. Julien a  décidé de rejoindre Mathilde sans grand enthousiasme (contrairement au chapitre XXX où il était  déterminé). Julien éprouve de la peur, comme le soulignent les différentes notations temporelles :  « vers les onze heures «, « à minuit et demi «, « une heure cinq minutes «. Ces précisions temporelles  soulignent les atermoiements de Julien qui ne parvient pas à se décider. Ainsi, l’expression « pour  laisser le temps à un contrordre « est peu romantique puisque l’invitation semble ici être perçue  comme un ordre. Julien est de plus angoissé, ce qui est en décalage avec la première phrase de  l’extrait qui suppose un courage héroïque : « reconnaissance militaire et fort exacte «. Au contraire,  on trouve des expressions qui prêtent à sourire : « autant de peur «, « étonné de ne pas être  attaqué «, « se hâta de jet un coup d’œil « et toutes les phrases au discours indirect libre telles que  « il peut y avoir des hommes cachés sans que je les voie «. On note ainsi la fébrilité de Julien qui ne  semble avoir aucune envie de prendre de risques (encore une fois en opposition au chapitre XXX où  Julien assumait le rôle de héros téméraire). Cette attitude fait également ressortir une certaine  paranoïa chez Julien qui, peut être, signifie, au-delà du sens premier de la scène, le malaise de Julien  dans un milieu social qu’il admire et qu’il méprise en même temps. Or, Julien veut se donner une  contenance, se donner du courage et certaines de ses répliques pourraient l’assimiler à une sorte de  matamore car elles sont fortement hyperboliques : « j’ai toutes sortes d’armes et de pistolets «. En  fait, l’attitude de Julien s’explique par une phrase très sèche qui résume bien la situation : « il n’avait  pas d’amour du tout «. Cette expression se situe à la fin d’une phrase au rythme ternaire : « Julien  était fort embarrassé, il ne savait pas comment se conduire, il n’avait pas d’amour du tout «. La  présence dans cette phrase de verbes sans force sémantique (« Julien était «, « il ne savait «, « il  n’avait «), renforcés par la présence de négations, fait ressortir comme une évidence l’absence de  sentiments amoureux, d’où l’absence de spontanéité amoureuse : « il pense qu’il fallait oser «. Par  Stendhal, Le Rouge et le Noir, « Il fit une reconnaissance militaire […] circonstance difficile à  expliquer «, livre II, chapitre 16  cette absence de spontanéité, la scène en devient presque ridicule et Stendhal semble une fois de  plus parodier le genre de la scène romantique (scène du balcon issue de Roméo et Juliette). Mathilde  et Julien ont également une attitude peu amoureuse en ne s’intéressent qu’à des détails prosaïques :  « retirer l’échelle «, « elle est immense «, « abaisser l’échelle «, « dernier échelon « (redondance  autour de l’échelle), « casser les vitres «, « au moyen d’une corde «, « une provision de cordes chez  moi «, « toutes sortes d’armes et de pistolets «. Tous ces éléments rendent la scène triviale et la  conversation entre les deux « amoureux « totalement décalée. En effet, cette conversation est très  banale et n’est constituée que d’éléments relevant d’un certain pragmatisme.  D’une certaine manière, Stendhal semble suggérer que cette scène met en avant deux personnages  qui semblent jouer un rôle qui ne leur correspond pas. Ni l’un ni l’autre n’éprouve de désir.  (Transition) Ainsi, Stendhal va mettre en avant le personnage de Mathilde qui domine entièrement la  scène.    II. LE SANG FROID DE MATHILDE : UNE ANTI-HEROINE ROMANTIQUE  Tout comme dans le chapitre XXX, nous retrouvons Julien seul, la nuit, avec une femme, et Stendhal  nous donne les mêmes éléments tout en changeant la perspective. Les deux scènes s’opposent car  les deux personnages féminins s’opposent et le comportement de Julien va différer. Madame de  Rênal est fuyante, troublée par cette situation marquée par l’émotion, contrairement à Mathilde qui  est très présente, qui domine la scène et qui reste très calculatrice, très organisée. La sincérité  amoureuse de Madame de Rênal contraste donc avec la froideur de Mathilde. L’attitude de Julien  diffère donc d’une scène à l’autre : alors qu’il éprouvait un véritable sentiment amoureux pour  Madame de Rênal, son absence de sentiments pour Mathilde concrétise son désir d’ascension  sociale, cf. : « au dernier échelon de l’échelle «, « triompher d’un aristocrate «.  Ainsi, Mathilde n’aura en rien ici une attitude de jeune fille romanesque. L’accueil réservé à Julien est  plutôt froid et traduit une sorte d’impatience dans le ton « nous voilà, monsieur […] Je suis vos  mouvement depuis une heure «. Cette dernière expression ridiculise Julien car elle suppose qu’il  aurait tardé, d’où l’expression « Julien était fort embarrassé «. Cette froideur se poursuit avec  l’exclamation « Fit donc ! «. Mathilde va dominer avec froideur toute la scène et aura toutes les  initiatives, cf. les verbes déontiques « il faut «, « il ne faut pas casser les vitres «, qui apparaissent  presque comme des conseils portés à un enfant. Mathilde a un esprit de prévoyance, tout est chez  elle prédéterminé, planifié : le conditionnel « Vous pourriez ce me semble […] J’ai toujours une  provision de cordes «. Cet esprit calculateur va dérouter Julien, d’où sa réaction, sur la modalité  exclamative, « Et c’est là une femme amoureuse «. Julien ne s’attendait pas à un tel comportement  de la part d’une jeune fille bien née, il porte même un jugement négatif sur Mathilde : « elle est  folle «. La modalité exclamative semble ici dominer dans les paroles de Julien qui à la fois s’indigne et  s’étonne de la manière d’être et de parler de Mathilde. Ainsi, à la fois l’attitude de Mathilde et celle  de Julien semblent en constant décalage, l’un par rapport à l’autre et aussi en décalage par rapport à  ce qui est attendu.      CONCLUSION  Ce texte met en avant deux aspects psychologiques : d’une part la fausseté des sentiments de  Mathilde qui joue un jeu avec elle-même et avec Julien, et d’autre part la faiblesse de Julien et sa  soumission à Mathilde dans un état d’esprit très différent de ce à quoi le lecteur a été habitué (un  jeune homme entreprenant). Or, Julien concrétise vraiment ici son désir d’ascension sociale, mais il  semble n’en tirer aucune satisfaction puisqu’il éprouve un certain malaise.

