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Etranger (L') - Roman d'Albert Camus (analyse détaillée)

Publié le 24/10/2018

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Etranger (L') - Roman d'Albert Camus (1913-1960), publié à Paris chez Gallimard en 1942.

 

L'Étranger est né en 1938 de l’abandon de la Mort heureuse, roman qui paraîtra sous sa forme inachevée, à titre posthume, en 1971. Le héros de la Mort heureuse, Mersault (« Mer-Soleil », précisera Camus), devient Meursault (Meurt-Soleil ?). L’Étranger illustre une forme de bonheur et de tragique méditerranéens chantés avec lyrisme dans

Noces (1939), mais aussi l’absurdité, c'est-à-dire le silence du monde devant les interrogations fondamentales de l'homme, réflexion philosophique que Camus approfondit, en même temps qu’il compose l’Étranger, dans le Mythe de Sisyphe (1952). Achevé en mai 1940, pendant l’exode, l'Étranger paraîtra le 15 juin 1942, sous l’occupation allemande.

 

Première partie. Meursault, le narrateur, employé de bureau algérois, apprend la mort de sa mère. Il prend l'autobus pour se rendre à l'asile où elle a fini ses jours et assiste avec indifférence à la veillée et à l'enterrement (chap. I ). Le lendemain. samedi, il rencontre Marie dans un établissement de bams. l’emmène au cinéma et passe la nuit avec elle. Le dimanche s'étire dans l'ennui et le désœuvrement (2). Meursault retrouve son bureau et ses voisins : Céleste le restaurateur, le vieux Salamano qui bat son chien, et Raymond Smtès. dont on dit dans le quartier qu'il « vit des femmes ». Celui-ci demande à Meursault de rédiger une lettre destinée à une femme qui l'a trompé (3). Le samedi suivant. Meursault se rend à la plage avec Marie. Au retour, ils assistent à une scène violente au cours de laquelle Raymond frappe sa maîtresse. La police étant intervenue, Meursault accepte de témoigner en faveur de Raymond. Salamano. lui. a perdu son chien (4). Une semaine s’écoule. Meursault refuse une promotion que lui propose son patron parce qu'elle l'exilerait à Paris. Le vieux Salamano pleure son chien (5). Meursault et Marie vont passer le dimanche à la plage, avec Raymond, chez un ami nommé Masson. Deux Arabes les ont suivis. L'un est le frère de la femme que Raymond a maltraitée. Une dispute éclate : Raymond est blessé d'un coup de couteau. Un peu plus tard, par une chaleur accablante, il revient provoquer son agresseur. Meursault qui. lui. a pris son revolver par précauton. se retrouve seul face à l'Arabe. Aveuglé par le soleil et i’éclat du couteau que celui-ci a sorti de sa poche, il tire sur lui une première fois, puis quatre fois alors qu'il est déjà à terre (6).

 

Deuxième partie. L'instruction du meurtre a commencé. Le juge en appelle au Christ l’avocat aux sentiments ordinaires, sans parvenir à émouvoir Meursault (I). Celui-ci reçoit en prison les visites de Marie et comprend que son châtiment implique des privations. Il doit s'habituer à « tuer le temps (2). Un an après le meurtre commence le procès, auquel Meursautt assiste avec détachement II ressort des témoignages que Meursautt s'est montré insensible à la mort de sa mère. Marie, devenue sa maîtresse au lendemain du procès, et Raymond, dont les activités de souteneur donnent une apparence de logique au meurtre, aggravent malgré eux le cas de Meursault (3). Invoquant la préméditation, le procureur requiert la peine capitale contre un homme qui méconnaît les régies essentielles de la société. Meursault est condamné à mort (4). Il se révolte dans sa cellule contre la compassion de l'aumônier et s'ouvrant « pour la première fois à la tendre indifférence du monde ». souhaite que son exécution soit saluée par des cris de haine (5).

 

L'histoire est celle d'un « barbare » tel que Camus le définit dans Noces : sensible à la nature, profitant de chaque instant sans penser au lendemain, mais ressentant obscurément que son bonheur est trop intense pour n’être pas précaire. C'est le meurtre de l'Arabe qui figure, suivant cette lecture, l'irruption de la tragédie dans le quotidien. Meursault en a l'intuition au moment où il fait feu machinalement : « Et c'était comme quatre coups brefs que je frappais sur la porte du malheur » (I, 6), quatre coups qui font songer aux quatre coups du « destin qui frappe à la porte », au début de la Cinquième Symphonie de Beethoven.

 

Mais cet épisode central détermine chez le héros une évolution. Il est, au début, détaché de ce qui d’ordinaire importe aux hommes : insensible à la mort de sa mère, aux déclarations d’amour de Marie, à son avenir professionnel. À l'enterrement, 11 a surtout souffert du manque de sommeil et de la chaleur (I, 1) ; celle-ci devient bienfaisante au moment où il rencontre Marie à la plage, mais éterniser par le mariage des instants de sensualité n'a pour lui aucun sens. Le soleil encore le pousse à préférer le présent quand son patron lui offre d'aller vivre à Paris. Si

Meursault tue, c'est pourtant, comme il le dira au procès, « à cause du soleil ». Peut-être, en effet, n'était-il pas lui-même par cette chaleur accablante et sous cette lumière aveuglante quand il a tiré. L'instruction et le procès sont pour Meursault incompréhensibles : le juge prétend lui faire demander pardon à un Dieu qu'il ne connaît pas ; avocat, procureur, président et aumônier sont complices pour créer de lui une image qu'il rejette ; on veut enfin punir sa tête pour un crime où sa main et le soleil semblaient seuls impliqués. Quant à la société qu'il ignorait au début du récit, il finira par invoquer sa haine pour mieux s'affirmer contre elle.

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« le temps » (2 ).

Un an après le meurtre commence le procès.

auque l Meursault assist e avec d~tachement.

Il ressort des témoignages que Meursault s'est montré insensibl e à la mort de sa mère.

Marie, devenue sa ma?tresse au len­ demain du procès.

et Raymond.

dont les activités de souteneu r donnen t une apparence de logique au meurtre, agg raven t m al gré e ux le cas de Me ursault (3).

Invoq uant la prém~ita tion.

le pro­ cureur nequiert la peine capital e contre un homme qui méconna?t les règles essentielles de la soci~é .

Meursault est condamn é à mort (4 ).

Il se réJolte dans sa cellule contre la compassion de l'aumônier et.

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souhaite que son exécution soit saluée par des cris de haine (5) .

L'histoire est celle d'un « barba re ,.

tel que Camus le défm1t dans Noces : sensible à la nature , profitant de cha­ que Ins tant sans pen ser au lend emain, mais ressentant obscu ré ment que son bonh eur est trop int e n se po ur n 'être pas précai re.

C'est le meurtre de l'A rabe qui figure, suivant cette lect ure , l'irrup­ tion de la trag édie dan s le quotidien.

Meur sa ult en a l' int uition au m omen t où ll fait feu machin alemen t : • Et c'é tai t comme quatr e coups brefs qu e je frappais sur la port e du malheur ,.

(1, 6), quatre coups qui font so nger aux quatre coups du « destin qui frappe à la porte ,., au déb ut de la Cinq uième Sympho nie de Beeth ove n.

Mais cet épisode central déte rmine chez le héros un e évo lution.

11 es t, au d éb ut, déta ché de ce qui d'ordinair e i m po rte aux h omme s : insen sible à la mort de sa mère, aux déclarations d'llm o ur de Marie, à so n av en ir profe s­ sio nn el.

À l'enterr eme nt, il a su rto ut so uffe rt du manqu e de sommei l et de la chaleur (1 , 1); ce lle-cl devient bien ­ faisante au moment où ii renco ntr e Marie à la plage, mals éte rni ser par le mar iage des instant s de se nsu alité n'a p o ur lui aucun sens .

Le soleil enc ore le p o usse à préfé r er le prése nt quand son patron lui offre d'alle r vivre à Paris .

SI Meursault tue, c'est po urtant , comm e ille dira au proc ès , cà ca use du soleil "· Peut-être, en effet, n 'éta it-il pas lui­ m êm e par cette ch ale ur acc ablante et so us ce tte lumière aveu gla nte quand Il a tiré.

L'In s tru ctio n et le procès sont po ur Meursault inco mpr éhens ibl es : le Juge pré te nd lui faire demander par­ do n à un Dieu qu 'il ne co nnaît pa s; av oca t, procureur , prési dent et aumô­ nier sont compli ce s po ur crée r de lui u ne Image qu ' il reje tte; o n veut enfin punir sa tête p ou r un crime où sa ma in et le so le il se mb lai e nt seuls impliqu és .

Quant à la soci été qu 'il Ignorait au dé but du récit, il finira par Invoquer sa ha ine po ur mi eux s'affirm er co ntr e elle.

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au m onde et à lui-même avant le me urtre ? 11 ne se l 'es t j ama is demand é.

On peut le ju ger au co ntr ai re singulièrement prése nt aux élé m e nts (mer, soleil) et à so n exis­ ten ce du mom e nt.

Ma is la société r é cl ame que nous soyons présents à eU e, à ses lois, à ses ha bitu des, au nom d'u ne identité de notre personne ; en sollidtan t l e mari age, Marie prétendait dé jà qu e Meur s ault se proje tte dan s l 'aveni r; en établissant que l'homme q ui a tué l'Arabe n'a pas pleur é à la mort d e sa m ère , le procu reur impos e une continuité à son moi dans le passé.

Se forgean t enfin une cons dence afm de re pousser celle qu 'on pré tend fabri­ quer à sa pla ce, Meursa ult ne se décou ­ vre, à la derniè re page, « étra ng er ,.

aux ho mm es que po ur mi eux s'o u vri r au mond e.

Cette ouverture , qui semblait instlnc tlv e chez lu i, Meursault peut désormais la formuler .

On au ra compris que l'Étranger peut aussi se lire co mme une sati re de la co méd ie social e, poussée à la cari cature par le c érémonial de la Justice, et que M e ursault déco uvr e à la ma nière du Candi de ou d e l'In génu de Voltaire.

S'il était seule m ent vi ctime d 'une erreur judiciaire, la sa tir e s erait plutôt. »

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