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L'Etranger: analyse

Publié le 14/08/2014

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Achevé en 1940, publié en 1942, L'Etranger ouvrit à son auteur la voie de l'une des plus brillantes carrières de la littérature française contemporaine. Il ne s'agis­sait pas — on l'a vu — du premier livre qu'ait signé Camus : L'Envers et l'Endroit et Noces l'avaient pré­cédé. Il ne s'agissait pas davantage du premier roman auquel il ait travaillé : et c'est ce qu'il convient de dire maintenant pour découvrir ce que fut la genèse vérita­ble de L'Etranger.

Genèse de L'Etranger

De La Mort heureuse à L'Etranger

Entre 1936 et 1938 — c'est-à-dire à l'époque même de L'Envers et l'Endroit et de Noces —, Camus s'enga­gea dans la rédaction d'un premier roman qui devait s'intituler La Mort heureuse. Le texte n'en sera pu­blié qu'en 1971, constituant le premier numéro des «Cahiers Albert Camus« aux éditions Gallimard. Achevé, le manuscrit fut en effet abandonné par son auteur lorsque le projet de L'Etranger s'imposa à lui avec assez de force et qu'il éclipsa le roman qui l'avait précédé.

Le critique Roger Quilliot présente La Mort heu­reuse comme une œuvre « à la fois mal cousue et remar­quablement écrite «. Le livre relate l'aventure d'un jeune homme — Patrice Mersault — s'engageant dans une quête du bonheur qui le mènera du crime à la disparition : de la mort donnée à la mort reçue. Il y découvrira la plénitude bouleversante d'un accord pas­sionné avec ce monde dans lequel rien n'a de prix sinon cet « unique devoir de l'homme qui est seulement d'être heureux «.

Le roman s'ouvre sur une scène d'assassinat : Mer-sault y abat d'un coup de revolver un vieil infirme du nom de Zagreus et s'empare de la fortune de celui-ci. Déguisé en suicide, réalisé presque à l'instigation de la victime, le crime est parfait et donne à son auteur les moyens de mener cette vie libre de tout souci matériel qui est la condition première du bonheur. En ce sens, il n'est pas inexact d'affirmer que La Mort heureuse constitue comme la réfutation romanesque du célè­bre proverbe selon lequel «L'argent ne fait pas le

bonheur «. Camus semble souscrire au moins en partie aux propos qu'il met dans la bouche de l'un de ses personnages :

«Ne me faites pas dire que l'argent fait le bonheur. J'entends seulement que pour une certaine classe d'êtres le bonheur est possible (à condition d'avoir du temps) et qu'avoir de l'argent c'est se libérer de l'ar­gent. «

Sur la base de ce principe, le roman semble s'organi­ser de manière on ne peut plus simple. Par la technique du « flash-back «, la première partie nous ramène à l'exis­tence que menait Mersault lorsque, pauvre et contraint à toutes les routines et à toutes les servitudes de l'exis­tence, il lui était impossible de connaître véritablement le bonheur. Symétrique, la seconde partie du roman nous découvre un Mersault libre enfin de s'engager dans la seule expérience qui vaille la peine d'être vécue : la poursuite volontaire et lucide de son propre bonheur. Au temps perdu de la pauvreté s'oppose donc et répond le temps retrouvé de la richesse et de la félicité.

 

L'argent suffirait-il donc à faire le bonheur ? On se doute que la philosophie de Camus ne se réduit pas au seul renversement des stéréotypes de la sagesse popu­laire. La conviction exprimée dans La Mort heureuse rejoint celle qui, sur un autre mode, résonnait déjà dans les plus belles pages de Noces : une existence humaine n'a de valeur et de grandeur que lorsqu'elle se fait face-à-face lucide et passionné avec tout ce que notre destinée contient d'irrémédiablement fini.

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