Considérations sur les causes DE LA GRANDEUR DES ROMAINS ET DE LEUR DÉCADENCE. Essai de Charles-Louis de Secondât, baron de Montesquieu
Publié le 22/10/2018
                            
                        
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                                Considérations sur les causes DE LA GRANDEUR DES ROMAINS ET DE LEUR DÉCADENCE. Essai de Charles-Louis de Secondât, baron de Montesquieu (1689-1755), publié sans nom d'auteur à Amsterdam chez Desbordes en 1734. L'ouvrage, le plus célèbre de Montesquieu après les Lettres persanes et De l'esprit des lois, connut six éditions de 1734 à 1746. L'édition définitive date de 1748.
Les Considérations couronnent une constante méditation sur l'histoire romaine, ponctuée par le Discours sur Cicéron (1709 ?), la Dissertation sur la politique des Romains dans la religion (lue à l'académie de Bordeaux en 1716, éditée en 1799), le mémoire perdu sur la Sobriété des habitants de Rome comparée à l'intempérance des anciens Romains (1732), et poursuivie tout au long de l'Esprit des lois. Mais on n'oubliera pas que les Considérations sont contemporaines des Réflexions sur la monarchie universelle en Europe (publiées en 1891) et d'une analyse de la Constitution anglaise. Leur sens est donc autant politique qu'historique : un retour à l'Empire romain est impossible dans l'Europe moderne.
L'ouvrage va, en vingt-trois chapitres, des « commencements de Rome » au seuil de la destruction de l'Empire d’Orient : «Je n'ai pas le courage de parler des misères qui suivirent [le renforcement des Turcs sous Bajazet] : je dirai seulement que, sous les derniers empereurs, l'Empire, réduit aux faubourgs de Constantinople, finit comme le Rhin, qui n'est plus qu'un ruisseau lorsqu'il se perd dans l’Océan » (fin du dernier chapitre). Méditation sur les causes qui menèrent une ville à l'empire du monde, et l'empire du monde à une ville, les Considérations, on le voit sur ce court extrait, sont aussi un magistral exercice de « style romain » (Voltaire), où se forge l'instrument de l'Esprit des lois.
D'Alembert a parfaitement résumé la trame des Considérations, par ce qu'il appelle « l'étude réfléchie de l'Histoire », entendons l'histoire philosophique, qui fuit l'accumulation érudite des « détails » au profit d'« un grand nombre d'objets distinctement aperçus et rapidement présentés sans fatigue pour le lecteur ». « C'est sous ce point de vue qu'il faut envisager l'ouvrage de Montesquieu. Il trouve les causes de la grandeur des Romains dans l'amour de la liberté, du travail et de la patrie [...] ; dans la sévérité de la discipline militaire ; dans ces dissensions intestines qui donnaient du ressort aux esprits, et qui cessaient tout à coup à la vue de l'ennemi ; dans cette constance après le malheur, qui ne désespérait jamais de la République ; dans le principe où ils furent de ne faire jamais la paix qu'après des victoires ; dans l'honneur du triomphe, sujet d’émulation pour les généraux ; dans la protection qu'ils accordaient aux peuples révoltés contre leurs rois ; dans l'excellente politique de laisser aux vaincus leurs dieux et leurs coutumes ; dans celle de n'avoir jamais deux puissants ennemis sur les bras, et de tout souffrir de l'un jusqu'à ce qu'ils eussent anéanti l'autre. Il trouve les causes de leur décadence dans l'agrandissement même de l'État, qui changea en guerres civiles les tumultes populaires ; dans les guerres éloignées qui, forçant les citoyens à une trop longue absence, leur faisaient perdre insensiblement l'esprit républi-
cain ; dans le droit de bourgeoisie accordé à tant de nations, et qui ne fit plus du peuple romain qu’une espèce de monstre à plusieurs têtes ; dans la corruption introduite par le luxe de l'Asie ; dans les proscriptions de Sylla, qui avilirent l'esprit de la nation et la préparèrent à l'esclavage ; dans la nécessité où les Romains se trouvèrent de souffrir des maîtres,
                                «
                                                                                                                            renforcemen	t des 	T ures 	sous 	Bajazet) 	: je 	dirai 	seulement 	que, 	sous 	les 	dern	iers 	empereurs, 	l'Empire, 	réduit 	aux 	faubourgs 	de Constantinople, 	finit 	comme 	le Rhin, 	qui 	n'est 	plus 	qu'un 	ruisseau 	lorsqu'il 	se 	perd 	dans 	l'O	céan 	» (fin 	du 	dernier 	chapitre).
                                                            
                                                                                
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                                                                     ] 	En 	laissant  beau
coup  voir 	il laisse  encore  plus 	à penser, 	
et 	il aurait 	pu 	intituler  son llvre  : 	His	
toire romaine , 	à 	l'usage  d	es 	hommes 
d 'État  et 	
des 	philos	ophes,.
                                                            
                                                                                
                                                                     (d 'Alembert, 	
Élog	e de 	Montesquieu).
                                                            
                                                                                
                                                                    	
L'expansion  romaine met donc 	en 	
œuvre  la totalité  d'	un 	fo ncti onneme	nt 	
social,  où les  visées  réfléchies 	se 	conju
guent  aux effets  involontaires  (par 
exemple,  l'effet para.doxalement  béné
fique  des dissensions  intérieures).
                                                            
                                                                                
                                                                    
C'est 	
évidemme	nt 	sur cette  notion  de sys
tème  social ordonné 	
par 	une  logique 
interne  que reposera  la construction  de 
l	
'Es	prit 	des 	lois.
                                                            
                                                                                
                                                                    	Mais 	l 'expansionnisme 
de  Ro me , produit  obligé de sa structure 
particulière,  se renverse  quasi fatale
ment 	
en 	logique  de décadence  quand 
la  conq uête  détruit  les causes  de la 
conquête.
                                                            
                                                                                
                                                                    
Rome 	fournit  le cycle  gran
diose 	
d'u n 	parcours  politique  complet, 
de  la monarchie 	
à la  république  et au 
despotisme,  où l'Histoire  peut, comme.
                                                                                                                    »
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