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Le Festin nu de William Seward Burroughs (Résumé - Fiche de lecture)

Publié le 22/02/2012

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Roman paru en 1959; disponible chez Gallimard, L'Imaginaire, traduction de l'américain par Eric Kahane, 257 pages. L'AUTEUR Un romancier de la contre-culture iconoclaste. Né le 5 février 1914 à Saint-Louis, Missouri, Burroughs descend du général Lee ; son grand-père n'était autre que l'inventeur de la machine à calculer qui porte son nom. Après des études secondaires à Los Alamos, il étudie la littérature anglaise et l'anthropologie à Harward, enfin, il entame des études de médecin à Vienne (Autriche). Mais, très tôt, il s'affirme comme un rebelle, qui rejette le conformisme et l'ordre moral bourgeois que veut imposer une Amérique en mal de respectabilité. Il affiche son homosexualité et, comme nombre de ses compatriotes d'ailleurs, mis à part le fait qu'il aurait pu emprunter une autre voie, il multiplie les petits métiers. Héroïnomane pendant treize ans, il vit d'abord à New York, puis dans le Sud des États-Unis. En 1950, il quitte son pays pour un séjour de trois ans au Mexique (où il tue sa seconde femme d'un coup de pistolet, par accident), ensuite, il se rend en Amérique du Sud, au Maroc et à Londres.
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« et « thé », ça va même jusqu'à en fumer de temps à autre et à trimbaler sur soi une petite provision de marijuanapour en offrir aux affranchis à Hollywood.» Le narrateur, lui, sait qu'on l'a donné aux flics et il s'enfuit vers l'Ouest,avec ses amis.

Mais, très vite, l'un d'eux, surnommé le Glaiseux, cherche à braquer une voiture de police.

Les autresl'abandonnent à son triste sort.

Direction Chicago puis Kansas City, Houston et, enfin, le Mexique.

Le drogué évoluedans un univers magique où il se trouve magnétisé par son intuition qui lui fait deviner la présence du contact, dudealer.Puis, une série de divagations semble traduire la perception du monde propre au drogué mais qui exploite lefantastique psychologique et retrouve les schémas narratifs du conte philosophique tout en inversant son butpédagogique.

En effet, dans une utopie inversée, le territoire d'Annexie, le docteur Benway dirige les services de laDémoralisation Totale et impose une police de la pensée évoquant le fameux Big Brother de 1984 (George Orwell) etanticipant les principes «politicaly correct » de l'Amérique puritaine.

Puis le médecin devient « conseiller médico-technique de la république de Libertie, territoire voué à l'amour libre et à l'hygiène du bain».

En fait, il organise lecentre de reconditionnement où il traite les êtres humains comme des mécanismes biologiques dont il se charge demodifier les données à son gré.Suivent des médaillons fantastiques à visée encyclopédique : ils évoquent les sujétions du corps et les fantasmesde l'esprit, le plus souvent développant des pulsions homosexuelles ou évoquant la hantise de la déliquescence ducorps privé de formes.

Ainsi, le lecteur ne parvient plus à se référer à ses repères ni moraux ni intellectuels.

Il setrouve comme aspiré dans le délire de l'auteur, qui passe en revue les aberrations sexuelles, les déviations cliniqueset exploite le thème éternel du médecin innocemment cruel et naturellement maléfique.

Les retours au réel après lesincursions dans le délire fantasmatique s'espacent, témoignent d'un déséquilibre croissant.

En fait, tout est droguedans l'existence parce que tout le monde cherche à se masquer la réalité, s'invente des religions et des impératifs, àl'instar du drogué qui refuse la vie et s'autodétruit.Mais, dans un univers halluciné, la narration met en forme les angoisses fondamentales de l'être humain, délire de lapersécution, hantise de la castration, refoulement de l'homosexualité, etc.

Aussi Benway rêve-t-il d'un système decontrôle total de l'équilibre hormonal du cerveau.

Le récit s'achève sur la traque du narrateur par deux prétenduspoliciers de la brigade des stupéfiants, qu'il assassine.

La postface juxtapose enfin les derniers délires du narrateur,souffrant de l'impossible «renonce» et de la déconnexion de l'affectivité provoquée par la drogue.

Présence morte etimpassible au monde, il s'enfonce dans l'univers du verbe. L'ANALYSE Un catalogue des pratiques et des délires Le texte du Festin nu constitue une vaste métaphore qui déplace dans le champ de l'écrit la perception de soi et dumonde du drogué.

Comme tel, le récit fonctionne aussi comme un équivalent rhétorique du pourrissement idéologiquede la civilisation occidentale tout entière.

En somme, l'intoxiqué incarne le passage à la limite des obsessionshumaines propres à l'imaginaire occidental dont il a intégré toutes les frustrations.

Aussi le roman peut-il apparaître,à bien des égards, comme une manière de pamphlet dirigé et contre la société américaine qui ne connaît d'autreméthode curative que la répression policière, et contre la génération beatnik dont l'espace imaginaire de la Libertiereprend les principes pour mieux les pousser à leur terme délétère.

Au terme de la narration, rien n'existe plus que laparole — que le narrateur manie, par ailleurs, avec lyrisme, maîtrisant à la perfection les procédés de la rhétoriqueet les effets sonores.Ainsi, par le biais des échos, le texte en vient à se parodier lui-même, réalisant par là une ultime pirouette,réfléchissant sur sa propre signification dont il convient, en toute logique, de nier l'importance, de la présenter sur lemode de la distanciation comique : « Le sommelier gronde horriblement, les lèvres retroussées, le visage virantvicieusement au violet vineux.

Il brise au ras du col un jéroboam de Brut 1926...

» Il n'est pas question, en effet,pour Burroughs, de se répandre en lamentations tragiques sur son sort dramatique.

Il produit seulement une série devisions inextricablement liées.

Car il n'existe ni avant ni après dans la temporalité neutre du drogué : il ne connaîtque l'attente destinée à combler un besoin viscéral.

Aussi, sorte de puzzle, le texte ne progresse-t-il vers rien,surtout pas vers une leçon ou un sens directement identifiable.

« On peut couper dans Le Festin nu à n'importe quelpoint d'intersection...» La dérive du sens peut s'amorcer à partir de l'exploitation d'un terme aux significationsmultiples : ainsi, le mot « contact » désigne le dealer, qui permet à l'intoxiqué de mettre en relation son organismeet la drogue, qui déconnecte le cerveau antérieur et le cerveau postérieur, maître des affects.Le récit, affolé comme un texte surréaliste, transcrit pratiquement sur le mode automatique les angoissescauchemardesques d'un narrateur en proie à la hantise de la déperdition non tant du moi que du corps.

La drogues'impose comme le médiateur indispensable à la réunion des fragments dispersés d'un organisme imbibé desubstances mortifères.

Elle symbolise le principe de la vampirisation omniprésent dans le texte.

Ainsi, des êtresfantastiques comme Bradley l'Acheteur ou les Mugwumps s'approprient la substance des autres en se collant sur leurcorps.

La drogue anéantit le cerveau.

Le docteur Benway donne une explication clinique du phénomène, conçucomme une recherche du néant, une négation de la vie en soi et une réduction à l'état d'automate.

Mais la sciences'avère impuissante à maintenir l'équilibre.

Bien au contraire, elle accélère le processus de décomposition encherchant à aliéner les individus, comme en témoignent les expériences atroces de Benway, qui réactivent lesphobies de dépossession de soi en élaborant des théories scientifiques fantaisistes.

Ses descriptions en médaillonsévoquent, alors, irrésistiblement, des séries de comics où le corps caricaturé perd sa forme.

La retrouvera-t-il ?Les fantastiques psychologique et physiologique fournissent une vision déréglée du monde assez semblable à cellede Boris Vian.

Cependant, le narrateur se dissocie : il peut apparaître dans une sorte de parodie de l'action. »

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