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CHOSES (les) de Georges Perec (analyse détaillée)

Publié le 22/10/2018

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CHOSES (les). Une histoire des années soixante. Récit de Georges Perec (1936-1982), publié à Paris chez Julliard en 1965. Prix Théophraste-Renaudot.

 

Première partie. Jérôme et Sylvie, vingt-quatre et vingt-deux ans, sont psychosociologues et vivent à Paris dans un appartement charmant mais minuscule. Leur découverte de l’argent et de son pouvoir les entraîne à construire un système de valeurs fondé sur la consommation, le luxe, le paraître, et les conduit à une « espèce d’acharnement minable qui [va] devenir leur destin ». Leurs discussions entre amis, leur course effrénée à la recherche de vêtements, de meubles, de bibelots, le cinéma, les repas ou beuveries partagés, les installent dans un bonheur factice, précaire. Ils savent qu’il leur faudra choisir, s'installer, accepter l’idée d’un travail sédentaire pour satisfaire leur soif de luxe, mais ne s’y résolvent pas, la guerre d’Algérie leur permettant de faire artificiellement durer cette situation provisoire. Jusqu’au jour où l'ennui les gagne, où les rêves de fortune miraculeuse les lassent, où leur vision d'un bonheur tout juste possible ou pressenti les écrase.

 

Deuxième partie. Ils décident, en guise de fuite, d’accepter chacun un poste d’enseignant en Tunisie : nouvel échec de leur rêve de bonheur. Huit mois d’isolement, d'apathie, de manque d'aisance financière, d'absence de curiosité les ramènent en France. Sans la «frénésie d'avoir» qui « leur avait tenu lieu d’existence », ils perdent pied.

 

Épilogue. À Paris, leur vie retrouvée, et avec elle leur soif de parvenir, finira par les pousser à accepter un poste confortablement rémunéré à Bordeaux Ainsi posséderont-ils enfin les signes extérieurs de richesse si longtemps convoités.

 

Avec ce premier ouvrage, bref, dense, et d'une grande originalité, Georges Perec fit une entrée remarquée sur la scène littéraire. Sous un titre plus neutre qu'énigmatique, il propose une réflexion sur la possibilité de bonheur

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'-oJJ dans notre société de consommation.

Et s'il critique cette société placée sous le règne des "choses,., c'est parce qu'elle tend à opérer une confusion entre la vérité des êtres, de leur bo n­ heu r, et les signes de la réussite mat é­ rielle.

L'originalité de ce livre -qu'il parait difficile de qualifier de r oman tant l'auteur s'est gardé d'y inclure la moin­ dre épaisseur romanesque -tient au fait que la critique n'adopte pas le ton de la dénonciation mais celui du co nstat, distant et ironique.

Juxtapo­ s ant des phrases presque sèches dans leur brièveté, évitant toute redon­ dance, toute élégance trop littéraire, Perec décrit avec un e attentio n d'ento­ mologiste -ou de sociologue qu'il est­ les rêvès, les visions hallucinées (voir la description du pay s d'abondance qui clôt la premi ère partie) de ses deux héros sans jamais préciser leurs senti­ ments, leur psychologie : ils ne sont que ce qu'ils ont, ce qu'ils convo itent, ce qu'ils auront.

Pour ce faire, il construit son récit autour d'inventaires qu'il détaille jusqu'à la maniaquerie parfois.

Dans un même chapitre, voire dans un même paragraphe, il analyse le comportement des personnages puis opère une synthèse de ses observations pour en tirer des conclusions ellipti­ ques sous forme d'un énoncé de vérité généra le.

Com me chez Flaubert, dont on retrouve parfois ici les tours ou les rythmes, Perec analyse donc la société où il vit sur le mode de la distance criti­ que, son narrateur se re tranchant volontiers par exemple de .rriè re l'ano­ nymat du "o n"· Et la dimension réa­ liste ou la dimension critique ne sau­ raient être exagérément privilégiées : si le récit de Perec donne une reproduc­ tion fidèle de la société de consomma­ tion et des leurres qu'elle entretient, l'auteur reste avant tout un écrivain, qui organise volontiers un jeu de cache-cache .

avec ses illustre s prédé ces­ seurs (dès les premières pages du livre se glissent pa.r exemple quelques clins d'œil à Flaubert, à Baudelaire ou à Mal­ larmé) qu'il pastiche pour poursuivre plus avant son exploration des formes narratives et son travail sur les structu­ res formelles du récit.

n n'hésite pas, notamment, à insérer son récit au passé entre une longue description au conditionne l (chap.

1) e t un épilogue au futur.

Ainsi rejoint-il les préoccupa­ tions des nouveaux romanciers, d'un Robbe-Grillet par exemple, lorsqu' il définit les êtres par l'univers qui les e ntoure.

Par ce jeu de références sur lequel il s'appuie (et que souligne l'e ncadre­ ment du texte par les citations de Mal­ colm Lowry et de Karl Marx), par la superposition de diverses techniques narratives, Georges Perec fait de l'écri­ ture même un ensemble de signes à décrypter, comme l'est aussi l'univers des" choses».. »

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