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tant qu'individu nettement déterminé.

Publié le 23/10/2012

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individu
tant qu'individu nettement déterminé. En ce cas l'instinct sexuel, bien qu'au fond pur besoin subjectif, sait très habilement prendre le masque d'une admiration objective et donner ainsi le change à la conscience ; car la nature a besoin de ce stratagème pour arriver à ses fins. Mais si objective et si bien revêtue de sublimes couleurs que cette admiration puisse nous paraître, cependant cette passion amoureuse n'a en vue que la procréation d'un individu de nature déterminée ; et ce qui le prouve avant tout, c'est que l'essentiel n'est pas la réciprocité de l'amour, mais bien la possession, c'est-à-dire la jouissance physique... Pénétrons maintenant plus avant dans cette recherche. L'égoïsme est en général un caractère de toute individualité si profondément enraciné en elle, que, pour exciter l'activité d'un être individuel, les fins égoïstes sont les seules auxquelles on puisse se fier avec assurance. L'espèce a, il est vrai, sur l'individu, un droit antérieur, plus pressant et plus fort que la périssable individualité elle-même. Cependant, quand l'individu doit exercer son activité et même faire des sacrifices pour la conservation de l'espèce et la réalisation du type, son intellect, organisé uniquement en vue de l'existence individuelle, ne peut se rendre assez bien compte de l'importance de cette fonction, afin d'agir en conséquence. Dans cet état de choses, la nature ne peut atteindre son but qu'en faisant naître chez l'individu une certaine illusion, à la faveur de laquelle il regarde comme un avantage personnel ce qui en réalité n'en est un que pour l'espèce, si bien que c'est pour l'espèce qu'il travaille quand il s'imagine travailler pour lui-même ; il ne fait alors que poursuivre une chimère qui voltige devant ses yeux, destinée à s'évanouir aussitôt après, et qui tient lieu d'un motif réel... On croit que l'instinct est presque nul dans l'homme, sauf au moment où, nouveau-né, il cherche et saisit le sein de sa mère. En réalité, nous avons un instinct très déterminé, très net et même très compliqué, celui qui nous guide dans le choix si délicat, si sérieux et si opiniâtre d'un autre individu pour la satisfaction du besoin sexuel. Cette satisfaction en elle-même, en tant que jouissance physique, reposant sur un besoin impérieux de l'individu, n'a absolument rien à faire avec la beauté ou la laideur de l'autre individu. Cependant, cette recherche si ardente des avantages physiques et le choix si attentif qu'elle détermine ne dépendent évidemment pas de l'individu même qui choisit, comme celui-ci le croit, mais bien de la fin véritable, de l'enfant à procréer qui doit reproduire le type de l'espèce aussi pur et aussi exact que possible. En effet, mille accidents physiques, mille contrariétés morales altèrent de toute façon la forme humaine : néanmoins elle se trouve toujours rétablie dans son vrai type, et dans toutes ses parties, grâce à l'action du sens de la beauté, guide constant de l'instinct sexuel, et sans lequel cet instinct ne serait plus qu'un besoin répugnant. Ainsi chaque être arrête d'abord son choix sur les individus les plus beaux, c'est-à-dire en qui le caractère de l'espèce est empreint avec le plus de pureté, et les désire ardemment ; ensuite il recherchera surtout dans un autre individu les perfections dont il est lui-même privé ; il ira jusqu'à trouver de la beauté dans les imperfections qui sont tout le contraire des siennes : les hommes de petite taille, par exemple, recherchent les femmes grandes, les blonds aiment les brunes, etc. — Ce ravissement plein d'ivresse qui saisit l'homme à l'aspect d'une femme dont la beauté est conforme à ses désirs et qui fait briller à ses yeux l'union avec cet être comme le comble du bonheur, c'est bien le sens de l'espèce, qui, reconnaissant là le caractère nettement marqué de la race, désirerait le perpétuer avec cette femme. C'est sur cet attrait irrésistible de la beauté que repose la conservation du type de l'espèce ; de là aussi vient la force de cet attrait. — En réalité, nous trouvons là un renseignement d'un haut intérêt sur la nature intime de l'instinct en général qui, presque toujours, comme dans le cas présent, fait agir l'individu pour le bien de l'espèce. Car évidemment l'attention de l'insecte à choisir telle fleur, tel fruit, tel fumier, telle viande, ou bien, comme les ichneumons, la larve de tel autre insecte pour y déposer ses oeufs, sans reculer devant aucune fatigue, devant aucun danger pour y parvenir, cette attention est très analogue au soin que l'homme apporte à choisir, pour la satisfaction du besoin sexuel, une femme déterminée dont la nature individuelle soit conforme à ses goûts, et vers laquelle il se porte avec tant d'ardeur que souvent, pour arriver à ses fins, oublieux de toute prudence, il sacrifie le bonheur de toute sa vie par un mariage insensé, par une intrigue qui lui coûte sa fortune, son honneur, sa vie, et plus d'une fois par un crime, tel que l'adultère ou le viol ; et tout cela pour servir au mieux les intérêts de l'espèce, pour se conformer à la volonté partout souveraine de la nature, voire même aux dépens de l'individu. Partout, en effet, l'instinct agit comme en vue d'une certaine fin, et cependant sans se la proposer. La nature le fait naître là où l'individu qui doit agir serait incapable de comprendre le but, ou refuserait de chercher à l'atteindre. Aussi l'instinct, en règle générale, n'est-il guère donné qu'aux animaux, et surtout aux animaux inférieurs, aux plus dépourvus d'intelligence. Mais il a été aussi donné à l'homme, à peu près pour le seul cas en question, car l'homme, bien que très capable de concevoir la fin, n'y travaillerait pas avec le zèle nécessaire, surtout aux dépens de son bonheur personnel. Ici donc, comme dans tout instinct, la vérité a pris la forme d'une illusion pour agir sur la volonté. C'est en effet une illusion voluptueuse qui abuse l'homme en lui faisant croire qu'il trouvera dans les bras d'une femme dont la beauté le séduit une plus grande jouissance que dans ceux d'une autre, ou en lui inspirant la ferme conviction que tel individu déterminé est le seul dont la possession puisse lui procurer la suprême félicité. Aussi il s'imagine qu'il accomplit tous ces efforts et tous ces sacrifices pour sa jouissance personnelle, et c'est seulement pour la conservation du type de l'espèce dans toute sa pureté ou pour la procréation d'une individualité bien déterminée qui ne peut naître que de ces parents-là. Si tel est bien le caractère de cette passion, il est tout naturel que chaque amant, après avoir enfin assouvi son désir, éprouve une prodigieuse déception et s'étonne de n'avoir pas trouvé dans la possession de cet objet si ardemment convoité plus de jouissance que dans n'importe quelle autre satisfaction sexuelle : aussi ne se trouve-t-il guère plus avancé qu'auparavant. (Monde, III, 342-51.) Toute cette théorie de la métaphysique de l'amour tient étroitement à l'ensemble de ma métaphysique, et le jour qu'elle répand sur celle-ci peut se résumer comme il suit. Nous l'avons reconnu, le choix minutieux et capable de s'élever, par d'innombrables degrés, jusqu'à l'amour passionné, ce choix apporté par l'homme à la satisfaction

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