Le Bonheur de Barbezieux de Jacques Chardonne

« La Branderie de Grande Epée, au cœurde la Charente EXTRAITS Dès les premières lignes de son livre , l'auteur fait preuve de beaucoup d'attachement pour son passé Si je raconte ma jeunesse et les souvenirs d 'une société que je trouve exemplaire, ce n 'est point pour revenir à un passé disparu dont l'image me plaît.

( ...

) Je suis né dans une petite ville où j'ai vécu longtemps, mais j'ignorais que ce fût une petite ville, l'une de ces bourgades en­ dormies qui font pitié au Parisien quand il les tra­ verse dans sa voiture.

Elle me paraissait vaste, bien pourvue et très animée.

Aussi, je n 'ose plaindre à présent des gens qui me semblent démunis ou dont la vie est très singulière.

Je me dis que partout les êtres se ressemblent et que la plupart ont à peu près le nécessaire.

J e suis né dans une petite ville de marchands.

On vendait du cognac chez les riches , des sabots ou des étoffes dans les boutiques.

Depuis des siècles, on n'avait d'autre am­ bition que de gagner un peu d'argent.

Certes , l'argent représentait une grande va­ leur; il permettait à chacun de conserver sa place, sa maison à la ville ou son champ à la campagne, mais jamais il ne modifiait la façon de vivre , les usages de la famille.

Une fois bachelier, Jacques Boutelleau décide de ne pas participer à l'affaire familiale J'ai quitté Barbezieux à dix-huit ans et je n'y suis plus retourné.

Souvent , je pense à cette décision qui a tant marqué dans ma vie.

Elle était très ferme, mais je ne lui trouve aucun contenu.

Je n'avais pas de répugnance pour le com­ merce; j'ai toujours eu du goût pour l'ac­ tion positive, celle qui est tout de suite vérifiée par un compte .

Je n'entendais aucun appel.

Le destin se manifeste ainsi ; il commande sans explication.

A vingt-trois ans, l'auteur apprend qu'il est tuberculeux.

Il part alors en cure à Chardonne, où il prend conscience qu'il peut écrire Sous ces arbres qui portent dans leurs branches le bleu délavé des montagnes et du lac, j'ai commencé à écrire L'Épithalame.

Je me disais : aurai-je une plume assez fine, saurai -je trouver assez de nuance dans les gris pour peindre l'intimité , l'amour dans la vie à deux ? On n'aborde pas ces secrets sans impu­ deur, ou plutôt sans une grande innocence.

( ...

) J'écrivais pour la première fois de ma vie et comme dans la nuit, m'étonnant qu'une seule note, sans ac­ compagnement, fût si lon­ guement tenue.

Je connus , sans la reconnaître, l'étran­ ge faculté de l'imagination, si secrète, et qui agit davan­ tage quand elle se dissimule au cœur du réel.

Une œuvre est bien chétive tant qu'elle demeure à l'état de projet et de rêve .

C'e st dans la préci sion matérielle de l 'achèvement qu'elle peut donner à rêver.

Cette expérience m'a fait douter du sens des mots Matière et Esprit.

Albin Michel, 1955 Maurice Delamain , l'ami, avec qui Chardonne dirigea le s é dition s Stock NOTES DE L'ÉDITEUR Quelques dates s'il n'est en contact avec une femme dans le mariage.

Là seu lem ent, il me paraît vivant et complexe .

» On retrouve alors ce thème dans Éva (1930), Clair e (1931) et Romanesques (1937).

29 mai 1968 : mort de Jacques Chardonne .

« Chardonne est le plus grand prosateur de notre temps.

» Jean Rostand.

2 janvier 1884: Naissance de George s­ Jean-Jacques Boutelleau à Barbezieux, en Charente.

1921 : rédaction de son premier ouvrage, L'Épithalame, sorte d'analyse du couple.

« Quand j'écrivais mon premier roman, dira-t-il , je ne me doutais pas que, dans la suite, tous mes livres auraient à peu près le même sujet.

Aujourd'hui , je sais que je ne pourrais décrire un personnage d'homme 1 Roger- V ia lle ! 2, 3, 4, 5 dessins d'A nd ré Jor dan / 8 .N .

1938 : Le Bonheur de Barbe zieux.

Dans cette œuvre, ainsi que dans L'Amour du pro chain (1932) et L'Amour c'e st beaucoup plu s que l'amour (1937), Chardonne se fait plus moraliste que romancier en fondant sur l'introspection ses analyses scrupuleuses et so uvent mélancoliques.

« On croit trop à la longueur suivant Rou sseau et à la dureté selon Retz ; la réconciliation s'opère très bien quand on lit Chardonne.

» Roger Nimier.

« Si la postérité est juste, elle placera les œuvres de Chardonne à côté de celles des plus grands moralistes français.

» Edmond Jaloux.

CHA RDONNE 02. »