stendhal

« II.

LE SANG FROID DE MATHILDE : UNE ANTI-HEROINE ROMANTIQUETout comme dans le chapitre XXX, nous retrouvons Julien seul, la nuit, avec une femme, et Stendhalnous donne les mêmes éléments tout en changeant la perspective.

Les deux scènes s'opposent carles deux personnages féminins s'opposent et le comportement de Julien va différer.

Madame deRênal est fuyante, troublée par cette situation marquée par l'émotion, contrairement à Mathilde quiest très présente, qui domine la scène et qui reste très calculatrice, très organisée.

La sincéritéamoureuse de Madame de Rênal contraste donc avec la froideur de Mathilde.

L'attitude de Juliendiffère donc d'une scène à l'autre : alors qu'il éprouvait un véritable sentiment amoureux pourMadame de Rênal, son absence de sentiments pour Mathilde concrétise son désir d'ascensionsociale, cf.

: « au dernier échelon de l'échelle », « triompher d'un aristocrate ».Ainsi, Mathilde n'aura en rien ici une attitude de jeune fille romanesque.

L'accueil réservé à Julien estplutôt froid et traduit une sorte d'impatience dans le ton « nous voilà, monsieur […] Je suis vosmouvement depuis une heure ».

Cette dernière expression ridiculise Julien car elle suppose qu'ilaurait tardé, d'où l'expression « Julien était fort embarrassé ».

Cette froideur se poursuit avecl'exclamation « Fit donc ! ».

Mathilde va dominer avec froideur toute la scène et aura toutes lesinitiatives, cf.

les verbes déontiques « il faut », « il ne faut pas casser les vitres », qui apparaissentpresque comme des conseils portés à un enfant.

Mathilde a un esprit de prévoyance, tout est chezelle prédéterminé, planifié : le conditionnel « Vous pourriez ce me semble […] J'ai toujours uneprovision de cordes ».

Cet esprit calculateur va dérouter Julien, d'où sa réaction, sur la modalitéexclamative, « Et c'est là une femme amoureuse ».

Julien ne s'attendait pas à un tel comportementde la part d'une jeune fille bien née, il porte même un jugement négatif sur Mathilde : « elle estfolle ».

La modalité exclamative semble ici dominer dans les paroles de Julien qui à la fois s'indigne ets'étonne de la manière d'être et de parler de Mathilde.

Ainsi, à la fois l'attitude de Mathilde et cellede Julien semblent en constant décalage, l'un par rapport à l'autre et aussi en décalage par rapport àce qui est attendu. CONCLUSIONCe texte met en avant deux aspects psychologiques : d'une part la fausseté des sentiments deMathilde qui joue un jeu avec elle-même et avec Julien, et d'autre part la faiblesse de Julien et sasoumission à Mathilde dans un état d'esprit très différent de ce à quoi le lecteur a été habitué (unjeune homme entreprenant).

Or, Julien concrétise vraiment ici son désir d'ascension sociale, mais ilsemble n'en tirer aucune satisfaction puisqu'il éprouve un certain malaise.. »

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