Le Plaidoyer d'un fou
Publié le 30/03/2013
Extrait du document

Le Suédois Strindberg écrivit directement en français « cette histoire qui ne sera jamais imprimée mais qui sera lue en manuscrit par ceux qui vivront après moi « ; cette volonté de l'auteur, exprimée dans une lettre à son éditeur en 1888, est sujette à caution puisque, en 1893 (deux ans après son divorce), le livre parut en édition allemande avec son accord. «Ceci est un livre atroce. Je l'admets sans objection, car, de l'avoir écrit, j'ai un regret cuisant. « (Strindberg, avant-propos au Plaidoyer d'un fou, 1887.)

«
«Je suis comme un
fœtus détaché avant
terme du cordon
ombilical
! ,.
.----------- EXTRAITS
Un début de mauvais augure
Elle continue de me visiter.
Et toujours elle s'assied sur mon sofa,
prétextant une lassitude maladive.
Alors, honteux de
jouer au timide, fou
d'être humilié, sus
pect peut-être d'être
un impuissant, je la
viole, un
jour - si
c'est la violer! -etje
me redresse après, su
perbe, heureux, enflé
d'orgueil, content de
moi, comme après une
dette
payée à une
femme.
Mais elle se relève , la
mine piteuse, penau
de, en gémissant :
- Dis, qu'est-elle de
venue la fière ba
ronne maintenant ?
Et la peur des suites
de l'empoigner.
Sa fi
gure attristée
trahit
une désillusion amère, comme il arrive tou
jours
aux prémices des amours de hasard,
expédiées sans
le calme qu'ilfaut.
- Quoi ! n'était-ce que cela ? ...
Elle
part , à pas lents ; et, du haut de ma
croisée, je la suis, au tournant de la rue, en
soupirant aussi :
- Quoi ! n'était-ce que cela
?
Le fils du peuple a conquis la peau blanche,
le roturier
s'est acquis l'amour d'une fille
de race, le porcher a mêlé son sang à celui
de la princesse.
Mais à quel
prix cela ! ...
Scène ordinaire de la vie conjugale
Une haine s'est allumée en moi, haine plus
fatale que l'indifférence puisqu'elle consti
tue
le revers de l'amour qui s'y dérobe à tel
point que je serais tenté de formuler
l'axiome ainsi : je la hais parce que je
l'aime.
A un dîner du dimanche, dans un
bosquet du jardin , le fluide électrique,
amassé depuis dix ans, se décharge à
propos
deje ne sais quoi.
N'importe! Pour
la première fois
je la frappe.
Une grêle de
soufflets lui pleut sur la figure
et comme elle s'avise de résister
je lui brise
les poignets et la fais s'agenouiller.
Elle pousse un cri horrible.
Mais la jouis
sance instantanée que j'éprouve se change
vite en horreur lorsque j'entends les enfants
affolés de
frayeur se mettre à crier à tue
tête .
C'est le moment le plus pénible de ma vie
de misère.
C'est un sa
crilège, un assassinat,
un crime contre nature
de battre une femme,
une mère !
Et voir ses
enfants...
là
! Il me
semble que le soleil
n 'aurait pas dû éclairer
cette scène ...
La vie me dégoûte !
Et tout de même, un
calme comme après
l'orage, une satisfac
tion
comme après un
devoir accompli se font,
descendent en mon es
prit ! Je regrette mon
action, je ne m'en re
pens pas ! Telle cause,
tel effet.
Le soir, Maria se pro
mène au clair de lune.
Je vais à sa rencontre:
je l'embrasse.
Elle ne me repousse pas,
fond en larmes, et, après une causerie ,
m'accompagne jusque dans ma chambre où
nous nous aimons
jusqu'à minuit .
Quel étrange
ménage! Je la bats à midi.
Le soir nous couchons ensemble !
« Une haine s'est
allumée en moi ..• ,.
NOTES DE L'ÉDITEUR
«L'effrayant Strindberg.
Cette fureur, ces
pages arrachées à
la force du poing.
»
Franz Kafka, Journal, 7 août 1914.
« La première femme de Strindberg, Siri
von Essen, eut sur
sa vie une influence
unique
et jamais, ni avant, ni après, il
n'aima de la sorte.
Le Plaidoyer d'un/ou,
reflet d'une misogynie sans bornes et
inspiré par le délire de la jalousie, laisse
pourtant une profonde impression.
C'est un document.
L'auteur y
dévoile sans pudeur
tous les éléments psychiques de son amour,
le besoin d'adorer, de faire de sa femme une
divinité, l'éveil de sa sensualité, sa haine
croissante
de toutes les femmes .
Il décrit
tous ses états
d'âme, du don enivré de
soi-même à l'hostilité déchaînée, le conflit
d'autorité,
la lutte de l'homme qui veut
sauvegarder son indépendance,
la
signification que revêt à ses yeux la
maternité et les sentiments de père.
»
«En tant qu'acte libérateur d'un malade, ce
livre peut se justifier ; ce qui est par contre
assez peu pardonnable,
c'est que l'auteur ait
rendu public, au bout
de quelques années,
un document aussi pitoyable
sur son
infirmité, s'acharnant à injurier et calomnier
la femme qui fut, des années durant, une
épouse aimante
et dont il avait eu des
enfants.
» Dictionnaire des auteurs de tous
les temps et
de tous les pays , SEDE
Laffont-Bompiani, 1952.
Karl Jaspers,
Strindberg et Van Gogh,
Les Éditions de Minuit, 1970.
l co l l.
Violl et 2, 3, 4 ill.
de L.
Soutie r.
éd.
Fondatio n Gianadda, Martigny, 1990 / D.R .
STRIN DBERG 04.
»
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