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La Correspondance de Voltaire

Publié le 12/11/2018

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voltaire

La Correspondance

 

On a longtemps considéré d’un regard oblique la correspondance de Voltaire. On y cherchait, on y trouvait des éléments pour la biographie, des traits pour un portrait, des matériaux pour l’étude des autres textes, seuls dignes du nom d’« œuvres ». Une telle correspondance ne s’étudie pas, disait-on : « elle se lit ». Texte lu, texte lieu : traversé, inventorié, parcouru. Tradition d'ailleurs très ancienne ici que celle de l’« extrait ». Du vaste corpus on tirait à coups de citations une « Poétique », un « Esprit », une « Rhétorique » de Voltaire. Légitime en son principe, l’opération de coupe est extensible : une morale, une philosophie, une politique sont également lisibles. A condition de ne plus prendre le texte comme une surface, mais dans l’épaisseur même de ses déterminations, dans la variation complexe d’une pratique épis-tolaire. L’énormité de la tâche décourage encore les constructions interprétatives, et même les essais de typologie générale; mais, avec le renouvellement des critiques textuelles et l’élaboration progressive d’un modèle épistologique, un autre regard est devenu possible, sous lequel la correspondance de Voltaire ne sera plus un commentaire plus ou moins marginal de la vie et de l’œuvre, mais œuvre elle-même de langage et de projet.

voltaire

« des éléments pour la biographie, des traits pour un por­ trait, des matériaux pour l'étude des autres textes, seuls dignes du nom d'« œuvres».

Une telle correspondance ne s'étudie pas, disait-on :« elle se lit>>.

Texte lu, texte lieu : traversé, inventorié, parcouru.

Tradition d'ailleurs très ancienne ici que celle de l'« extrait >>.

Du vaste cor­ pus on tirait à coups de citations une « Poétique», un «Esprit>>, une .

«Avec la plume>> : son innocente Pucelle est constamment lutinée et pervertie par des copistes infidèles.

> : un illuminé du nom de Damiens vient d'attenter à la vie du roi.

L'amalgame paraît un peu libre, même dans une lettre familière.

Or c'est là justement une lettre ostensible, que le compère Thieriot fera mettre sous main dans le Mercure : une sorte de bilan des derniers progrès de 1' « esprit de philosophie et de tolérance >>.

La désinvol­ ture du trait doit désamorcer le soupçon de publicité, et donc renforcer l'impact de l'éloge; et Je calcul est naturellement réversible, au second degré : si la lettre fait scandale une fois publiée, on pourra dénoncer le détournement d'une correspondance privée, voire désa­ vouer des altérations du texte -ce fut le cas.

Dualité typique, ici portée jusqu'à la duplicité, d'une certaine pratique épistolaire, où le discours de la communication est traversé par une visée d'influence et de pouvoir.

Elle domine des séries entières : les échanges avec les grands de ce monde, la correspondance avec Frédéric Il surtout, to uj o u rs plus ou moins travaillée par le modèle pédago­ gique du prince « éclairé >>; et toutes ces lettres calculées pour solidariser leurs destinataires, comme par la pres­ sion d'une écriture plus ou moins ostensible, avec l'« esprit du siècle>> : tous ces compliments qui mobili­ sent les tièdes, ces confidences qui impliquent les neu­ tres, ces instructions qui galvanisent les hésitants, ces beaux brevets de «philosophie» et de «tolérance» qui affilient de nouveaux adeptes au parti des Lumières.

Cor­ respondance séculière, correspondance d'« écrivant>> , qui interfère avec l'œuvre publique, et dont, justement, les pièces vedettes circulaient au jour le jour, récitées à l'heure de la toilette et des visites ou insérées à chaud dans les gazettes manuscrites.

En ce qu'elle a de plus personnel, au temps des grandes campagnes de la vieil­ lesse, la pratique voltairienne de la lettre tient de l'éditorial.

La Correspondance.

Quelques données de fai t.

21221 : c'est sur ce numéro que se termine la dernière édition de la correspondance de Voltaire (Œuvres complè· tes.

vo l.

LXXX V-CXXX V, 1968-1977).

Deux fois plus de tex­ tes que n"en comptait l'édition Mola nd (1877-1883).

cin q fois plus que l'édition de Kehl (1785-1789).

De ce nombre.

15 000 lett re s sont de Voltaire.

3 000 de ses correspon­ da nts.

3 000 de tiers.

Selon le mot peu voltairien d"un ancien éditeur.

le corpus s'enrichira "jus qu· au jugement dernier »-une cinquantaine de lettres ont déjà été déco u· 2668 �-- --�- --- ----- - ------- --�·-- ·------ vertes et publiées depuis l'achèvement de cette édition dite " définitive ».

La première lettre connue -des vœux familiaux -est datée du 29 décembre 1704 et signée " Zozo AROUET» - mais son authenticité n"est pas bien assurée.

La dernière est du 26 mai 1778.

c"es t un billet de compliment au fils Lally-Tollendal sur la réhabilitation de son père - Voltaire mourut quatre jours après.

La date la plus fournie est celle du 1"' mars 1768.

avec treize lettres de Voltaire et un e à lui adressée.

Volta ire dit souvent ailleurs qu'il vient d"« écrire vingt lettres "· de" dic­ ter trente lettres» : chiffres ronds.

ou emphatiques? Considérée dans le temp s d"une vie, cette correspon­ dance présente une accélération étonnante, effet probable des conditions (sociologiques entre autres) de sa conserva­ tion matérielle.

mais aussi conséquence directe des voya· ges et des retraites.

et surtout de l'extension parallèle des relations et des activités.

On a 29 lettres de Voltaire pour l'année 1725.91 pour l'année 1735.

160 pour l'anné e 1745.

368 pour l'année 1755.

515 pour l'année 1765- et pour 1775.

sa quatre-vingt-unième année.

433 lettres enc ore.

Les quatre principaux correspondants.

dans l'état actuel du corpus.

sont d"Argental.

l'ami et le confident d'une vie (près de 1 200 lettres ).

et Gabriel Cramer.

lïmprimeur et le complice pour tous les ouvrages publiés après 1755 (près de 900 lettres ou billets); puis Damilaville et Thieriot.

avec 500 lettres chacun.

le premier agent de liaison pour la pro­ duction clandestine.

le second «trompette» de l'œuvre officielle .

On a plus de 300 lettres de Voltaire à Frédéric 11.

le disciple ém an cip é: à d'Alembert.

le lieutenant sûr des combats philosophiques; à Mari e- Lo uis e Denis.

la nièce chérie.

la compagne de la vieillesse; à la comtesse de Ben­ tinck.

l'amie intime du séjour en Prusse: à Jean Robert Tronchin.

le banqu ier et le conseiller financier.

Les autres ensembles importants sont des correspondances familia­ les (Mme de Fontaine.

Florian).

des correspondances d'ami­ tié (Mme du Deffand.

Cideville.

le duc de Richelieu.

la duchesse de Saxe-Gotha).

d"affaires (Moussinot.

Fabry.

Hennin).

de discussion dïdées (Bertrand.

Moultou).

La lacune la plus regrettable est celle de la correspondance avec "Ëmilie ».

dont on ne connaît presque rien: un billet de Mm• du Châtelet.

quelques lignes de Voltaire.. »

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