Devoir de Philosophie

L'existentialisme est un humanisme de Sartre (résumé et analyse)

Publié le 21/03/2015

Extrait du document

humanisme
L'existentialisme est un humanisme est le compte-rendu d'une conférence donnée par Sartre le 29 octobre 1945 dans le cadre du club Maintenant, créé par Marc Beigbeder et Jacques Calmy.
 
Sartre y défend sa doctrine (l'existentialisme) contre les critiques des chrétiens et des communistes, puis il essaie de la définir positivement comme un humanisme, c'est-à-dire comme une philosophie où «l'homme n'est pas enfermé en lui-même mais toujours présent dans un univers humaine«.
 
Comment Sartre passe-t-il alors d'une démarche phénoménologique, axée essentiellement sur l'étude des structures de la conscience, à une doctrine philosophique qui se réclame désormais de l'humanisme?
 
Le principal apport de Sartre consistera alors à définir cet être de la conscience comme liberté : seule une conscience libre, c'est-à-dire une conscience qui ne s'englue pas dans le monde et le transcende (le dépasse, par sa visée intentionnelle), peut en effet être conscience du monde.
 
Cette liberté n'est cependant pas un pur arbitraire : il ne suffit pas de nier le monde pour l'imaginer, mais on le nie toujours depuis un certain point de vue ou une certaine situation (terme par lequel Sartre désigne «les différents modes immédiats d'appréhension du réel comme monde«) ; la conscience n'est pas dans cette perspective en dehors du monde, fantôme flottant au dessus de sa condition 1.
 
Nous sommes donc, selon la paradoxale formule de Sartre, «condamnés à être libres« : il n'y a pas chez l'homme une essence, c'est-à-dire une nature fixe, contre laquelle il faudrait lutter ou dont il faudrait se détacher pour être libre, mais je ne puis jamais cesser d'être libre.
 
Même dans la passion, dans l'émotion ou dans toutes les modalités de mon existence qui, traditionnellement, ressortissent à ma passivité, j'affirme ma liberté par le seul fait que j'existe.
 
l'autre, en tant qu'être raisonnable et législateur, qui doit donc devenir le principe régulateur de la moralité.
 
Or, Sartre, comme partisan d'une moralité concrète qui permette d'agir en ce monde et qui ne se fonde pas sur des principes formels (position que confirmera sa critique de la philosophie pratique kantienne dans L'existentialisme est un humanisme), ne peut se résoudre à fonder son éthique de l'engagement sur la personne humaine, pas plus que sur aucune valeur préétablie.
 
On pourrait penser que la théorie sartrienne d'une liberté absolue et apparemment indéterminée ne pourrait amener à aucune prescription morale : si tout choix est libre, s'il découle de la radicale contingence du Pour-soi (qui ne peut pas ne pas choisir, en tant qu'il est engagé, mais qui n'est d'autre part guidé par aucun impératif a priori), alors on ne peut distinguer des actions qui sont morales et d'autres qui ne le sont pas, étant donné qu'il est impossible de trouver une justification à ses actes.
 
Comment expliquer ce revirement ainsi que la constitution de l'existentialisme en doctrine philosophique, ce qu'avait toujours refusé Sartre auparavant?
 
L'existentialisme est un humanisme est alors un ouvrage clairement polémique, du fait qu'il vient répondre à des critiques qui ont été émises à la suite des publications sartriennes mais aussi du fait que Sartre cherche à s'y distinguer, quitte à simplifier exagérément les analyses extrêmement complexes de L'Être et le Néant3, des autres composantes du champ intel1.
 
Par ce concept de subjectivisme, il faut entendre une philosophie qui part de la subjectivité humaine ou, dans le cas extrême de l'idéalisme, réduit le monde à ce qui se donne à cette subjectivité, bref à des «contenus de conscience«.
 
Il n'en reste pas moins que Sartre part de la conscience immédiate et intentionnelle, c'est-à-dire de la subjectivité de l'individu : il serait absurde de penser que je pourrais partir du monde avant même d'être sûr de mon existence, --- sauf à retomber dans l'attitude naïve dénoncée par Husserl dans ses Idées directrices pour une phénoménologie, dont on a vu l'influence sur Sartre lui-même.
 
C'est la nécessité de partir de l'existence, et de la subjectivité (le ccogito) pour comprendre l'homme, qui signe la spécificité de l'existentialisme : l'existence n'est pas déductible de la nature (ou d'une nature humaine) ou de la logique.
 
