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Critique littéraire Le château des cœurs, 1863 Gustave Flaubert, Charles d’Osmoy, Louis Bouilhet

Publié le 23/05/2023

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« Critique littéraire Le château des cœurs, 1863 Gustave Flaubert, Charles d’Osmoy, Louis Bouilhet Flaubert compose Le château des cœurs en 1863, en collaboration avec Charles d’Osmoy et Louis Bouilhet.

On connait Flaubert pour son talent dans la dilatation des caractères romanesques, mais quand est-il du style théâtral, qui se réclame plutôt de la condensation ? L’auteur, qui fait habituellement preuve d’une extrême rigueur et exigence stylistique, a expédié cette pièce en deux mois et demi.

Cette féérie est comme un passe-temps, entre Salammbô et l’Education Sentimental, travaux sérieux quant à eux, pour Flaubert.

Ainsi l’auteur semble se prêter au jeu de l’écriture théâtrale, tout en sachant que le style dramaturgique, « pétillant comme de l’eau de seltz », n’est pas son fort.

Il opte pour une féérie, genre très en vogue, mêlée d’hyperréalisme.

Les fées et les gnomes cohabitent avec les petits bourgeois du XIXe, que Flaubert se plait à critiquer dans leur médiocrité.

La prétention d’un monde onirique est donc factice, car si les lieux, les décors, et les costumes tendent vers le merveilleux, c’est la satire de la société bourgeoise du XIXe qui prime. Une tentative de réformation de l’écriture dramatique Si Flaubert a pu écrire prestement cette pièce, c’est parce qu’il est libéré des contraintes romanesques.

La forme dramatique est pour lui un vaste terrain d’expérimentation, qui permet la déconstruction du canevas classique, pour refonder sa propre esthétique théâtrale.

Le roman a des exigences singulières.

Il demande entre autres une réelle cohérence, concernant la psychologie des personnages, leur évolution, le cadre fictif.

Le théâtre, centré sur l’action scénique, est bien moins contraignant.

Ainsi, Flaubert déconstruit la linéarité de la fable, en composant dix tableaux, sans lien apparent.

La trame est simple, et constitue paradoxalement un élément secondaire de la pièce : deux amants au cœur pur, désignés par les fées, doivent libérer les cœurs des hommes, dont les gnomes sont détenteurs.

Flaubert joue avec les clichés du genre féérique.

Cet argument, cependant, est un prétexte pour critiquer la médiocrité des hommes, qui sont les personnages principaux de la pièce.

Ce sont bien eux qui font l’action, et non les personnages doués de pouvoirs surnaturels, qui sont de simples adjuvants ou opposants.

La trame permet de donner une direction à la pièce : sans surprise, on connait l’issue, qui sera la libération du château des cœurs par les amants.

Il n’y a pas de véritables péripéties : le réel sujet de la pièce est la découverte des vices et vertus de l’humanité par les héros, Paul, le romantique et sensé, et Jeanne, la tendre et naïve.

Ainsi, les tableaux sont des sortes de stations qui permettent le parcours initiatique des personnages.

Flaubert écrit donc la pièce comme un romancier, mettant l’accent sur la critique du monde bourgeois, et non la succession logique des scènes.

La progression de l’intrigue importe peu.

Le monde merveilleux, composé de décors, lieux et personnages fantaisistes et invraisemblables, apporte cependant une certaine logique, car c’est lui qui donne la direction de la pièce, qui se conclue par l’apothéose classique.

Les règles du théâtre classique sont totalement déconstruites : le temps semble s’allonger sur plusieurs jours, à l’image des pièces baroques, les lieux sont multiples, et plusieurs intrigues se mêlent à celle principale.

Les quatre premiers tableaux sont consacrés au monde des hommes (la province rurale, le cabaret parisien, chez le banquier Kloekher, l’appartement miteux de Paul à Paris).

Les tableaux cinq à sept sont une plongée des héros dans un monde fantaisiste (l’île de la toilette, le royaume du pot-au-feu, les états de Pipempohé), et les trois derniers tableaux sont un retour dans le monde des hommes, changé par le merveilleux (forêt périlleuse, banquet des gnomes, fête du pays).

Ainsi, les tableaux centraux préparent la mutation du monde humain par celui onirique.

Le genre « féérique » de la pièce n’est pas si défini, puisque les premières scènes, notamment celles chez le père thomas ou le banquier Kloekher, ressemblent plutôt à des comédies réalistes.

Les gens de théâtre, en revanche, aiment les genres bien définis.

L’esthétique hybride de cette pièce joue plutôt en sa défaveur, car elle complique la mise en scène.

Flaubert grossit les défauts des paysans et des bourgeois, les uns prêts à sacrifier leur fille Jeanne pour gagner des terres, les autres coupables de malversations.

