Les Justes de Camus (fiche de lecture)

La Peste, on l'a vu, fut un impressionnant succès : l'oeuvre immédiatement rencontra un public qui n'allait cesser de croître; d'entrée, les lecteurs saluèrent en elle l'un des classiques de la littérature de notre siècle. Avec L'Etranger, Camus s'était fait une place dans le monde des lettres. Les articles de Combat l'avaient imposé comme l'une des grandes voix de la Résistance et l'une des principales figures intellectuelles de l'après-guerre. Le triomphe de La Peste, cependant, fut d'une autre ampleur. Avec cet ouvrage, âgé seulement de trente-quatre ans, Camus passe de la notoriété à la célébrité. A en croire son biographe, Herbert Lott-mann, dès cette année, l'Académie suédoise songe à lui décerner le prix Nobel : Camus aurait été alors le plus jeune lauréat de l'histoire.

Partagé entre l'embarras et la satisfaction, Camus doit accepter désormais de jouer son rôle de «grand

écrivain «. Il est de plus en plus entouré et de plus en plus sollicité : son influence augmente d'autant. Consa­cré ambassadeur de la culture française, il se rend en Grande-Bretagne et en Amérique latine pour y pro­noncer une série de conférences. La légende qui déjà l'entoure gagne en importance.

Au plan national et international, cependant, les années de l'après-guerre sont le temps d'un véritable déchirement qui affecte Camus au plus profond de lui-même. Membre de la Résistance, éditorialiste à Combat, Camus, en effet, avait été de ceux qui, aux lendemains de la Libération, avaient rêvé d'une révolu­tion qui poursuivrait et donnerait sens au combat mené dans l'ombre contre le fascisme.

 

Malgré le drame de l'épuration et les tensions qui déjà s'étaient manifestées, le rêve subsistait d'un pays qui, dans l'unanimité née de la victoire, saurait jeter les bases d'une société plus juste. A mesure que le temps passe — et tout particulièrement en cette année 1947 qui voit la publication de La Peste — ce rêve s'étiole et se défait.