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LE DISCOURS SUR LES SCIENCES ET LES ARTS DE ROUSSEAU (fiche de lecture)

Publié le 26/06/2011

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Ecoutons Rousseau nous raconter comment il composa l'oeuvre qui devait faire de lui non plus un tâcheron de lettres mais un homme célèbre. Diderot était prisonnier à Vincennes pour la publication des Pensées philosophiques. Et il s'y ennuyait fort. Son ami Rousseau allait le voir, à pied et suant. Pour aller moins vite il se décide à lire en marchant. Un jour il trouve ainsi, dans le Mercure, la question proposée par l'Académie de Dijon pour le prix de l'année suivante : « Si le rétablissement des sciences et des arts a contribué à épurer les moeurs «. A l'instant de cette lecture je vis un autre univers et je devins un autre homme. Quoique j'aie un souvenir vif de l'impression que j'en reçus, les détails m'en sont échappés depuis que je les ai déposés dans une de mes quatre lettres à M. de Malesherbes. Ce que je me rappelle bien distinctement dans cette occasion, c'est qu'arrivant à Vincennes j'étais dans une agitation qui tenait du délire. Diderot l'aperçut : je lui en dis la cause, et je lui lus la prosopopée de Fabricius, écrite en crayon sous un chêne, Il m'exhorta de donner l'essor à mes idées, et de concourir au prix. Je le fis, et dès cet instant je fus perdu. Tout le reste de ma vie et de mes malheurs fut l'effet inévitable de cet instant d'égarement.

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« ne fut publiée qu'en 1756.

Toujours en 1752 paraît une Réfutation du Discours de Rousseau par un académicien deDijon qui lui a refusé son suffrage.

Cet académicien de Dijon était en réalité un M.

Le Cat, chirurgien de Rouen.Malgré la promesse de silence qu'impliquait sa « dernière » réponse à Bordes, Rousseau croit devoir répondre à LeCat.

L'Académie de Dijon publie un Désaveu pour nier que Le Cat soit l'un de ses membres.

Au début de 1753 Jean-Jacques reprend plus longuement son Discours et ses réfutations dans sa Préface de Narcisse.

A quoi Charles Bordesréplique, en août 1753, par un Second discours sur les avantages des sciences et des arts.

Après quoi paraîtra leDiscours de Jean-Jacques sur les origines de l'inégalité et les polémiques toucheront à la fois l'un et l'autre discours.Tout cela fait beaucoup de bruit, une petite tempête si l'on veut.

Mais c'est surtout, je crois, un bruit de plumes etune tempête dans un verre d'eau académique.

Certes, vers 173o, il y a eu en France un certain malaise politique etune activité policière dont l'une des conséquences fut justement l'emprisonnement de Diderot à Vincennes.

Leprocès de la civilisation était surtout le procès des formes les plus évoluées de cette civilisation, de la vie quemenaient les classes riches et privilégiées.

L'éloquence de Rousseau donnait plus de portée à ce que l'on pouvait,politiquement, reprocher à de pareilles classes.

Mais il faut se souvenir (j'ai essayé de le montrer dans mes Originesintellectuelles de la Révolution française) que l'inquiétude politique n'existe guère vers 575o.

Il y a depuis longtempsune police, des espions de la police et des arrestations.

Par exemple, en 17x9, ces espions surveillent le logis deMme de Tencin, notent les noms de ceux qui entrent chez elle et le temps qu'ils y demeurent.

Mme de Tencin n'acertes pas une âme révolutionnaire, ni même des curiosités politiques ou sociales.

A travers tout le xviiie siècle il ya, ici ou là, presque chaque année, des émeutes causées par la famine.

En réalité, comme Diderot le disait, il n'avaitpas à suggérer à Rousseau l'idée de faire le procès des sciences et des arts.

C'était presque une banalité pour lesmoralistes et pour ceux qui cherchaient le paradoxe.

Nous le verrons tout à l'heure en étudiant les sources duDiscours sur l'inégalité en même temps que celles du premier Discours.D'ailleurs le sujet du concours est donné par l'Académie de Dijon.

C'est elle qui couronne Rousseau.

Or rien n'est plusprudent que ces académies provinciales, même à la veille de la Révolution.

Leurs membres (qui sont ordinairementquarante) se recrutent dans la bourgeoisie riche et dans l'aristocratie.

Elles sont étroitement surveillées.

Ce n'estguère que dans la deuxième moitié du siècle qu'elles s'intéresseront de plus en plus à des problèmes économiques etsociaux.

Vers 175o elles ne s'attachent qu'à des questions de goût littéraire, de morale, de philosophie générale ouà des problèmes de sciences.

Surtout, quand il s'agit de lire en séance, de proposer des prix, on lit ou propose des «discours ».

N'oublions pas que dans les collèges l'art de prononcer des discours, en latin d'abord, puis en latin et enfrançais, est la seule chose que l'on enseigne.

Sur les palmarès des distribution de prix, pendant deux siècles, on netrouve que des prix d'excellence, de mémoire, de sagesse, de thème et version latins et de discours.

L'art de larhétorique est d'ailleurs enseigné avec grand profit.

C'est par des discours, le plus souvent, que les meilleurs élèvesdeviennent dans leurs classes imperatores ou consules.

Mais, une fois entrés dans la vie, ces imperatores et cesconsules, s'ils ne sont pas avocats, magistrats, n'ont guère l'occasion de montrer leur talent d'orateurs.

Il leur fautattendre de rares occasions.

Les Académies sont la meilleure et la plus glorieuse de ces occasions.

Dans les recueilsqu'elles publient, dans les listes de lectures qui y sont faites, les discours tiennent une large place et, souvent, laplus large.

C'est d'ailleurs bien ainsi que Rousseau a compris son oeuvre.

Dans la soudaine inspiration qui l'illuminesous le chêne de la route de Vincennes, ce qu'il écrit « en crayon », ce n'est pas un plan 'ou un résuméd'arguments, c'est la « prosopopée de Fabricius », c'est-à-dire un morceau d'éloquence académique.

Quand ilmédite pour composer son oeuvre, c'est, évidemment, sur les idées qui la soutiennent mais c'est tout autant surleur expression et leur expression oratoire : « Je méditais dans mon lit à yeux fermés et tournais et retournais mespériodes dans ma tête avec des peinés incroyables ; puis, quand j'étais parvenu à en être content je les déposaisdans ma mémoire jusqu'à ce que je puisse les mettre sur le papier, mais le temps de me lever et de m'habiller mefaisait tout perdre » ; et c'est alors que la mère de Thérèse Levasseur lui sert de secrétaire.

Le premier discoursdoit évidemment son retentissement à la thèse qu'il défend mais, aussi bien, à la qualité de son éloquence.

Dansl'ensemble de la polémique qui, nous le verrons, le précède et l'accompagne, il mérite le premier prix de discoursfrançais.

Il en sera autrement dans le deuxième Discours sur l'origine de l'inégalité.Enfin un succès de ce genre ne peut guère dépasser une certaine élite, l'élite de ceux qui ont cultivé le beaudiscours et qui rêvent de lui répliquer par un autre discours, comme dans les collèges les « Carthaginois » livraientbataille aux « Romains ».En fait M.

Havens n'a retrouvé que six éditions séparées du premier Discours.

Pour le xviiie siècle c'est un beausuccès, mais qui n'est pas comparable au succès éclatant de la Nouvelle Héloïse ou de Candide.. »

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