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Ceci n 'est pas un conte; Madame de La Carlière; Supplément au Voyage de Bougainville de Diderot

Publié le 22/11/2018

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Ceci n 'est pas un conte; Madame de La Carlière; Supplément au Voyage de Bougainville

 

Des contes, Diderot en écrit une série particulièrement significative en 1772. Cette année-là, il vient de lire la relation du voyage de Bougainville autour du monde. C’est le sujet à la mode, d’autant que le navigateur avait ramené un Tahitien à Paris. L’un des intérêts de cette série est d’éclairer le processus créateur chez Diderot : aussitôt terminée la lecture, à la fin de 1771, du récit de Bougainville, il en donne un compte rendu à la Correspondance littéraire de Grimm, sous forme d’un court article. Les deux thèmes dominants (bonté naturelle et liberté sexuelle à Tahiti) lui inspirent contradictoirement les deux brefs récits de Ceci n'est pas un conte, qui illustrent l’un la méchanceté féminine, l’autre la méchanceté masculine, et l’histoire de Madame de La Carlière, qui montre les effets absurdes d’une conception stricte du mariage. Un dialogue philosophique, sous le titre Supplément au Voyage de Bougainville, tire les conclusions des récits romanesques déjà dialogués, précisant l’opposition entre le code naturel qui fait le bonheur de Tahiti et les codes civil et ecclésiastique, qui consacrent l’antinature européenne. Antinature qui, au fur et à mesure du passage des voyageurs, corrompt la vie naturelle des Tahitiens, leur inspirant « besoins factices » et « vertus chimériques ». D’où une critique du colonialisme, en liaison avec les pages que Diderot écrit au même moment pour l’Histoire des deux Indes de l’abbé Raynal. Tout s’enchaîne, interfère, se complète, un et multiple à la fois.

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« Powered by TCPDF (www.tcpdf.org)Le Supplément au Voyage de Bougainville.

« ceci n'est pas un conte » ? Lorsque Diderot écrit le Supplément au Voyage de Bougainville, il le conçoit comme la conclusion d'un triptyque dont les deux premiers textes sont Ceci n'est pas un conte et Madame de La Carlière.

En tête du manuscrit de Ceci n'est pas un conte, on trouve écrit : « Le conte qu'on va lire est de M.

Diderot, il sera suivi de plusieurs autres du même auteur.

On ne verra qu'àla fin du dernier la morale et le but secret qu'il s'est proposé.

» De plus, à la fin du Supplément, A et B font référence à des personnages des deux autres contes : M me Reymer et Tanié, Gardeil et Mlle de la Chaux apparaissent dans Ceci n'est pas un conte, alors que Madame de la Carlière donne son nom au deuxième conte (pp.

95-96).

On peut donc considérer le Supplément dans l'ensemble du triptyque.

Reste à savoir si le Supplément est un conte, comme Diderot-semble lui-même le considérer. I.

Le Supplément, conclusion d'un triptyque Les deux autres textes Ceci n'est pas un conte met en parallèle le destin de deux couples.

Ce texte raconte l'histoire du « bon Tanié », amoureux de M me Reymer, mais trop pauvre pour subvenir aux besoins de cette femme habituée au luxe par ses précédents amants. Parti faire fortune dans les îles, il en revient après une dizaine d'années.

Elle le presse alors d'accepter un autre poste auloin.

Tanié comprend qu'elle poursuit seulement la richesse (alors qu'elle est elle-même très riche), mais accepte pourtantde repartir.

Au désespoir, il meurt quelques jours après son départ.

Vient ensuite l'histoire de Gardeil et de Mlle de laChaux.

Le premier est l'amant de la seconde, qui lui sacrifie tout, sa famille, son argent et son temps, qu'elle passe à fairedes traductions pour l'aider.

Mais Gardeil bientôt la quitte, la laissant dans le plus complet dénuement : Mlle de la Chauxfinit sa vie dans le malheur et la pauvreté.

Madame de la Carlière raconte l'histoire de Desroches, homme de moeurs légères, qui tombe amoureux de la jeune et belle veuve Mme de la Carlière.

Celle-ci accepte de l'épouser, à la conditionque jamais il ne la trompera.

Desroches le jure de bonne foi, et tient parole quelques années, mais finit par renouer avecune ancienne maîtresse.

Sa femme l'apprend, le quitte et s'enferme dans une tristesse hyperbolique.

Leur fils meurt, suivipar sa grand-mère, et enfin par M me de la Carlière, laissant Desroches accablé par le malheur. Le Supplément dans le triptyque Les trois textes partagent à la fois une forme et des thèses communes.

Ce sont tous trois des dialogues, si bien que lelecteur a l'impression de lire une seule et même conversation, qui prend tour à tour ces histoires pour objet, jusqu'au «Supplément » de Bougainville (la continuité est pourtant fragilisée par l'apparition des lettres A et B dans le Supplément). Au-delà de cette ressemblance formelle, les trois textes défendent une seule et même thèse, qui n'est formulée que dansle dernier volet, le Supplément.

La fin de Madame de la Carlière opère la transition avec ce troisième texte, et commence à formuler la thèse qui y sera développée ; un interlocuteur affirme en effet regarder certaines actions «moins comme des vices de l'homme que comme des conséquences de nos législations absurdes, sources demœurs aussi absurdes qu'elles, et d'une dépravation [...] artificielle ».

Les deux premiers textes dutriptyque sont donc des exemples de « l'inconvénient d'attacher des idées morales à certaines actionsphysiques qui n'en comportent pas » : à travers les désastreuses histoires amoureuses qu'ils rapportent,c'est une illustration des méfaits de la morale civilisée sur la sexualité et sur les hommes que livre Diderot,avant même d'en formuler la thèse.

Convaincu par le versant pratique qu'il aura lu auparavant, le lecteuracceptera plus facilement le versant théorique qu'il s'apprête à lire avec le Supplément. Il.

La question de la fiction La fiction sous-jacente Le fait de rapprocher le Supplément de deux autres textes, que Diderot désigne comme des contes, nous amène alors à nous interroger sur la nature générique du dernier volet du triptyque.

En effet, tout nouspousse à croire que le Supplément pourrait n'être qu'un conte, autrement dit qu'une fiction : A demande à B s'il ne « donner [ait pas] dans la fable d' Otaïti » (p.

37), puis si l'histoire de Polly Baker n'est pas « un conte» de l'invention de B (p.

69).

Autrement dit, le Supplément laisse entendre, sur un mode ironique, qu'il est un « conte », une « fable » inventée par Diderot pour illustrer ses théories morales et politiques.

La forceargumentative n'est en rien altérée, puisque la fiction apparaît ici comme un moyen de dire la réalité.Diderot use donc d'un subterfuge, et c'est d'ailleurs en ce sens qu'il faut entendre le titre énigmatique dupremier texte du triptyque, Ceci n'est pas un conte.

Certains de ses personnages ont certes existé (c'est le cas par exemple de Gardeil), mais d'autres sont pure invention de Diderot, ce qui suffit à en faire un conte.Pourquoi alors n'est-ce pas le cas ? Pourquoi un conte n'est pas un conte ? Parce qu'il dit la réalité et non lafiction : par ce titre, Diderot met en garde son lecteur qui voudrait réduire le texte à la fiction.

Ce queraconte le triptyque n'est pas seulement un conte, c'est aussi et surtout le monde réel dans lequel vit lelecteur. Des apologues Si le Supplément se rapproche donc du conte, c'est qu'il relève de la logique argumentative de l'apologue.

Le texte multiplie ainsi les brèves narrations destinées à illustrer une thèse, comme l'épisode de Miss PollyBaker (pp.

67-69) ou encore l'allégorie de l'homme naturel et de l'homme artificiel (pp.

91-93).L'argumentation se fait alors indirecte, la thèse, passant par une narration pour s'expliciter.

Cela permet àDiderot de distraire son lecteur tout en l'amenant à remettre en cause les moeurs civilisées, mais cela luioffre surtout l'occasion d'argumenter en dehors de la forme trop contraignante et trop systématique dutraité.

Par le dialogue et l'apologue, Diderot confirme sa volonté de donner une œuvre philosophiquecomplexe, mais toujours distrayante.. »

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