Devoir de Philosophie

LA BRUYÈRE (1645-1696) - LES CARACTERES

Publié le 15/05/2011

Extrait du document


— La Bruyère fut avocat, puis acheta un office de trésorier des finances dans la généralité de Caen, mais résida dans son Paris natal pour y mener une vie d'étude. Recommandé par Bossuet au Grand Condé, il enseigna à son petit-fils, le duc de Bourbon, l'histoire, le latin et la philosophie; une fois l'éducation du jeune homme terminée, il résigna sa charge, mais resta dans la maison princière, à titre de gentilhomme de M. le Duc, père de son élève. C'est dans ces conditions qu'il écrivit les Caractères, publiés en 1688. — La Bruyère a eu chez les Condé un poste privilégié d'observation pour étudier les caractères et les, moeurs. Il connaissait déjà les bourgeois, étant né parmi eux. A Chantilly et à Versailles, il vit de près les grands seigneurs, les ministres, les prélats, bref toute la Cour. Il notait les conversations, les gestes, les intrigues; il se documentait de première main.

« aux familles nobles ruinées, introduisent la passion de l'argent à .la Cour, y développent celle du jeu, et jusqu'àl'escroquerie.

—, c) Le génie d'intrigue et l'égoïsme caractérisent tous les privilégiés, le mérite personnel estméprisé.d) Les bourgeois de la ville : très sots et vaniteux; les juges : ignorants et achetables.

- e) Beaucoup de pauvresmanquent de pain, les paysans sont misérables et semblent réduits à l'état d'animaux farouches.

— f) La Bruyèrerespectait et aimait le Roi; mais le luxe de Louis XIV et certaines de ses, guerres furent des erreurs que lesCaractères osent condamner.— On voit que la satire, encore uniquement morale chez Molière ou La Fontaine, mord ici aux abus sociaux.

Par là,l'auteur des Caractères prépare la voie aux philosophes du siècle suivant.

Mais ce qui le distingue d'eux, c'est qu'iln'envisage aucune réforme politique ou sociale.

Sa critique de la société ne compte que sur une réforme morale.

Loinde s'attaquer aux institutions, il ne songe qu'à les conserver : l'ascension des parvenus lui fait déplorer lerapprochement des conditions, la hiérarchie des classes a son respect; il est royaliste et catholique.— A travers ses contemporains, La Bruyère a peint l'homme général et éternel..

Ses nouveaux riches ont revécu denos jours; la passion du jeu est devenue la passion des affaires.

Son riche et son pauvre (Giton et Phédon), sonbavard (Arrias), son fat (Ménippe), sa coquette, ses maniaques sont toujours en circulation.

La petite ville, lesenfants qu'il a décrits, resteront sans douté vrais à tolites les époques.

En différents chapitres (Du coeur, Desfemmes) il a su faire des analyses exactes de l'amour, des différentes passions, et de la complexité de notre coeuroù vivent des contraires et des incompatibles.

Il montre les cent formes de la sottise 'et de la vanité chez leshommes, les intrigants et les fats triomphant des gens de mérite, qui sont trop délicats, la dissimulation et laflatterie reines de la société, l'extrême rareté de l'amour véritable et de la véritable amitié.

La Bruyère est aussiuniversel que Montaigne, lorsqu'il s'étonne de la diversité des opinions humaines, de l'étrangeté des multiplescoutumes et de la frivolité que nous montrons, par asservissement à la mode, dans les domaines les plus sérieux,par exemple dans la conscience morale.

On voit que La Bruyère est pessimiste.

Il sait l'homme égoïste, injuste,ingrat; il le trouve faible de volonté et de raison.

La vie lui apparaît enveloppée de tristesse : elle est courte et on lapasse à désirer et à souffrir.

Mais La Bruyère n'est ni un misanthrope ni un sceptique, il se console de la faiblesse etdu vice des hommes en croyant leur amélioration possible, et il supporte la vie avec résignation en espérant unavenir meilleur après la mort.

Son pessimisme est chrétien, d'un jansénisme incontestable mais apaisé.; et nouspouvons en dégager des conseils pour notre conduite, des conseils pleins de bon sens.— Il ne faut donc pas dénier à La Bruyère toute philosophie.

Il est certain qu'il ne présente aucun corps d'idées,aucune unité systématique de pensée; il est certain encore qu'il a traité de l'homme sans méthode et, a-t-il dit lui-même, « par des voies simples et communes », c'est-à-dire par des observations que tout le monde peut vérifier.Cela le met au-dessous de La Rochefoucauld, pour certains.

A nos yeux, l'absence de parti pris psychologique etd'idéologique ambition est au contraire une garantie et un mérite.— La philosophie morale du livre et son témoignage sur la civilisation d'un siècle nous attachent aujourd'hui encoreaux Caractères.

Un autre attrait non moins fort, c'en est la forme et le style.

La Bruyère a voulu plaire, mais afin demieux servir son dessein moralisateur.— Il a plu par son art de grand peintre extrêmement original.

Il ne décrit pas, n'analyse pas : il fait voir.

— a) Sespersonnages agissent, parlent, et leur nature profonde nous apparaît.

C'est par les gestes, l'attitude, laphysionomie, c'est par l'extérieur et le physique qu'il peint l'intérieur et le moral : l'habit, l'épée, la bague du vaniteuxPhilémon; le manège de la fausse dévotion chez Onuphre, les faits et gestes de Giton et de Phédon, voilà pour lessimples portraits.

— b) Quelquefois, nous avons une anecdote, presque un petit roman (Zénobie, Emire).

— c)D'autres fois, une scène de comédie (Irène et Esculape, l'amateur de tulipes).

— d) Ajoutez les apostrophes quiévoquent une présence (« Je le sais, Théobalde, vous êtes vieilli...

») ou les dialogues dramatiques ("Fuyez, retirez-vous...

vous n'êtes pas assez loin...").

— e) Le réalisme le plus cruel n'est pas écarté : voyez Gnathon à table.

— f)Il résulte de tout cela un mouvement, une couleur, un pittoresque, qui nous émerveillent et qui ont quelque chosede tout moderne.— Le style aussi sert à peindre.

La métaphore y domine, y multipliant les images vivantes.

En outre, ce style estexact; il a la coquetterie du mot propre et, au besoin, des termes techniques.

Il est enfin riche d'une extrêmevariété de tours; il a à sa disposition une phrase preste, ironique, étincelante, qui aime nous faire la surprise d'untrait final imprévu et brillant.— Est-ce à dire qu'un tel style doive servir de modèle P Avec les qualités que nous venons de noter, il a des défauts: de la préciosité, des surcharges verbales, des jeux de mots.

Surtout, à force de vouloir être neuf et forcerl'attention, il finit par laisser voir une recherche excessive; on lui aurait souhaité plus de naturel.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles