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LA PROPRIÉTÉ SOCIALE de Robert Castel

Publié le 04/09/2012

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La grande transformation produite par l'avènement du nouveau régime du capitalisme post industriel est due à une dynamique de dé-collectivisation. Sur le plan de l'organisation du travail, on assiste à une individualisation croissante des tâches, ce qui a pour conséquence la chute des collectifs de travail. Au niveau des trajectoires professionnelles, les travailleurs prennent en charge eux-mêmes leurs parcours professionnels. Du fait de ces transformations, l'injonction à être individu se généralise. Ce qui va entraîner une distinction entre deux groupes d'individus : certains maximisent leurs chances et sont hypercompétitifs, alors que d'autres sont laissés pour compte, manquant de capitaux, ils sont menacés d'invalidation sociale. Auparavant, on pouvait dire que la propriété sociale était le socle de ressources et de droits interdépendants et dépourvus d'une citoyenneté. Mais depuis ces trente dernières années, on assiste à une bifurcation de cette trajectoire de logique d’assurance, qui conduira à une logique d’assistance. En effet, certains manquent de supports nécessaires pour pouvoir affirmer une indépendance sociale. Ils vivent dans la dépendance du besoin ou des services publics. Bien qu’ils ne soient pas laissés pour compte, ils ressentent qu'ils n'appartiennent pas au régime commun. Les chômeurs, par exemple, sont accusés d'être sans emploi volontairement et de vivre ‘’aux crochets’’ de la France qui les stigmatise d’assistés. On assiste donc à une transformation du régime des protections qui fait que les individus par défaut sont renvoyés vers des formes intérieures de protection. Ce groupe d’individus est donc dévalué et n’est pas intégré dans le marché de l'emploi, il relève d'une politique d'assistance ou aide sociale.

« l'industrialisation, les pauvres sont plus visibles au sein de la société et les dominants craignent que l'ordre social soit subverti. La création de la propriété sociale va éclaircir ce dilemme en permettant au travailleur d'acquérir un début d'indépendance sociale et économique.

En effet, l'ouvriergagne non seulement son salaire mais aussi un droit à la sécurité contre l'ensemble des aléas de la vie : maladie, accident, vieillesse.

Ce qui est une révolution pour laclasse ouvrière non propriétaire n'en est pas une pour la classe possédante, pour qui cette « invention » ne change pas grand chose.Néanmoins, l'émergence de la propriété sociale permet à ces créateurs, les penseurs de la IIIème République, d'établir un consensus entre les positions du libéralismene prônant aucune intervention publique et les idées collectivistes de certains socialistes.

Ainsi né, l'Etat, réducteur d'insécurité, que R.

Castel appelle “l'Etat Social”,permettant au travailleur de devenir un semblable des autres citoyens en accédant à une indépendance qui lui permet de penser résolument à l'avenir.Pour la première fois, l'ouvrier travaille pour son patron mais aussi pour lui et sa famille : la propriété sociale agit comme une sorte de transfert à partir du travail.Cette avancée a été obtenue par le travail et grâce au développement de l'organisation du travail au XIX ème, rendant possible l'émergence d'une société desemblables, à défaut d'être égalitaire. II.

L'application de la protection sociale dans le champ politique Comment ces réalisations du début du XXe siècle se sont-elles renforcées pour former l'ossature de ce que François Ewald appelait « une société assurantielle », etqui en est venu à couvrir d'abord l'ensemble des salariés et ensuite l'ensemble de la population contre les principaux risques sociaux ? 2.1 L'extension de la notion de propriété sociale L'industrialisation croissante de l'économie rend le salariat irréversible ; dès lors, la propriété privée ne peut plus être seule garante de la sécurité.

En conséquence, ilne peut plus incomber aux seuls propriétaires de garantir une certaine protection sociale.L‘invention de la propriété sociale est la réponse qui a été trouvée aux difficultés que rencontrait la société.

Cette propriété sociale va consister à attacher desprotections de la sécurité à la condition du travailleur lui-même.

Car en effet, le pivot de cette propriété sociale étant le travail, des supports seront construits de sortequ'ils permettront des protections équivalentes à celles que donne la propriété privée.

Cette propriété sociale amène donc les hommes à être plus égaux.L'individu se prend en charge lui-même ; il acquiert des droits grâce à son travail.L'assurance sociale s'appuie sur des mécanismes de solidarité mis en place entre des personnes à égalité de droit et de statut.Le système d'assurance sociale conditionne l'accès à des droits sociaux.

Le cadre d'action n'est plus le territoire mais le secteur professionnel. L'idée d'une protection sociale va rencontrer des difficultés pour se mettre en place et va trouver sa véritable réussite dans l'établissement de la Sécurité Sociale en1945.En 1945, le programme de la Sécurité sociale est entamée : le salarié trouvera désormais un contrat de travail plus équitable ce qui lui est indispensable pourmaintenir son existence.

