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ETUDE DE LA NOUVELLE HÉLOÏSE DE ROUSSEAU

Publié le 26/06/2011

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rousseau

Nous savons comment Jean-Jacques, au début du printemps 1756, achevant sa « réforme «, s'était retiré à l'Ermitage, dans les bois de Montmorency, pour y mener une vie simple, solitaire et délicieuse. Mais que faire dans ce gîte rustique ? puisqu'il n'avait ni à converser avec Thérèse, ni à cultiver son jardin, ni même, comme aux Charmettes, le latin et l'astronomie à étudier ou les soins de ses pigeons. Point de livres, point de visites ou le moins possible, point d'obligations de métier. Point même d'obligations sentimentales. Thérèse n'est qu'une compagne, peut-être dévouée ou qui le semble, mais fort incapable de comprendre l'Astrée, les idylles de Gessner, et le « langage du cœur «. Il ne reste que la paresse, l'enlisement ou le rêve. C'est vers le rêve que toute la vie intérieure de Rousseau s'élança irrésistiblement.

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« ignorent les petits maîtres comme les académiciens.

Ils veulent nous faire détester le vice et adorer la vertu.

Ilsécrivent des romans comme ils prononceraient des sermons.

Et ce sont ces sermons qui ont ravi les beaux espritsfrançais tout autant que la belle humeur de Tom Jones et le pathétique de Clarisse.

On a lu les romans anglaiscomme on lisait Addison ou Shaftesbury, pour y prendre des leçons de morale, pour y trouver des règles de vie.

Lesromanciers français commencent à se piquer au jeu.

Ils ne veulent plus être accusés de corruption ni même defrivolité.

Sans doute, il y a toujours des lecteurs pervertis et des gens qui les corrompent.

Crébillon le fils, la Mur-fière et d'autres écrivent leurs Sophas et leurs Angolas et les lecteurs ne leur manquent pas.

Mais on commence àne plus avouer qu'on les lit.

On commence, quand on est romancier, à se vanter de ne pas leur ressembler.

Mouhy,l'abbé Lambert, Mme de Graffigny et d'autres écrivent pour a célébrer la vertu ».

Le roman tend à devenir une «école de morale ».Il tend même à devenir une école « de sentiment ».

Le sentiment n'était pas nouveau dans le roman français.

Lestrois quarts des romans qui se publient dans la première moitié du XVIIIe siècle sont des études de sentiment.

Maison l'étudiait pour l'analyser et tout au plus pour le peindre, et non pas pour le partager.

Il fallait saisir les «mouvements du coeur » bien plutôt qu'émouvoir celui des lecteurs.

Le plaisir de la lecture était raisonnable,philosophique et même « géométrique » ; il ne touchait que l'intelligence.

Peu à peu, cependant, on se lasse decette « géométrie ».

Le sentiment qui n'était plus qu'un « sujet de conversations » devient une raison de vivre.Parmi les êtres « tout spirituels » qu'étaient les contemporains du marquis d'Argenson, on découvre des « gens àsentiments ».

C'est pour eux que des romanciers commencent à composer.

Mme Riccoboni, avant la Nouvelle Héloïsepublie les Lettres de mistress Fanni Butlera (1757), l'Histoire de M.

le marquis de Cressé (1758), les Lettres de miladiJuliette Catesby (1759).

Ce ne sont pas des romans romantiques, mais ce ne sont pas non plus des romansromanesques, ni du bel esprit.

On n'y vit que pour aimer, de toute son âme, pour ne goûter la vie que si l'on estaimé.

Le bonheur et le désespoir y gardent d'ailleurs une discrétion de bonne compagnie.

Mais d'autres, avant laNouvelle Héloïse, dédaignent ces réserves.

On commence à vouloir exprimer « la force des passions » et à leur «prêter leur langage s.

On atteste qu'elles ne sont pas vraies si elles ne font pas oublier la prudence et lesbienséances.

On écrit pour « exciter ce tendre frémissement, ces agitations si terribles et en mime temps siagréables pour ceux qui sont dominés par le sentiment ».

Sans doute ces romanciers frémissants sont des gens sanstalent et fort dignes d'être oubliés.

Si l'on en excepte les émouvantes Lettres d'amour d'une religieuse portugaise,que l'on tenait pour un roman et dont le succès ne s'était pas démenti depuis la fin du XVIIe siècle, ils s'appellentGuillot de la Chassagne, Mouhy, Bastide, Baculard d'Arnaud, Mlle de la Guesnerie, etc...

Mais s'ils manquent detalent, ils ne manquent pas d'ardeur et de conviction.

Et tout au long de leurs romans déclamatoires il est curieuxde retrouver sans cesse les déclamations sentimentales, le ton de Rousseau, ses termes mêmes et parfois jusqu'auxformules qu'il a fait voler par les bouches des hommes.

