CONSIDÉRATIONS SUR LES CAUSES DE LA GRANDEUR DES ROMAINS ET DE LEUR DÉCADENCE, 1734. Montesquieu (Charles-Louis de Secondât, baron de La Brède et de)

Cette histoire de Rome, composée dans la bibliothèque du château de La Brède à partir de 1732, n'est que prétexte, pour l’auteur, à s’interroger sur les causes générales - soit morales, soit physiques — qui président aux destinées de chaque monarchie, l’élèvent, la maintiennent, la précipitent. Le choix de Rome n'est pas innocent: son histoire fait aussi partie de l'histoire de France. De plus, Rome est un modèle à travers lequel on peut voir le règne de Louis XV

Pour Montesquieu, l’histoire est rationnelle; le passé revit dans le présent, et l'expérience de l’histoire peut éclairer l’actualité. Il existe en effet des constantes historiques dues non pas, comme le pensait Bossuet, à l'intervention de la providence divine, mais à des causes générales purement terrestres. Une cause générale résulte de plusieurs forces; s’y ajoutent les causes particulières qui retardent ou précipitent l'effet des causes générales. On peut dire ainsi que la décadence de Rome n'est pas le fait du hasard : elle trouve son origine dans la civilisation romaine elle-même. La grandeur de Rome a duré tant qu'elle est demeurée fidèle à ses valeurs — amour du travail, de la patrie, de la liberté et de la sagesse. L'excès de la grandeur de Rome, l’éloigne-ment de l'armée, la mauvaise répartition des