Devoir de Philosophie

Les dieux ont soif d’Anatole France (résumé & analyse)

Publié le 06/12/2018

Extrait du document

Les dieux ont soif
 
Salués par un succès presque unanime dès leur publication, en 1912, présentés comme un des chefs-d’œuvre d’Anatole France par les anthologies et les manuels scolaires, Les dieux ont soif restent, de nos jours, un de ses textes les plus lus, peut-être parce qu’on y trouve un univers pleinement romanesque.
Synopsis. — Avril 1793. Évariste Gamelin, jeune peintre, partisan inconditionnel, du nouveau pouvoir révolutionnaire (i, ii), aime en secret Élodie, qui, partageant ses sentiments (iii) finit par obtenir une déclaration (iv). Comme elle avoue avoir été autrefois « séduite », Évariste accuse aussitôt, à tort, quelque aristocrate (v). Son voisin, l’ex-financier Brotteaux des llettes, matérialiste sage et courageux (vi), est resté en relation avec son ancienne maîtresse, Mme de Rochemaure (vu). Grâce à cette intrigante, toujours flanquée de l'opportuniste Henry, lequel, on le devinera peu à peu, est le vrai séducteur d'Élodie, Évariste est nommé juré au Tribunal révolutionnaire (xiii). C'est le début de la Terreur (ix), à peine oubliée le temps d'une partie de campagne (x). Alors que Mme de Rochemaure. en contact avec des émigrés, est trahie par Henry. Élodie « force » Évariste à devenir son amant (xi). 

« (xxvii).

C'est pourquoi Gamelin, comme avant lui F.

Trubert (xv), faisant « à [sa] patrie le sacrifice de [sa] vie et de [son] honneur» (xxv), recherche le martyre (xxv-xxviii), couronnement de tout fanatisme.

Toutefois, Gamelin n'est pas totalement insensible.

Les dieux ont soifmêlent en effet une histoire d'amour à l'histoire de la Terreur: Élodie Blaise est attirée par la beauté sévère (III) d'Évariste et, banalement, devient sa maîtresse.

Mais l'habileté de France est d'imbriquer étroitement les deux histoires, qui progressent et s' achè­ vent parallèlement, se nourrissant l'une de l'autre.

D'abord, en politique comme en amour, Évariste se laisse conduire par les événements : «Nous sommes pré­ cipités, notre œuvre nous dévore» (X?CV), dit-il en jugeant la Convention, alors qu'il laisse Elodie prendre toutes les initiatives (Iv, v, XI).

De plus, dans le domaine de l'amour et dans celui de la politique se reproduit une antithèse semblable : les Conventionnels, rêvant de justice sereine, développent la Terreur; Élodie, se sroyant née pour un bonheur paisible (X, XXVII), aime en Evariste l'« amant sanguinaire» : «Plus elle le voyait couvert du sang de ses victimes, plus elle avait faim et soif de lui » (XVI).

Au paroxysme de la Terreur corres­ pond le paroxysme de l'amour, mêlant «horreur et volupté» (xxv).

De même l'amour s'exprime-t-il dans des symboles révolutionnaires : ainsi la « bague en argent où l'on voyait en relief la tête de Marat entortillée d'un foulard » Jviii), et dont Elodie se débarrasse précisé­ ment quand, Evariste mort, « la figure de Marat, tout usée, écrasée, ne se distingue plus » (xxix).

Enfin, alors que, en plein triomphe idéologique de Rousseau (x), c'est « le bon Jean-Jacques qui leur donnait les moyens de peindre et d'orner leur amour » (VIII), les signe§ de cet amour renvpient toujours à la mort (paroles d'Eva­ riste : IV, ou d'Elodie : x; allusion à Werther: x; goût du néant : XVIII) et au sang (cf.

l'œillet rouge, «comme une goutte de sang » : XI, xxviii).

En antithèse à Gamelin, ivre de passion, France a créé le « ci-devant financier » Brotteaux des Ilettes, son porte-parole en maintes occasions.

