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Zola, Au Bonheur des Dames (extrait 2).

Publié le 07/05/2013

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Zola, Au Bonheur des Dames (extrait 2). Dans son ouvrage Au Bonheur des Dames, Émile Zola dresse le portrait des grands bazars modernes qui émergent et transforment la capitale comme les habitudes parisiennes. En s'inspirant de Boucicaut, de Chauchard et de Jaluzot -- fondateurs des principaux grands magasins du XIXe siècle -- pour créer le personnage d'Octave Mouret, il synthétise le génie et l'innovation permanente de ces entrepreneurs. Inventeur des règles du commerce moderne, Octave Mouret discute ici avec ses collaborateurs de l'intérêt de vendre à perte. Au Bonheur des Dames d'Émile Zola « Alors, c'est décidé, reprit-il, nous la marquons cinq francs soixante... Vous savez que c'est à peine le prix d'achat. -- Oui, oui, cinq francs soixante, dit vivement Mouret, et si j'étais seul, je la donnerais à perte. « Le chef de rayon eut un bon rire. « Oh ! moi, je ne demande pas mieux... Ça va tripler la vente, et comme mon seul intérêt est d'arriver à de grosses recettes... « Mais Bourdoncle restait grave, les lèvres pincées. Lui, touchait son tant pour cent sur le bénéfice total, et son affaire n'était pas de baisser les prix. Justement, le contrôle qu'il exerçait consistait à surveiller la marque, pour que Bouthemont, cédant au seul désir d'accroître le chiffre de vente, ne vendît pas à trop petit gain. Du reste, il était repris de ses inquiétudes anciennes, devant des combinaisons de réclame qui lui échappaient. Il osa montrer sa répugnance, en disant : « Si nous la donnons à cinq francs soixante, c'est comme si nous la donnions à perte, puisqu'il faudra prélever nos frais qui sont considérables... On la vendrait partout sept francs. « Du coup, Mouret se fâcha. Il tapa de sa main ouverte sur la soie, il cria nerveusement : « Mais je le sais, et c'est pourquoi je désire en faire cadeau à nos clientes... En vérité, mon cher, vous n'aurez jamais le sens de la femme. Comprenez donc qu'elles vont se l'arracher, cette soie ! -- Sans doute, interrompit l'intéressé, qui s'entêtait, et plus elles se l'arracheront, plus nous perdrons. -- Nous perdrons quelques centimes sur l'article, je le veux bien. Après ? Le beau malheur, si nous attirons toutes les femmes et si nous les tenons à notre merci, séduites, affolées devant l'entassement de nos marchandises, vidant leur porte-monnaie sans compter ! Le tout, mon cher, est de les allumer, et il faut pour cela un article qui flatte, qui fasse époque. Ensuite, vous pouvez vendre les autres articles aussi cher qu'ailleurs, elles croiront les payer chez vous meilleur marché. Par exemple, notre Cuir-d'Or, ce taffetas à sept francs cinquante, qui se vend partout ce prix, va passer également pour une occasion extraordinaire, et suffira à combler la perte du Paris-Bonheur... Vous verrez, vous verrez ! « Il devenait éloquent. « Comprenez-vous ! Je veux que dans huit jours le Paris-Bonheur révolutionne la place. Il est notre coup de fortune, c'est lui qui va nous sauver et nous lancera. On ne parlera que de lui, la lisière bleu et argent sera connue d'un bout de la France à l'autre... Et vous entendrez la plainte furieuse de nos concurrents. Le petit commerce y laissera encore une aile. Enterrés, tous ces brocanteurs qui crèvent de rhumatismes, dans leurs caves ! « [...] Source : Zola (Émile), Au Bonheur des Dames, 1883. Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation. Tous droits réservés.

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