Le banquier Kloekher, chez qui se déroule une scène de bal, est coupable de détournements de fonds, et surtout de la ruine du père de Paul, qui l’ignore.

Sa femme, joue de ses charmes pour séduire Paul, qui lui déclare sa flamme.

La scène chez le banquier, s’étend sur seize scènes, ne concourt pas à l’efficacité du projet dramatique.

Elle semble détachée de l’intrigue principale, comme une parenthèse où Flaubert s’amuse à faire dialoguer les bourgeois de son temps, pour en critiquer le manque d’idéal. Ceux-ci font des commentaires sur l’art, les conventions sociales, les affaires et galanterie, donnant à la scène de grands effets oratoires.

Les dialogues sont plus proches de ceux romanesques que théâtraux, qui doivent être condensés, et amener l’action de manière efficace.

Le peu de didascalies employées est significatif de l’éloignement théâtral dans ces scènes où le dialogue est l’élément central.

Il utilise les didascalies sous leur forme minimale : notamment par le gérondif (« saluant », « vivement », « humblement1 »), le participe présent (« irrité2 », « étonné3 ») ou encore des phrases nominales (« à part », « avec stupéfaction et joie », « d’un ton sérieux4 »).

La didascalie principale, qui dépeint le décor du troisième tableau, se veut courte et efficace, avec peu d’éléments : « Chez le banquier Kloekher : un boudoir, portes des deux côtés et au fond.

Pendant la scène, des valets traversent le théâtre, portant des jardinières et des meubles, pour les derniers préparatifs d’un bal 5 ».

Les seules didascalies plus longues de ce tableaux sont celles qui décrivent la vision pour Paul du gnome et de la fée.

Le merveilleux dilate le réel, il créé une sorte de parenthèse féérique dans cette scène mondaine.

Cette scène de comédie pure montre un désir de variété de l’auteur dans le théâtre.

Il ne se contente pas d’un genre unique, comme le voudrait Louis Bouilhet qui préfèrerait se centrer sur un univers fantaisiste.

Flaubert utilise l’écriture dramatique comme faire-valoir de son talent dans la variation, mais aussi dans la capacité de saisir l’essence du théâtre à travers la multiplicité des enjeux qu’il suscite.

Il réalise une sorte d’inventaire de toutes les formes d’écriture possibles au théâtre, mêlant les dialogues et monologues (formes purement dramatiques) aux passages lyriques en prose ou vers, qui permettent la présence du chœur comme à l’antique.

A cela, se mêlent les apartés, conception anti-réaliste du théâtre ainsi que de longue didascalies, véritables peintures du décor.

Il ne se contente pas de didascalies objectives, comme pures indications de mise en scène, mais semble les écrire avec une verve romanesque.

Plus que des descriptions, Flaubert propose une interprétation du décor, comme dans cette peinture des états de Pipempohé : Une musique langoureuse bourdonne.

Les tourbillons des parfums montent lentement ; et la lumière du soleil, passant par les intervalles des roseaux, enveloppe tout d’une atmosphère ambrée.6 Le temps est ici subjectif, avec cette lumière « ambrée », qui ne suggère pas d’heure précise. L’auteur utilise des termes faisant écho aux sens et pas proprement objectifs : « langoureuse », « tourbillons des parfums », « lentement ».

A l’image du roman, c’est tout un univers fictif qu’il suggère.

Le point de vue qu’il donne se rapproche davantage de celui du romancier, qui donne vie à tout un monde dont il est le contemplateur, que du metteur en scène, qui propose une interprétation objective afin d’exposer la scène.

Par ailleurs, Flaubert montre qu’il a compris l’enjeu de la parole, à travers ces formes multiples.

Il fait une véritable 1 Troisième tableau scène I Troisième tableau scène III 3 Troisième tableau scène V 4 Troisième tableau scène IV 5 Troisième tableau scène I 6 Septième tableau scène I 2 dramaturgie de la voix, qui se joue individuellement, ou bien collectivement, qui est agent de communication (dialogues) ou de commentaires (chœurs).

Il créé même un « chœur des brises dans les arbres », passage lyrique en vers, dans la scène II du huitième tableau.

Il peint même un véritable paysage sonore, avec des effets de déplacement de voix, de communion, ou d’individualité.

Dans la scène II du sixième tableau, on trouve les indications suivantes : des voix, les mêmes voix, les voix des hommes, les voix des femmes, tous les bourgeois.

Flaubert s’amuse à chercher le mouvement ou la choralité.

Il utilise la voix comme véritable matériel sonore, qui se mêle à d’autres sons : on trouve dans cette même scène des bruits de fourchettes, couteaux, des rires satisfaits, des gros baisers…etc.

Ces sons hors-scène, ces paroles non adressées, constituent un intérêt théâtral majeur. Les fonctions du merveilleux : redoublement de l’effet comique et salvation de la médiocrité humaine Nous l’avons compris, si le.... »

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