S'adaptant à la tour­ mente avec sagesse (II), Brotteaux est d'abord un« syba­ rite» qui connaît tout le prix d'un mets (x) ou d'une forme charmante (x, xxv).

Mais sa sensualité ne l'empê­ che pas de juger sans illusion des choses de la vie.

Il sait que la Terreur court à sa perte (IX, XI) parce qu'il faut « gouverner les hommes tels qu'ils sont et non tels qu'on les v oudrait être » (x).

Ce détachement s'enracine dans un matérialisme déclaré.

Se réfugiant dans la lecture de son cher Lucrèce (vi, XIV, XIX), Brotteaux reprend les thèses de d'Holbach (vi) sur le plaisir (vi), la mort (XIX) ou la « mécanique céleste » (XIV).

Il est donc athée (x) « avec délices » (vi), et, comme la « coterie holbachi­ que », il poursuit de sa haine ce «jean-fesse » (vi) de Rousseau.

France utilise donc le personnage de Brot­ teaux pour évoquer les luttes idéologiques des années 1793-1794, mais aussi pour revenir sur une de ses obses­ sions : la justice, particulièrement dangereuse sous « le despotisme de la liberté ».

Même révolutionnaires, « les juges, les jurés ( ...

) ne sont pas des hommes, ce sont des choses » (XIX).

Les Conventionnels, comme tous les fanatiques, subordon­ nent l'avènement d'une justice sereine au triomphe de leurs idées (vi, IX) et sont d'autant plus impitoyables qu'ils croient détenir la vérité (XIII).

Or, ils n'évitent ni la vénalité (xxviii), parfois odieuse (XXI), ni l'incompétence (xxn), parfois grotesque (xxiii).

Ils ne jugent que par une suite d'actes illégaux (XXII), bafouant les droits élémen­ taires de la défense (XXIV), et assouvissent même, comme Gamelin, leurs haines personnelles avec cynisme : « Il est des services qu'on ne peut se refuser entre collègues » (XVI).

En fait, France dénonce « la continuité de la justice à travers les régimes» (IX).

A l'instar de Fouquier, les «magistrats de l'ordre nouveau ressemblaient d'aspect et de façons aux magistrats de l'Ancien Régime » (Ix), assurant la continuité d'un appareil redoutable.

Mais, comme les verdicts populaires sont aussi iniques (VI), c'est l'idée même de justice que France et Brotteaux rejettent : « Si j'étais de votre président, je ferais comme Bridoie, je m'en rapporterais au sort des dés.

En matière de justice, c'est encore le plus sûr » (viii).

Ainsi, il se dégage des Dieux ont soif une philosophie désabusée qui consacre la vanité de tout engagement.

Seuls, à la fin du roman, réussissent les opportunistes, qui, tous, ne recherchent que le plaisir et la volupté, avec cynisme (Jean Blaise, Henry) ou indifférence (Desma­ his).

Contrairement à Mme de Rochemaure qui, bien qu'intrigante sans scrupules, meurt pour avoir malgré tout manifesté des opinions, mieux vaut s'adapter à tout, comme font Julie Gamelin et Rose Thévenin.

Ce cynisme est pourtanJ tempéré, par quelques scènes émouvantes -adieux d'Elodie à Evariste (xxvm), et à sa bague-symbole (XXIX) -, et surtout par la pitié indul­ gente que France manifeste vis-à-vis des gens du peuple, crédules (x) mais pleins de bon sens (II, xxvii), sachant d'instinct relever les ridicules (IV, VIII) et les exagérations (XVI).

C'est sans doute dans ces évocations fugitives et tendrement ironiques, points d'orgue de nombreux cha­ pitres (II, VI, VII, xv, notamment), que France rejoint le plus nettement le « scepticisme charitable » de Jérôme Coignard, livrant l'idée-force de sa philosophie, à savoir que rien ne perturbe la force de la vie, qui continue : on n'empêchera jamais les vieilles de continuer leurs tra­ vaux (XVII), les lecteurs d'aimer les romans libertins (Ix), et « les chiens, sous 1' échafaud, [de] lécher le sang de la veille » (XIV) [Voir aussi ROM AN HISTORIQUE].. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles