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Une vie de Maupasant, le récit d'une chute

Publié le 18/08/2010

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Le roman naturaliste de Maupassant, Une vie, est le récit d’une déchéance. Il est constitué de tout ce qui aurait pu avoir lieu, ou qui aurait du avoir lieu, de ce qui a été ardemment désiré et rêvé pendant l’enfance et l’adolescence mais qui ne s’est malheureusement pas accompli à l’âge adulte. La vie de Jeanne, le personnage principal sera bouleversée par une terrible collection de malheurs, tous ses espoirs de l’adolescence ne sont plus que des désillusions. Jeanne va accumuler des malheurs dans sa vie personnelle et familiale. De plus, elle va être peu à peu amenée au bord de la faillite financière et perdre son rang social. Une vie est donc le récit de l’invivable, de l’invécu, comme si de cette vie que prétend nous raconter le roman, nous ne possédions que le négatif. Jeanne connaît tout d’abord un échec personnel et familial. Au début du roman, Jeanne a dix sept ans, elle a tout pour être heureuse, la beauté, la fortune, l’éducation particulièrement suivie qui est le résultat des principes de son père. Elle a été mise au couvent dès ses douze ans mais en revient ignorante des réalités de la vie. Jeanne ne vit qu’a travers ses rêveries : « et elle se mit à rêver d’amour « (Chapitre I). Mais elle va se heurter à la réalité. Moins de quatre mois après sa sortie du couvent, elle épouse Julien, le vicomte de Lamare qui devrait garantir le bonheur de toute une vie. Elle semble alors comblée lors de son voyage de noces en Corse. Cependant, dès son retour à la propriété familiale des Peuples, sa vie se sera plus qu’une longue dégradation. Très vite, son mari se révèle violent, notamment avec les fermiers et les domestiques, mais aussi avec elle dès leur nuit de noces. Il est également avare, puis commence à se négliger et à devenir indifférent à son épouse. À peine installée, elle est trompée par son époux avec Rosalie, la servante, qui a accouché d’un bâtard. Une fois la servante éloignée avec son fils, le couple se reconstitue et naît l’enfant légitime du couple, Paul. Les relations de Julien avec Madame de Fourville marquent le début d’un nouvel adultère que Jeanne ne découvrira que le 7 mai 1821. Le compte de Fourville, surprenant les amants les assassinera dans ce qui passera pour un accident. Quoi qu’il arrive dans la vie de Jeanne, rien ne change vraiment. Dès le lendemain de son mariage dont elle supposait qu’il marquerait une nouveauté absolue, Jeanne est désabusée : « et la journée s’écoula ainsi qu’à l’ordinaire comme si rien de nouveau n’était survenu. Il n’y avait qu’un homme de plus dans la maison. « De même peu après son voyage de noces : « et la journée s’écoula comme celle de la veille, froide, au lieu d’être humide. Et les autres jours de la semaine ressemblèrent à ces deux-là ; et toutes les semaines du mois ressemblèrent à la première. « Jeanne veuve à vingt ans, est peu à peu abandonnée par sa famille. Tour à tour ses proches meurent. Pendant l’été, la mort de sa mère est une perte bien plus irréparable que les autres. Elle découvrira avec stupeur l’adultère de sa mère après sa mort en lisant son ancienne correspondance. Son fils Paul, enfant gâté et étouffé fuit sa mère possessive qui avait reporté toute son attention sur lui et voulait un amour exclusif et égoïste, fuit à Londres avec une fille que sa mère n’accepte pas. La même année, la mort du baron et, trois ans plus tard celle de la tante Lison. À quarante cinq ans, Jeanne a été déçue dans tous ses espoirs. Elle serait totalement seule, si Rosalie ne revenait pas s’occuper d’elle. Toute sa vie, Jeanne a endossé les rêves de son père, elle vit à travers ce qu’il a voulu pour elle. Mais sans s’en rendre compte, le baron a entouré Jeanne dans une sorte d’enveloppe. Elle est incitée à tomber amoureuse du premier venu. On assiste donc a l’échec des v� ux du baron pour l’éducation de sa fille. Cette déchéance personnelle et familiale se double d’une déchéance financière et sociale. Jeanne appartient à la haute société Normande. Les Perthuis de Vaux incarnent le pouvoir, la richesse et l’autorité morale. Cependant, le père de Jeanne gaspille la fortune familiale par négligence et insouciance. Ainsi les fermes sont vendues pour des dépenses inutiles ou pour assurer une dot à Rosalie. Mais c’est surtout son fils Paul qui va accélérer la ruine familiale. Il dépense sans compter, fais des dettes et se lance dans des spéculations boursières et commerciales qui échouent. Jeanne est obligée de vendre la propriété familiale des Peuples pour rembourser les dettes de son fils. Elle se retire alors dans une simple maison bourgeoise ou elle renonce au luxe qu’elle a toujours connu et doit vivre d’une petite rente. Par la suite, la mort de la femme de Paul le fera revenir auprès de sa mère. Il ne reste plus qu’une famille décimée. L’échec de Jeanne est également social. Elle entre en conflit avec le curé du village et elle est rejetée par ses pairs qui rompent alors toute liaison avec elle. Ses malheurs successifs et la vente des Peuples l’abaissent au niveau des fermiers et des bourgeois sur lesquels sa famille exerçait son autorité. Entre eux, ces gens qui la respectaient l’appellent désormais « la folle «. Cet échec est clairement révélé par l’inversion des relations entre Jeanne et Rosalie. Après la mort du baron et de la tante Lison, Rosalie est revenue auprès de son ancienne maîtresse. Elle prend alors la direction de la maison avec autorité, c’est elle qui gère les dépenses, empêche Jeanne de se laisser aller. La servante est ainsi devenue la maîtresse. Et les années se sont lentement écoulées, et le vieillissement de Jeanne minée par tous ces malheurs s’est accéléré. On peut également voir que les saisons sont le symbole du temps et influencent les sentiments de Jeanne. Pour Jeanne, le printemps symbolise le bonheur, l’amour et l’appel de la nature. Il symbolise la fin des souffrances mais perd son importance au fil du roman ; à la fin il lui redonne des forces, mais n’efface pas ses tristes pensées. L’été quand à lui regroupe tous ces moments de bonheur immense comme son voyage de noces. L’automne est la période de découverte de la réalité, le moment ou Julien dévoile sa véritable personnalité. Elle ressent cette période comme une période de désillusion et d’affaissement de ses rêves. Cependant, l’hiver symbolise les moments de plus grand désespoir. Il évoque les souffrances de Jeanne. De l’hiver se dégage l’idée de mort. Au fil du roman, on trouve de plus en plus de descriptions hivernales. C’est l’époque ou elle découvre l’infidélité de Julien avec la bonne Rosalie. L’hiver a une mauvaise influence sur Jeanne au contraire du printemps. Pour Maupassant, les saisons sont le moyen d’exprimer le temps qui s’écoule et les sentiments de Jeanne avec deux saisons particulièrement importantes : l’hiver et le printemps. Le début du roman qui commençait par un printemps pluvieux montre que la vie de l’héroïne sera jalonnée de bonheurs mais aussi d’épreuves qu’elle aura du mal à surmonter. La fin du roman est marquée par le printemps qui symbolise l’espoir apporté à Jeanne par sa petite fille. Ce roman raconte l’échec personnel, familial, financier et social de Jeanne, ou autrement dit sa chute. Cette vie, ou on a toujours l’impression qu’il ne se passe rien va s’enfoncer dans la monotonie du quotidien et dans la banalité des habitudes, bien qu’elle soit très agitée grâce à de nombreux rebondissements tels que un bâtard, un mort né, un fils et une petite fille, des morts souvent tragiques, des proches pour la plupart et même un double assassinat. C’est une chute reflétant le déclin d’une grande partie de la noblesse d’ancien régime en France au XIXè siècle.

 

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