Devoir de Philosophie

LAUTRÉAMONT: Les Chants de Maldoror (Fiche de lecture)

Publié le 18/11/2010

Extrait du document

lecture

«Vieil océan, ô grand célibataire, quand tu parcours la solitude solennelle de tes royaumes flegmatiques, tu t'enorgueillis à juste titre de ta magnificence native, et des éloges vrais que je m'empresse de te donner. [...] Tu es plus beau que la nuit. Réponds-moi, océan, veux-tu être mon frère ?«

Un flux continu d'images va emporter la réalité, va laver notre regard et nous obliger à considérer le quotidien d'un oeil neuf.

lecture

« — il discute avec un fossoyeur (strophe 12), ou avec un crapaud (strophe 13). 2.

L'IVRESSE DE LA MÉTAMORPHOSE L'élan destructeur qui anime Maldoror-Lautréamont s'accompagne d'une joie satanique, d'une jubilation quitransforme le monde.

Au contraire des poètes romantiques qui ont chanté l'ennui, la douleur et la mélancolie,l'auteur des Chants de Maldoror récuse toute langueur et se laisse emporter dans un déluge d'images, dans une dynamique de la métamorphose.

Il place d'ailleurs son oeuvre sous l'invocation du dieu Océan : «Vieil océan, ô grand célibataire, quand tu parcours la solitude solennelle de tes royaumes flegmatiques, tut'enorgueillis à juste titre de ta magnificence native, et des éloges vrais que je m'empresse de te donner.

[...]Tu es plus beau que la nuit.

Réponds-moi, océan, veux-tu être mon frère ?» Un flux continu d'images va emporter la réalité, va laver notre regard et nous obliger à considérer le quotidien d'unoeil neuf. Le décor quotidien se charge d'angoisse.

Ainsi, à Paris, la rue Vivienne, où Lautréamont habita : «Les magasins de la rue Vivienne étalent leurs richesses aux yeux émerveillés.

Éclairés par de nombreux becsde gaz, les coffrets d'acajou et les montres en or répandent à travers les vitrines des gerbes de lumièreéblouissante». Mais au crépuscule, tout change soudain : «Les promeneurs hâtent le pas, et se retirent pensifs dans leurs maisons.

Une femme s'évanouit et tombe surl'asphalte.

Personne ne la relève : il tarde à chacun de s'éloigner de ce parage...

La rue Vivienne se trouvesubitement glacée par une sorte de pétrification.» Cette femme évanouie, cette lueur crépusculaire, ces gestes suspendus : tout évoque par anticipation les tableauxd'un peintre surréaliste, Paul Delvaux. Ou bien c'est un omnibus, tiré par des chevaux, qui se transforme en un attelage démoniaque : «Il est minuit, on ne voit plus un seul omnibus de la Bastille à la Madeleine.

Je me trompe ; en voilà un quiapparaît subitement, comme s'il sortait de dessous terre.

[...] L'omnibus, pressé d'arriver à la dernière station,dévore l'espace, et fait craquer le pavé...

Il s'enfuit !...» En vain, un enfant tente de le rattraper en appelant.

«Il s'enfuit !...» La scène, banale, tourne au cauchemar.

Laréalité «bascule» dans le fantastique.

Le cadre figé des apparences se met à «craquer» et l'inouï, le bizarre,l'inconcevable, affleure à la surface du monde visible.

Cette contamination du réel par le rêve, ou plutôt par lefantasme, est symbolisée par un bestiaire grouillant, par une invasion animale qui se superpose à l'humain et finit parl'engloutir.

: «Sous mon aisselle gauche, une famille de crapauds a pris résidence, et, quand l'un deux remue, il me fait deschatouilles.» Au chant IV apparaît l'homme-poisson, suivi par une cour empressée de créatures aquatiques.

Le monstre est lafigure emblématique de l'univers hybride que le poète, nouveau démiurge, veut recréer.

Il veut abolir les limites entreles différents règnes, et montrer que la grandeur de l'homme est justement dans sa capacité à se métamorphoser : «Que l'on sache bien que l'homme, par sa nature multiple et complexe, n'ignore pas les moyens d'en élargir encoreles frontières ; il vit dans l'eau, comme l'hippocampe ; à travers les couches supérieures de l'air, comme l'orfraie, etsous la terre, comme la taupe, le cloporte et la sublimité du vermisseau.» Ces mots d'Antonin Artaud situent exactement «le comte impensable de Lautréamont» : «Isidore Ducasse n'était ni un halluciné, ni un visionnaire, mais un génie qui ne cessa toute sa vie d'y voir clairquand il regardait et tisonnait dans la jachère de l'inconscient encore inutilisé.» En effet, le déluge d'images qui emporte ce texte inclassable a la même force et la même étrangeté que lesfantasmes qui peuplent l'inconscient de chaque individu.

Ce que Lautréamont met à nu, c'est cette part obscure del'être, dont personne, avant, lui, n'avait osé faire la matière même de la poésie. À la suite du poète des Chants de Maldoror, les surréalistes se voudront eux aussi les «défricheurs» des songes et de l'inconscient.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles