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« La flexibilité est-elle toujours favorable à l'emploi? »

Publié le 01/09/2012

Extrait du document

Il n’est pas évident de trouver dans les données un lien clair et sans ambiguïté entre le degré de flexibilité et le niveau de l’emploi, ou avec le niveau de chômage. D’un point de vue global, le degré de flexibilité conventionnelle n’entretient pas une relation simple avec le taux de chômage. Ainsi la Norvège, l’un des pays où la rigidité du marché du travail est la plus importante, est aussi l’un des pays où le taux de chômage est le plus faible (moins de 4% au premier trimestre 1999). Alors que les États-Unis, champion de la flexibilité, font moins bien qu’elle en terme de chômage. Symétriquement, un même degré de flexibilité peut être compatible avec des situations contrastées en termes d’emploi. Le Japon et l’Espagne ont des marchés du travail proches par leur degré de flexibilité, mais le taux de chômage espagnol (plus de 18%) représente près du quintuple du taux de chômage japonais (5%) (document 1). Le degré de flexibilité semble donc, même si l’on tient compte de ses effets indirects, n’être qu’un des éléments contribuant à déterminer le niveau du chômage dans un pays, et pas nécessairement le plus important. D’autres éléments jouent : le rythme de croissance, l’insertion dans l’économie mondiale, etc. Des réserves doivent aussi être apportées si l’on considère l’ampleur du chômage qu’une flexibilité accrue devrait contribuer à réduire. Si l’on peut admettre qu’une faible réduction des salaires, dans le cadre d’une économie enregistrant un léger déséquilibre du marché du travail, puisse à la fois augmenter suffisamment la demande de travail des entreprises et ne pas perturber le fonctionnement global de l’économie, il n’en va pas de même dans le cadre des pays à fort taux de chômage. Dans ce dernier contexte, seule une très forte réduction des salaires pourrait amener une augmentation suffisante de la demande de travail pour absorber le grand nombre de chômeurs. Mais il est alors impossible de prétendre qu’il n’y aura pas d’autres effets sur le fonctionnement de l’économie.

« éléments jouent : le rythme de croissance, l'insertion dans l'économie mondiale, etc.Des réserves doivent aussi être apportées si l'on considère l'ampleur du chômage qu'une flexibilité accrue devrait contribuer à réduire.

Si l'on peut admettre qu'unefaible réduction des salaires, dans le cadre d'une économie enregistrant un léger déséquilibre du marché du travail, puisse à la fois augmenter suffisamment lademande de travail des entreprises et ne pas perturber le fonctionnement global de l'économie, il n'en va pas de même dans le cadre des pays à fort taux de chômage.Dans ce dernier contexte, seule une très forte réduction des salaires pourrait amener une augmentation suffisante de la demande de travail pour absorber le grandnombre de chômeurs.

Mais il est alors impossible de prétendre qu'il n'y aura pas d'autres effets sur le fonctionnement de l'économie. Ainsi, au-delà de l'indétermination du lien empirique entre flexibilité et amélioration numérique de l'emploi, les effets négatifs possibles sur l'économie elle-mêmedoivent être soulignés.La flexibilité du travail signifie sans doute une réduction du coût du travail, mais la rémunération des salariés n'est pas seulement un coût, c'est aussi la principaleconstituante des revenus et, donc, de la demande adressée aux entreprises.

Selon Keynes, c'est le niveau de cette demande qui sert de base aux entreprises dans lesdécisions de production pour les années à venir, et non le niveau du salaire réel.

L'employeur prévoit un niveau de production futur et offre en conséquence un certainniveau d'emploi, celui qui est nécessaire pour réaliser cette production.

Si par la suite la demande, telle qu'elle s'est exprimée à travers les ventes réalisées, estsuffisante pour confirmer les prévisions de l'employeur, alors il maintient son niveau de production et continue donc d'offrir le même volume d'emploi.

Unedégradation des revenus distribués entraînerait donc une réduction du montant de la demande adressée aux employeurs et, par suite, ceux-ci n'écouleraient plus touteleur production.

Ils reverraient à la baisse leurs prévisions de production et leur offre d'emploi.

Keynes va même plus loin et affirme qu'en cas de chômage parinsuffisance de la demande, non seulement la réduction des salaires ne résoudrait pas le chômage, mais elle l'aggraverait.C'est en ce sens qu'un développement de la flexibilité peut être néfaste à l'emploi.

La diminution des salaires en vue de réduire le chômage et la multiplication descontrats à durée limitée ou à temps partiel ont comme point commun de provoquer à court terme une diminution des revenus distribués, et donc de la demande(document 3), qui peut être supérieure à l'effet stimulant provoqué par la baisse des prix.

Surtout si les prix tardent à baisser.

La précarité des contrats de travail esten mesure d'aggraver la fragilisation de la demande en créant une incertitude sur les revenus futurs d'une partie de la population active.

Le renouvellement descontrats à durée limitée n'a rien d'automatique et cette situation va pousser ces salariés à limiter leur consommation et leurs projets d'avenir.

Les effets dépresseurs surla demande sont donc une limitation sérieuse de la recherche d'une réduction du chômage par une amélioration de la flexibilité du travail. Dans un tout autre registre, la recherche de la flexibilité peut aussi amener des transformations de l'emploi défavorables aux salariés à travers le développement de laprécarité et par la dégradation des conditions de travail, suivant qu'il s'agisse de flexibilité quantitative ou qualitative (polyvalence).Le développement des contrats à durée limitée est une réalité pour l'économie française.

Entre 1985 et 2001, le nombre d'emplois précaires est a augmenté d'environsept cent cinquante mille à 2,2 millions, soit de 3,9 a 10,4 % des emplois salariés, selon l'INSEE (document 4).

Au premier rang de cette progression, figurent lesCDD et contrats d'intérim, c'est à dire des formes d'emploi relevant de la recherche de flexibilité quantitative du travail.

Mais leur développement est-il le signe d'unerecherche de flexibilité ou traduit-il l'existence d'un chômage de masse ? Devant l'abondance de main d'œuvre inoccupée les employeurs n'ont pas besoin d'offrir descontrats « intéressants » et les futurs salariés n'ont pas la possibilité de faire la fine bouche.

Le développement de la flexibilité serait alors une des conséquences de ladégradation du marché du travail et non un remède possible à celle-ci.De plus le développement des contrats flexibles, CDD, intérims, contribue à renforcer la précarité du travail pour une partie de la population active.

Doeringer etPiore ont en effet montré que les entreprises pouvaient avoir intérêt à différencier leur politique de gestion du personnel.

D'un côté en offrant les contrats à duréeindéterminée, plutôt bien rémunérés, avec des perspectives de carrière, aux salariés les plus qualifiés qu'elles souhaitent fidéliser.

Et, de l'autre côté, en ne proposantque des CDD ; rémunérés au minimum, à la partie des employés qu'elles jugent parfaitement interchangeables et qu'ils n'est donc pas nécessaire de fidéliser.

Ce sonten général des emplois non qualifiés.

Doeringer et Piore parlent de marché dual du travail pour désigner l'idée qu'il existe en son sein deux segments bien distincts,correspondant à deux types de main d'œuvre.

La multiplication des CDD concerne au premier chef le marché secondaire du travail, les travailleurs non qualifiés.

Orc'est déjà ce segment qui est le plus touché par le chômage et la précarité.

Développer la flexibilité pourrait donc avoir pour conséquence d'aggraver le dualisme dumarché du travail, et ce en un double sens.

Soit en rendant encore plus précaire la situation des travailleurs du marché secondaire du travail (document 2), soit en enélargissant la sphère, c'est-à-dire en faisant basculer les travailleurs les moins qualifiés du marché primaire vers le marché secondaire.Ensuite, la flexibilité du travail peut être qualitative et concerner le contenu du travail, Le développement de la polyvalence va dans ce sens.

Des travailleursautonomes et possédant plusieurs compétences rendent l'organisation du travail plus facile et plus efficace.

Ils peuvent être facilement déplacés d'une tâche à l'autre,ce qui réduit le coût des changements d'organisation ou de produit.

Les remplacements et la petite maintenance sont en général incorporés dans leurs tâches, géréesde manière autonome au sein d'une équipe.

Le poids de l'encadrement s'en trouve réduit ainsi que les effectifs des équipes de maintenance pure, qui vont se consacreraux gros entretiens ou aux grosses pannes.

Cette forme de flexibilité comporte des avantages évidents pour l'entreprise, mais n'est pas sans inconvénient pour lessalariés, ni d'ailleurs sans contrainte pour l'entreprise.

La polyvalence, en multipliant les compétences, intensifie aussi le rythme de travail puisque des tâches nonproductives y sont incorporées, en plus des tâches ordinaires de fabrication.

Le fonctionnement en équipe, s'il confère une plus grande autonomie aux travailleurs etallège la pression de la hiérarchie, a aussi son revers de la médaille.

La pression ne disparaît pas, elle change de forme : les opérateurs sont responsables des délais defabrication, de la qualité des produits, de l'organisation interne des équipes.

Pour désigner cette forme de mise en responsabilité des salariés, on parle de« management par le stress », pour indiquer que la pression qui pesait sur les managers s'est déplacée vers les opérateurs.

Le développement de cette forme deflexibilité rencontre donc des limites en termes de capacité des salariés à supporter le stress supplémentaire qu'il induit, avec des conséquences en termes de troublespsychologiques, de répercussion du stress sur la santé et de mal-être au travail.

Il faut enfin noter que, du point de vue de l'intérêt bien compris de l'employeur, cetteforme de flexibilité n'est pas compatible avec de hauts degrés de flexibilité externe : comment obtenir d'un salarié une implication maximale tout en lui laissantsupposer qu'il n'a que peu de chances de rester longtemps au sein de l'entreprise (document 3) ? Parce que la flexibilité du travail réduit le coût du travail, directement quand elle porte sur les rémunérations, ou indirectement quand elle améliore la productivité dutravail, elle peut être favorable à l'emploi à court terme en stimulant la demande de travail des entreprises et à long terme en permettant d'améliorer leur compétitivité.Ces effets positifs peuvent cependant être contrebalancés par la fragilisation de la demande de biens et services induite par la montée de la précarité ou la réductiondes rémunérations.

Sans compter que le développement de la flexibilité qualitative du travail a aussi ses inconvénients propres.

L'effet final dépendra donc de lamanière dont ces différents effets vont se combiner.

Dans un contexte économique où la consommation tend à s'essouffler, comme c'est le cas en France, il est àcraindre que les effets négatifs puissent l'emporter.

Le développement de la flexibilité du travail ne produirait alors pas d'amélioration de la situation de l'emploi.L'amélioration de la situation de l'emploi, y compris la réduction du chômage, ne pourra être obtenue par la seule flexibilisation du marché du travail.

La productionest avant tout réalisée pour être vendue et, dans ce cadre, l'évolution de la demande intérieure et de la position de la France dans les échanges internationaux comptetout autant, sinon plus.. »

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