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Beaumarchais: Le Mariage de Figaro

Publié le 08/01/2020

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beaumarchais

La question a déjà été abordée partiellement ci-dessus. Toutefois, si l’espace ne pose comme problèmes que ceux de sa fragmentation en sous-espaces et si la dramaturgie de Beaumarchais consiste à l’occuper au maximum et à en tirer toutes les possibilités, sur le plan du jeu (on s’en sert pour se cacher, pour s’enfermer, pour s’enfuir, etc.), il n’en va pas de même du temps : au temps de l’action proprement dit; il faut en effet ajouter le passé des personnages (que le spectateur peut connaître, puisque Le Barbier de Séville lui a déjà raconté l’histoire de Figaro, le barbier, qui a servi le désir du comte Almaviva pour la belle Rosine, devenue sa femme, alors que son tuteur, Bartholo, voulait la garder pour lui) ; ce passé peut même être très éloigné : Figaro, enfant perdu, retrouve ses parents dans la pièce ; il peut être aussi plus récent : c’est, pour la comtesse, le souvenir de ses années de bonheur avec le comte, qui lui est aujourd’hui infidèle. C’est un des points les plus originaux de la pièce, qui se révèle tentée par le roman. Et, en effet, la trilogie de Beaumarchais raconte la vie de Figaro, comme un roman picaresque* pourrait la raconter; seulement, il préfère la mettre en scène.

Quant au temps «historique», il est celui.de Beaumarchais : au château d’Aguas Frescas (les eaux fraîches), on vit comme dans un château français du xviiie siècle. Il règne une grande aisance, on voit beaucoup de domestiques, le comte est un très grand seigneur, qui dispose des prérogatives des nobles de son temps, comme celle de rendre la justice. Et il n’a renoncé qu’hypocritement à ce «droit du seigneur» dont Michelet rappelle l’origine féodale. La pièce raconte donc un moment de la vie ordinaire dans un château dont les maîtres vont marier leurs serviteurs.

comte - qui n’aura pas Suzanne - et garder Chérubin au château, en dépit des ordres du comte. Mais Chérubin va tout compliquer : tandis qu’il est dans la chambre de la comtesse, où Suzanne, pour le cacher, entreprend de le déguiser en fille, et où Chérubin n’hésite pas à faire la cour à la comtesse, le comte vient frapper à la porte de sa femme ! Panique générale ! Il faut que Chérubin saute par la fenêtre, que Suzanne et Figaro déploient des trésors d’invention pour calmer la colère jalouse du comte, le tout malgré l’intervention fâcheuse du jardinier Antonio qui a vu le page sauter par la fenêtre ! À la fin de l’acte II, le comte sent bien qu’il a été trompé, mais il n’a pas de preuves : en revanche, il pourra se servir de Marceline, venue rappeler ses « droits » sur Figaro.

Acte III

Le comte et Figaro tentent de se piéger mutuellement : le comte comprend qu’on se moque de lui, d’autant plus que Suzanne, qui croit l’avoir trompé en faisant semblant de lui accorder un rendez-vous, lui révèle étourdiment sa ruse. Furieux, Almaviva décide de se venger en obligeant Figaro à épouser Marceline : on va donc plaider, puisque le comte est tout-puissant sur ses terres et que c’est lui qui rend la justice. Au moment où le comte croit avoir gagné, un coup de théâtre se produit : on découvre que Figaro est le fils de Marceline... qu’il ne peut donc épouser, et qui lui fait cadeau de l’argent qu’elle lui avait autrefois prêté.

Acte IV

Même si le père de Figaro, le grincheux docteur Bartholo, finit par accepter d’épouser Marceline et si Suzanne et Figaro semblent maintenant promis l’un à l’autre, tout le monde sait que le comte n’a pas dit son dernier mot. La comtesse expose alors son plan : c’est elle qui se rendra, sous les habits de Suzanne, au rendez-vous que cette dernière avait accordé au comte. Elle espère ainsi reconquérir son époux. Mais Figaro n’est pas au courant de la supercherie : il se croit trahi par Suzanne et confie son chagrin à sa mère.

