CHARLEMAGNE d'Eginhard

CHARLEMAGNE. Personnage vite légendaire (poèmes d'Alcuin, Vie de Charlemange d'Eginhard), Charlemagne apparaît comme le héros dominant de la littérature française et même européenne avant la Renaissance : son règne sert à situer, à justifier ou à critiquer l'action des héros qui le servent ou se révoltent. Tout un cycle du roi s'est donc établi, du xie au xve s., constituant, en désordre, une biographie fabuleuse de l'empereur. L'histoire de ses parents est contée dans Berthe au grand pied; sa jeunesse dans Mainet, son mariage dans la Reine Sebile. Ses guerres d'Italie sont évoquées dans Aspremont et dans Oti-nel; ses voyages en Orient dans Simon de Pouille. Mais ce sont ces campagnes d'Espagne qui ont le plus marqué la légende : la substance en est rassemblée dans l’Historia Karoli Magni du Pseudo-Turpin. Fierabras, Gui de Bourgogne et surtout la Chanson de Roland se rattachent à ce cycle espagnol. Sa lutte contre les Saxons fait le sujet de la Chanson des Saisnes. L'idée liée au souvenir de son action politique contribue à cette gloire légendaire, mais aussi le sentiment de rénovation culturelle qui a marqué son règne, préludant à un retour des belles-lettres dont la littérature française est, dans une certaine mesure, le fruit, après

le rétablissement de la littérature en latin. L'image, d'ailleurs popularisée par l'iconographie, de l'empereur à la barbe fleurie fait de lui la figure paternelle par excellence (bien qu'il soit parfois soupçonné d'inceste avec sa sœur Gisèle, d'où la naissance de Roland). Son image s'altérera cependant avec l'affadissement de l'idéal religieux et la contestation féodale du pouvoir monarchique : le monarque désinvolte du Pèlerinage de Charlemagne à Jérusalem (xiie s.) finira en vieillard grincheux (le Roland amoureux de Boiardo ; le Roland furieux de l'Arioste) et burlesque [Mor gant, 1481, de Pulci).