L'assurance obligatoire transformera les rapports entre les partenaires sociaux, les employeurs, les employés, les propriétaires et les non-propriétaires.

La consolidation du statut du salariat permet ainsi l'épanouissement des protectionsEn effet, la période dite des « Trente Glorieuses » (1945 à 1973) est une période de fort développement de l'accession à la propriété en général, et par conséquentl'accession sociale également cette accession a ainsi permis un bon de la productivité, de la consommation et des revenus des salariés, une meilleur visibilité à leursituations qui serait pour eux plus optimistes.

Cette période va donc voir l'arrivée des dispositifs officiels qui vont donc permettre aux ménages modestes d'accéder àla propriété. 2.2 La cohésion interne : le Service Public Le noyau de la propriété sociale est ainsi le transfert direct du travail à la sécurité par l'intermédiaire de l'assurance obligatoire.Ceci assure la protection du travailleur dans le hors travail et ce jusqu'à la fin de ses jours.Mais la propriété sociale ne se réduit pas à ce type de prestations sociales, elle consiste aussi à assurer la participation des individus du non-propriétaire à des biens età des services collectifs dont l'Etat est le promoteur.Et c'est en premier lieu le développement des services publics que le juriste Léon Duguit sera le premier à définir.

Il met notamment en avant la notiond'interdépendance sociale.

Et cette idée d'interdépendance sociale qui est en d'autres terme la solidarité organique de Durkheim, est essentielle dans le sens où elleexprime la nécessité de maintenir un lien de réciprocité manifestant la participation des citoyens à un même ensemble pour que contre les risques de dissociationssociales, ils continuent à « faire société » et à être interdépendant les uns des autres.

Et c'est l'Etat Social qui construit cette interdépendance en mettant à ladisposition des biens et des services que tout le monde peut utiliser.Cette conception du Service Public débouchera à partir de la Seconde Guerre Mondiale à la nationalisation de certaines entreprises, l'idée étant que les pouvoirspublics doivent aussi administrer ces entreprises parce que les biens qu'elles produisent présentent un intérêt collectif dont la gestion ne peut être laissée à l'initiativeprivée. Ainsi, ces différentes réalisations de la propriété sociale ont le même objectif : la réhabilitation sociale des non-propriétaires.Car en effet, même dépourvus de propriété privée, ceux-ci participent désormais à la richesse sociale, soit en disposant d'une sécurité sociale sous forme de systèmed'assurance garantie par l'Etat soit sous la forme de l'accès à des biens et à des services collectifs, mis à la disposition par la puissance publique.Ce sont là les deux pôles de la propriété sociale qui fondent une citoyenneté sociale au sens fort.La propriété privée n'est plus désormais le seul fondement de la citoyenneté.

Le non propriétaire lui aussi à droit à des droits sociaux et des assurances sociales.

Ilparticipe à des prestations et à des services collectifs dont l'Etat est le garant et qui fonctionne, comme le dit R.

Castel, comme des « analogons » de la propriétéprivée pour les non propriétaires. III.

Réduction du champ d'application de la propriété sociale. On observe, depuis la fin des « Trente Glorieuse », une précarité de l'emploi de plus en plus importante.

Nous allons voir à quoi est dû cette montée d'instabilité, etsurtout comment la protection sociale tenter de s'adapter. 3.1.

Le sacrifice de la cohésion sociale en faveur de la rentabilité. Aujourd'hui, le domaine d'intervention des pouvoirs publics se réduit, au profit des pratiques de l'idéologie dominante du néo-libéralisme.

Ceci se caractérise par des vagues de privatisations, que ce soit dans la sphère des biens commercialisables, ou dans la sphère des services publics eux-mêmes.Dans le premier cas, ce sont les entreprises nationalisées qui ont connu les privatisations, ce qui a permis au Marché de reprendre ses droits : la concurrence et lamaximisation du profit.Dans le second cas, c'est une logique de privatisation qu'on observe au sein même des services publics et se caractérise par deux phénomènes.

Premièrement,l'alignement des modes de gestion.

En effet, le secteur public emprunte de plus en plus les caractéristiques propres du secteur privé, que sont la rentabilité,l'efficacité, et la prise en compte d'une clientèle.

Deuxièmement, la tendance accrue consistant à transférer des services publics vers le secteur privé.

Cela concerneprincipalement des services qui nécessitaient au départ un investissement lourd, et qui se devaient d'être lancés par les pouvoirs publics afin de maintenirl'interrelation sociale.

Ces phénomènes amènent à une question fondamentale, qui est de savoir si ces biens et services qui se privatisent pourront toujours assurer leur rôle premier quiest celui de "l'interdépendance sociale".. »

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