On y savoure le « poison s des passions ; on y passe de «délires » en « frénésies » ; on y connaît les « douceurs funestes », les « amères délices » ; on y exalte et on ymaudit le « fatal présent du ciel ».

Avant Rousseau on y est déjà « tout Rousseau ».Ainsi Jean-Jacques qui avait renié la littérature allait se trouver d'accord avec la littérature.

On ne fait pas une «réforme retentissante, on ne devient pas l'ermite de Montmorency pour publier un roman d'aventures ou pour conterdes amours libertines.

Mais certains des romans qui connaissent le succès sont une école de vertu et une effusiondu coeur.

Jean-Jacques a renoncé à la littérature ; il n'a pas renoncé à la morale.

Il a renoncé, d'autre part, à laphilosophie.

Mais c'est pour mettre le sentiment à la place de la raison philosophique.

Pourquoi n'écrirait-il pas unroman qui ne serait pas un roman, mais une leçon de sentiment et de vertu ? Il est doux de fixer un rêve.

Jean-Jacques est tenté.

La tentation devint irrésistible lorsque le rêve devint une réalité.Brusquement, en effet, il fut rejeté des commodités décevantes du rêve vers les cruelles délices de la vie.

Il n'avaitaimé jusque-là qu'un fantôme.

Le fantôme prit un visage vivant et charmant, celui de Mme d'Houdetot.

Les jeux duhasard envoyèrent, comme on sait, la jeune comtesse chercher asile à l'Ermitage de Jean-Jacques alors que soncarrosse avait versé dans la boue.

Elle revint une autre fois, à cheval, en costume de cavalier.

Cette Mmed'Houdetot n'était pas belle, mais elle était charmante et spirituelle.

Elle traînait les coeurs après soi.

Il n'en fallaitpas tant à Rousseau.

Ivre de rêve, perdu dans son empyrée, il n'était plus capable de mesurer l'abîme qui séparaitsa roture et son âge de la jeunesse d'une comtesse qui ne pensait pas à lui et qui en aimait tendrement un autre, lemarquis de Saint-Lambert.

Il se jeta dans la passion, comme le voyageur sur la source du désert.

D'une hallucinationcérébrale il passa à l'hallucination de tout son être.

Les Confessions nous ont conté la tragi-comédie de ces amours.Mme d'Houdetot a bon coeur ; elle est quelque peu coquette ; Jean-Jacques Rousseau est illustre.

Et puis c'est unst ours » que personne n'a pu jusque-là apprivoiser.

Il y a plaisir à être son amie ; il est flatteur d'en être aimé.

Ons'en tiendra donc à l'amitié, à une amitié affectueuse ou tendre.

Visites, conversations, promenades, promenades entête à tête au clair de lune.

Mais l'amour de Rousseau n'est pas une galanterie de salon.

C'est une passiondévorante, elle subjugue son honnêteté et sa raison ; sans cesse elle le jette vers ces espérances « coupables ».Mme d'Houdetot se lasse de ces batailles ; le jeu qui était charmant devient douloureux.

Saint-Lambert, parsurcroît, est informé par Mme d'Epinay, jalouse, de l'intimité qui lie son amie et le philosophe.

Il gronde.

Mmed'Houdetot devient sage et devient froide.

Quelque temps l'aventure se traîne, Jean-Jacques essaie de construireavec les débris de sa passion une amitié raisonneuse ; il se fait ou essaie de se faire, par lettres, le professeur devertu et de bonheur de son amie ; mais on ne construit rien avec la cendre d'un bûcher.

La querelle violente qui lebrouille avec Diderot, Grimm, Mme d'Epinay, le sépare définitivement de Mme d'Houdetot.Ces quelques mois de bouleversements lui ont fait une âme nouvelle.

Son rêve d'amour n'avait guère été qu'un rêved'idylle.

Il avait repris à l'Ermitage les illusions qu'il avait tenté de vivre aux Charmettes : berger et bergère, desdînettes de laitages et de baisers, des joies « naïves » et des tendresses « sans apprêt ».

Mme d'Houdetot mit dansces bergerades la flamme qui les embrasa.

Elle révéla à Jean-Jacques la passion.

Sans doute il l'avait toujourscherchée.

Seule elle pouvait remplir le « vide inexplicable » de son coeur et guérir ses e tristesses sans cause » ;mais il n'avait pu que la pressentir.

Avec Mlle Serre, Mme Bazile il en était resté à de confus préliminaires.

Avec Mmede Warens, les plates réalités de ses amours avaient démenti tous ses rêves.

Ainsi il avait vraiment approché lacinquantaine « sans aimer ».

Mme d'Houdetot lui apprit soudain, que ce qu'il cherchait était redoutable et que. »

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