La Religieuse de Diderot
Publié le 09/04/2013
Extrait du document
C'est sous la forme de mémoires écrits par la jeune victime et destinés à être envoyés au marquis de Croismare, dont elle sollicite la protection, que l'infortune de Suzanne Simonin nous est livrée. Cette évocation à la première personne exacerbe d'autant plus la sensibilité et la sympathie du lecteur.
«
« Eh bien, madame ? -Elle répondit : Je l'ignorais.
»
EXTRAITS
Le Père Séraphin annonce
pour la première fois à Suzanne
le sort qui lui est réservé
Ils' agissait de m'engager à prendre l'habit.
Je me récriai sur cette étrange proposition;
et je lui déclarai nettement que je ne me
sentais aucun goût pour
l'état religieux.
« Tant
pis, me dit-il, car vos pa
rents se sont dépouillés
pour vos sœurs, et je ne
vois plus ce qu'ils pour
raient
pour vous dans
la situation étroite où
ils se sont réduits.
Réflé
chissez-y, mademoiselle;
il faut ou entrer pour
toujours dans cette mai
son, ou
s'en aller dans
quelque couvent de pro
vince où l'on vous rece
vra
pour une maudite
pension,
et d'où vous ne
sortire z
qu'à la mort de
vos parents qui
peut se
faire attendre encore
longtemps ...
»
Beaucoup de religieuses sans vocation
ne peuvent se résigner
Car il est sûr, monsieur, que, sur cent reli
gieuses qui meurent avant cinquante ans, il
y en a cent tout juste de damnées sans comp
ter celles qui deviennent folles, stupides ou
furieuses en attendant.
Il arriva un
jour qu'il s'en échappa une de
ces dernières de la cellule où on la tenait
enfermée.
Je la vis.
( ...
)Je n'aijamais rien
vu de si hideux.
Elle était échevelée,
et
presque sans vêtements ; elle traînait des
chaînes de
fer; ses yeux étaient égarés; elle
s'arrachait les
cheveux; elle se frappait la
poitrine avec les poings, elle courait, elle
hurlait ; elle se chargeait elle-même, et les autres,
des plus terribles imprécations; elle
cherchait une fenêtre
pour se précipiter.
La
frayeur me saisit, je tremblai de tous mes
membres,
je vis mon sort dans celui de cette
infortunée,
et sur-le-champ il fut décidé,
dans mon c
œur, que je mourrais mille fois
plutôt que de
m'y exposer.
Suzanne a demandé beaucoup
de
papier; on la soupçonne d'avoir
écrit un mémoire ...
On m'arracha mon voile ; on me dépouilla
sans pudeur.
On trouva sur mon sein un petit
portrait de mon ancienne supérieure ; on
s'en saisit : je suppliai qu'on me permit
de le bais er encore une
fois; on me refusa.
On me
jeta une chemise, on
m'ôta mes bas, on me
couvrit d'un sac, et l'on
me conduisit, la tête
et les
pieds nus, à travers les
corridors.
Je criai,
j'ap
pelai à mon secours ;
mais on
avait sonné la
cloche
pour avertir que
personne ne parût.
J'in
voquai le ciel, j'étais à
terre, et l'on me traînait.
Quand j'arrivai au bas
des escali ers , j'avais les
pieds ensanglantés et
les jambes meurtries ;
j'étais dans un état
à tou
cher des âmes de bronz
e.
Cependant l'on ouvrit
avec de grosses clefs la
porte
d'un petit lieu souterrain, obscur, où
l 'o n me
jeta sur une natte que l'humidité
avait à demi pourrie.
( ...
) Et je retrouvai,
quand je reparus, toute la communauté
persuadée que j'avais été malade.
Je repris
les exercices de la
maison et ma place
à l'église.
« Elle joue et chante
comme un ange.
»
NOTES DE L'ÉDITEUR d'un film condamné à mort par la censure,
cette Gestapo de
l'esprit».
« un Être dont je n'ai pas la moindre idée »,
« un Être difficile à admettre ».
La Religieuse fut interdite en 1824 et en
1825.
En 1967, son adaptation
cinématographique par Jacques Rivette
suscita des remous dans tous les milieux.
Jean-Luc Godard prit lui-même la défense
du film de Rivette.
Ainsi s'adressa-t-il
à
André Malraux dans une lettre ouverte
publiée dans
le Nouvel Ob servateur du
6 avril 1966 afin de lui
« demander
d'intercéder auprès de vos amis Roger Frey
et Georges Pompidou pour obtenir la grâce
1 Sip a-lcono 2, 3, 4, S gravures de Le Barbi er, Pari s, 1799 / BPU , Genève
Diderot écrivit La Religieuse en 1760,
mais le livre ne sera publié qu'en 1796.
L 'homme de
l' Encyclopédie, rationaliste
convaincu , eut de nombreux démêlés avec
l'Église catholique.
Critiquant la religion
chrétienne , il
s'en prenait au Dieu de la
Bible,
à la révélation, aux miracle s, à
l'ensemble de la hiérarchie ecclésiastique
(Pensées philosophiques , Lettre sur les
a veugles).
Dieu était pour le philo sophe Quoi
qu'il en soit, l'auteur de
La Religieuse
et de Jacques le Fataliste, audacieux mais
généreux d'esprit et de cœur, ne se fit pas
que des ennemis.
Nombreux furent ceux qui
reconnurent en celui qui mettait en question
tous les préjugés un défenseur des libertés
et du bonheur de tous :
« Il fut le meilleur
des hommes dans le meilleur des siècles
...
Il aimait les hommes et les œuvres
pacifiques des
hommes.» Anatole France.
DID EROT06.
»
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