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L'Eve future

Publié le 06/04/2013

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Villiers de l'Isle-Adam crée un monde fabuleux où les inventions les plus récentes paraissent déjà habituelles. Pour la plus banale, le phonographe, elle avait, depuis sa conception par Charles Cros en 1877 et sa réalisation par Thomas Edison la même année, moins de dix ans d'existence lorsque L'Ève future fut publié en 1886. Cependant, à l'encontre de Jules Verne, son contemporain, Villiers n'affiche pas une grande fascination pour ces découvertes, qui provoquent chez lui une certaine ironie. Le livre est dédié « aux rêveurs, aux railieurs «. Le roman devait inspirer Fritz Lang et sa scénariste Thea von Harbou avec leur célèbre Metropolis (1927).

« ~ ------ - EXTRAITS « Si vous avez trouvé naturels les charmes du premier aspect de miss Evelyn Habal, j'imagine que vous allez revenir sur cette impression.

» Guérir grâce à la science - ...

J'ai peut-être un moyen de vous guérir ou, tout du moins de ...

- Hélas! Impossible! ...

dit lord Ewald avec un sourire amer.

La science ne saurait aller jusque-là.

-La Science ?-Je suis celui qui ne sait rien, qui devine parfois, qui trouve souvent, qui étonne toujours.

- D'ailleurs l'amour dont je souffre est d'un ordre qui ne saurait sembler qu 'étrange et inconcevable .

- Tant mieux ! tant mieux ! ...

dit Edison en ouvrant de plus en plus les yeux.

Donne z-moi, seulement quelques dé­ tails! La promesse d'Edison Après une minute de stupéfaction : Mais une telle créature ne serait jamais qu 'une poup é e insensible et sans intelli­ gence! s 'écria-t-il, pour dire quelque chose.

- Milord , répondit gravement Edison , je vous le jure : prene z garde qu'en la juxta­ posant à son modèle et en les écoutant toutes deux, ce ne soit la vivante qui vous semble la poupée.

Non encore bien revenu à lui-même, le jeune homme souriait amèrement, avec une sorte de politesse un peu gênée.

- Laissons cela, dit-il .

La conception est accablante : l 'œuvre sentira toujours la machine ! Allons ! vous ne procréere z pas une femme ! Et je me demande, en vous écoutant , si le génie ...

Une femme multiple comme les rêves - Vous voyez, pour conclure, que Hadaly (la première Andréide) est tout d'abord une souveraine machine à visions, presque une créature, une similitude éblouissante.

Les défauts que je lui ai laissés, par politesse pour l'Humanité, consistent seulement en ce qu'il y a plusieurs genres de femmes en elle, comme chez toute vivante.

(On peut les effacer.) Elle est multiple, enfin, ·comme le monde des rêves.

Mais le type suprême qui domine ces visions, Hadaly seule, est, si j'ose le dire, parfaite.

Les autres, elle les joue : c'est une merveilleuse comédienne, douée, croyez-moi, d'un talent plus homo­ gène, plus sûr, et bien autrement sérieux que miss Alicia ...

La réalité est en nous, non dans l'objet Ainsi sa première palpita­ tion de tendresse, d'espé­ rance et d'ineffable amour, on la lui avait ravie, ·extor­ quée : il la devait à ce vain chef-d'œuvre inanimé, de l'effrayante ressemblance duquel il avait été la dupe.

Son cœur était confondu, humilié, foudroyé.

Il embrassa d 'un coup d 'œil le ciel et la terre , avec un rire vague , sec , outrageant, qui renvoyait à l 'inconnu l'injure immé­ ritée que l'on avait faite à son âme.

Et ceci le remit en pleine posses­ sion de lui-même ..

.

La femme que représen­ tait cette mystérieuse poupée assise à côté de lui, n'avait jamais trouvé en elle de quoi lui faire éprouver le doux et sublime instant de passion qu'il venait de ressentir.

« Elle entra, souriante, dans le beau cercueil, avec une sorte de grâce ténébreuse.

» NOTES DE L'ÉDITEUR Stéphane Mallarmé, Villiers de l'Isle-Adam, 1890 .

de l'Isle-Adam reste obscur.

Étrangement, son œuvre, qui fut, en son temps, moins dérangeante que celle de Mallarmé, l'est peut-être devenue davantage.

Elle foisonne et déborde où celle de Mallarmé coupe net.

Villiers est un nouveau baroque, dont les livres , dit Mallarmé, ont " deux assises imposantes selon les modes en secret correspondant du Rêve et du Rire ".

Cette relation du Rêveur et du Rieur permet à Villiers d'intégrer discrètement sa propre dérision.

» Bernard Noël, L 'Allure mentale, Éditions Hôtel Continental , 1986.

« Pamphlet par excellence, qui atteint ce résultat auparavant refusé, de mener l'ironie jusqu'à une page cime, où l'esprit chancelle: car il ignore, s'il ne trouve pas, plutôt fascinant, précieux, qu' abominable, le motif, par rapport à la Femme, dont l'entité suggère l'audace de ce livre . ..

et par exemple , si Hadaly, cette artificielle amante, ne charme pas, davant age, non, mais autrement, qu'une issue, au degré simple , de la vie ; cela dans un bosquet de parc, à quel moment éternel d'un rendez-vou s.

» « Il avait en lui deux écrivains essentiellement dissemblables : le romantique et l' ironiste .

L 'Ève future représenterait comme un mélange de ces deux tendances si diverses, car ce livre d'une écrasante ironie est aussi un livre d'amour .» Remy de Gourmont, Le Livre des masques, 1896.

« L'apport de Mallarmé a fait l'objet de tant d'études qu'il est public; celui de Villiers 1 pho to de Loys Delteil, G oldn er I Sipa- lco no 2, 3, 4.

5 gravures de D rouart, éd.

Jonqui ères, Paris, 1925 / D,.R.

VILLIERS DE L'ISLE-ADAM 03. »

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