Acte V

Le rendez-vous doit avoir lieu «sous les grands marronniers» : c’est là que se rend Figaro, à la fois pour confondre Suzanne et pour faire un bilan très amer de sa vie dans un long monologue (V, 3). Mais la nuit et les déguisements provoquent une série de joyeux quiproquos, grâce auxquels tout rentre dans l’ordre : croyant séduire Suzanne, le comte fait la cour à sa propre femme, tandis que Figaro, qui pense dénoncer à la comtesse les agissements de son mari et de Suzanne, dit tout à Suzanne, déguisée en comtesse. Chérubin se mêle encore d’ajouter un peu plus de confusion, mais tout se termine dans la joie.

beaumarchais

« LA FICHE DE LECTURE llTTÉRAIRE de Î~cte III, scène où se célèbre le double mariage de Bartholo avec Marceline et de Figaro avec Suzanne, sur un air de fandango, tandis qu'à la scène suivante Bazile (qui est maître de clavecin) chante en s'accompagnant à la guitare.

Enfin, la dernière scène de la pièce est un ballet général et s'achève sur un couplet célèbre: «Tout finit par des chansons».

A la gaieté se mêle aussi le sérieux : Beaumarchais fut un ardent défenseur du «drame bourgeois» ou du «genre dramatique sérieux» et certains aspects du Mariage de Figaro en relèvent.

Par exemple, il contient une scène touchante de «reconnaissance» entre un fils et sa mère, scène classique dans le genre sérieux et qui est presque toujours pathétique: c'est la scène 16 de l'acte III.

Mais elle est traitée ici d'une façon plus légère et elle met fin à une situation au bord, cette fois, de la tragédie: Figaro a failli épouser sa mère (Marceline) et, bien qu'il n'ait songé à assommer son père (Bartholo) que pour rire, il n'en ressemble pas moins à un ...

vilain petit Œdipe.

Enfin, la pièce a une dimension satirique vive et elle peut apparaître à nos yeux comme une pièce engagée, ce que confirment du reste les six censures qu'elle a subies avant de pouvoir être représentée.

Quant à la question du titre, il est légitime de la poser, puisque Beaumarchais l'aborde lui-même dans la préface de sa pièce.

Le titre retenu est double : La folle Journée ou Le Mariage de Figaro.

Mais, nous dit la préface «son véritable titre» était: ]}Époux suborneur.

Or, aucun de ces trois titres ne laisse attendre au spectateur la même pièce.

VÉpoux suborneur (suborner, dans la langue classique, c'est détourner quelqu'un du droit chemin) entraînait sur la piste du drame sérieux et mettait le comte Almaviva (c'est lui, homme marié, qui veut séduire Suzanne) au premier plan; l'accent était mis sur la dimension morale et la pièce pouvait se comprendre comme une condamnation des grands seigneurs méchants hom­ mes.

La folle Journée entraîne sur une piste plus directement dramatique (au sens étymologique, drama : mouvement) : ce titre souligne l'incroyable prouesse qui consiste à faire tenir en une seule journée (contrainte classique de l'unité de temps, dont la pièce souligne ainsi l'arbitraire) une pareille quantité d'événe­ ments et annonce le rythme étourdissant d'une intrigue en effet folle.

Le Mariage de Figaro, enfin, est un titre explicite : il indique le sujet de la pièce, mais en annonçant que c'est du mariage d'un valet qu'on va parler, il montre aussitôt le caractère iconoclaste de la pièce.

Dans la tradition, en effet, les valets peuvent être les héros de la comédie (par exemple, Les Fourberies de Scapin) mais parce qu'il.s font rire et non parce qu'ils ont des émotions et une dignité proprement humaines.

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