La Fortune de Gaspard
Publié le 06/04/2013
Extrait du document
La comtesse de Ségur a dédié La Fortune de Gaspard à son petit fils Paul de Pitray : « Cher petit, quand tu seras plus grand tu verras, en lisant l'histoire de Gaspard, combien il est utile de bien travailler. Et tu sauras, ce que Gaspard n'a appris que bien tard, combien il est nécessaire d'être bon, charitable et pieux, pour profiter de tous les avantages du travail et devenir réellement heureux. Deviens donc un garçon instruit et surtout un bon chrétien ; c'est ce que te demande ta grand-mère qui t'aime et qui veut ton bonheur.«
«
~-------EXTRAITS- ------ ~
M.
Frôlichein
Afin de pouvoir se rendre à l'école,
Gaspard trompe son père et abuse de
la bonté
de sa mère
Le lendemain de grand matin, le
fermier appela tout son monde ; le
temps était superbe.
THOMAS
«Allons, les gars, arrivez tous ; à
l'ouvrage ; les femmes resteront à la
ferme pour soigner les bestiaux et
faire des liens ; il faut tout rentrer
aujourd'hui(
..
.); toi, Gaspard, tu vas
aider ta mère, et à huit heures tu nous
apporteras notre déjeuner dans les
champs.»
GASPARD
« Et j'irai à l'école ensuite ? »
THOMAS
«Pas d'école aujourd'hui, mon garçon ;
l'ouvrage est trop pressé.
»
GASPARD
«Mais, mon père, le maître d'école ne va
pas être content.
»
THOMAS
« Laisse-moi tranquille av~c ton
maître
d'école.J'ai besoin de toi, et
tu resteras.
»
(.
.
.) Gaspard resta immobile et
consterné.
«Pas d'école, pas d'école! répétait
il.
Il faut pourtant que j'y aille ; j'ai
à parler à M.
Tappefort.
»
Il réfléchit quelques instants.
Son
visage s'éclaircit.
« C'est ça » s' écria-t-il.
Et il courut à la ferme, prit un livre,
et alla trouver sa mère qui battait le
beurre.
GASPARD
«Place à M.
le Prince!,.
« Maman, mon père m'a dit de rester à la
ferme ; je vais aller reporter au maître
d'école un livre qu'il m'avait prêté, et je
reviens.»
LA MÈRE
Va, mon garçon ; va.
Mais ne sois pas long
temps ;
j'ai besoin de toi pour m'aider à
battre le beurre ;
j'ai le bras fatigué, et je
n'ai personne pour me remplacer.
Ils sont
tous au trèfle.
»
Gaspard hésita un instant.
La pauvre mère
suait à faire pitié ;
il voyait qu'elle avait
réellement besoin de quelques instants de
repos ;
qu'il la trompait en prétextant le
livre du maître d'école,
et qu'il ferait bien
d'y renoncer pour ce jour-là, mais l'amour
del' étude l'emporta, et il partit en courant.
Après avoir épousé Mina,
Gaspard prend conscience qu'il
était, avant de la rencontrer, un
homme pour qui l'argent seul
comptait
« C'est un ange que Dieu m'a
donné ! elle sera mon bon ange ;
elle me donnera ce qui
m'a manqué
jusqu'ici : la charité.
A mesure que
je l'aime.je me sens meilleur, mieux
disposé
pour faire le bien, plus
indulgent, plus doux.
Mon Dieu, que
j'ai de reproches à me faire ! Que
d'actions mauvaises dans ma vie !
Quelle ambition ! Quel égoïsme !
Ma première amélioration date de
ma tendresse pour mon père adoptif.
Je
me
suis senti tout autre quand j'ai aimé.
Et
à présent, je sens mon cœur s'élargir, se
remplir de bons sentiments ;
je comprends
même la piété, la prière, depuis que j'ai
mené Mina à la messe ; je l'y mènerai
souvent; la prière fait du bien ; elle laisse
quelque chose de doux, de satisfait, que
je
ne connaissais pas.
»
Et, en finissant ces mots, Gaspard pria
Dieu dans son cœur de lui pardonner son
indifférence passée et de le rendre meilleur
à/' avenir.
«M ina se mit à repasser
avec adresse
et activité.
,.
NOTES DE L'ÉDITEUR
« Comme Féréor, Gaspard tourne à la
piété et aux bonnes œuvres.
Sa conversion
rachète largement l'hypocrisie de naguère,
la dureté, l'ambition étouffante.
Ainsi,
Mme de Ségur que nous avons pourtant
vue si attachée à
la stabilité sociale,
Mme de Ségur généralement si dure envers
les nouveaux riches,
la comtesse qui, sans
remords, maintient le pauvre Blaise ou
l'intelligent Dérigny en des positions
subalternes, ne fait-elle exception que Gaspard.
Lui seul atteint
à la récompense
suprême : fortune, bonheur
et bonne
conscience.
Il
ne la doit pas à ses vertus
- trop longtemps étouffées ou piétinées -
mais
à la vertu de la conjoncture.
» Paul
Guérande, Le Petit Monde de la Comtesse
de Ségur,
édition Les Seize, Paris, 1964.
« Comme Balzac, Mme de Ségur aurait pu
grouper son œuvre.
A la Comédie enfantine,
ou à la Comédie humaine pour enfants, ne
manquent que le titre.
En introduction à
l'édition définitive, la comtesse eût fait
sienne la formule de Balzac :
" Peut-être
pouvais-je arriver à écrire l'histoire
oubliée par tant d'historiens, celle des
mœurs." ( ...
)Les uns aiment, d'autres
critiquent le monotone
jargon du balzacien
banquier Nucingen.
Dans
La Fortune de
Gaspard, Mme de Ségur reprend ce
procédé avec le personnage de Frôlichein.
Trouvaille géniale,
Frôlichein écrit comme
il prononce : " Répontez fite et pien ",
pour un homme antipathique, le fortuné
1 Harlingue-Viollet 2, 3, 4, 5, 6 ill.
de J.
Gerlicr, &!.
Hachette, s.d.
" pien le ponsoir mon cheune ami ".
Serait-ce distraction de la comtesse ? »
Paul Guérande, op.
cit.
SÉGUR 03.
»
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