C'est pourquoi Kierkegaard, qui a opposé le plus radicalement au système hégélien la spécificité de l'existence humaine, et qui a montré que l'existence humaine n'était en rien un concept, peut être désigné par Sartre comme le père de l'existentialisme.
 
À l'inverse, pour l'existentialisme athée, celui de Sartre, l'existence précède toujours l'essence : «l'homme existe d'abord, se rencontre, surgit dans le monde et [...] il se définit après2«.
 
L'existentialisme, s'il est un subjectivisme, au sens où il part bien de l'existence en tant qu'elle est subjective, n'est donc pas pour autant un individualisme : «je suis responsable pour moi-même et pour tous, et je crée une certaine image de l'homme que je choisis ; en me choisissant, je choisis l'homme4«.
 
Je peux très bien, en tant qu'européen, comprendre le projet d'un indigène d'Amérique du Sud, --- ce qui rend possible la pratique de l'ethnologie ---, aussi bien que le projet d'un poète français du XIXe siècle, --- ce qui rend possible la pratique de ce que Sartre définit dans L'Être et le Néant comme la «psychanalyse existentielle«, c'est-à-dire la discipline qui se donne pour but de comprendre la vie d'un homme à partir du choix originel qui détermine son projet d'être3.
 
Ainsi, il y a bien une universalité de la condition humaine, qui est toujours à la fois plongée dans un monde et capable de le dépasser, sans que cette universalité se fonde sur une nature humaine, identique chez moi, chez l'indigène d'Amérique du Sud et chez le poète français du XIXe siècle : tel est l'humanisme de Sartre, un humanisme sans essence de l'homme, un humanisme qui n'exclut pas mais accepte au contraire la différence4, bref un humanisme existentialiste.
 

humanisme

« 6 Sartre, L'existentialisme est un humanisme La découverte phénoménologique de la liberté La phénoménologie désigne une doctrine fondée par Edmund Husserl en Allemagne au début du xxe siècle, et prolongée par son disciple Martin Heidegger (dont l'ouvrage principal, Etre et Temps, exercera une forte influence sur L'Être et le Néant).

Celle-ci prend la forme d'un projet philo­ sophique extrêmement classique, et déjà annoncé de l'aveu de Husserl lui­ même par Descartes!, celui d'une fondation de la connaissance et d'une description des phénomènes de la conscience : d'où son nom de «phénoménologie», puisqu'elle part de ce qui apparaît (phainomenon, en grec) à la conscience pure.

Sartre prend contact avec la phénoménologie par l'intermédiaire de Raymond Aron, étudiant en 1931-1932 à l'Institut français de Berlin : c'est Aron, écrit Simone de Beauvoir qui convainquit Sartre « que la phénoménologie répondait exactement à ses préoccu­ pations : dépasser l'opposition de l'idéalisme et du réalisme, affirmer à la fois la souveraineté de la conscience et la présence du monde tel qu'il se donne à nous2 ».

Sartre n'arrive pas en effet sans attentes devant la phénoménologie: sa position philosophique se caractérise par un double refus, celui de l'idéa­ lisme classique (dont le représentant en France est Léon Brunschvicg), qui réduit l'ensemble des faits à des contenus de conscience ; et celui du réa­ lisme, qui fait au contraire de la conscience une chose parmi les choses : dans les deux cas, la possibilité d'une connaissance de l'objet est impensable - puisque dans un cas, l'objet est « absorbé» par la conscience3, et dans l'autre cas la conscience ne peut sortir d'elle-même pour se dépasser vers le monde, étant donné que comme tout objet de ce monde, elle est condamnée à rester enfermée dans ses limites d'espace et de temps.

Or, Husserl permet de dépasser cette double impasse.

Il le permet grâce à l'idée d'intentionnalité de la conscience, dans laquelle Sartre verra la plus grande découverte de la phénoménologie husserlienne.

Cette intentionnalité, qui est une 1.

Cf.

Husserl, Méditations cartésiennes, PUF, collection« Épiméthée», méditation 1 "'· 2.

Beauvoir, La Force de l'âge, Gallimard, p.

157.

3.

Sartre dira d'ailleurs de l'idéalisme qu'il s'agit d'une philosophie «digestive » : cf.

« Une idée fondamentale de la phénoménologie de Husserl : l'intentionnalité » in Situations, l, Gallimard, 1947.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles