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MALLARMÉ: Les Fenêtres (Fiche de lecture)

Publié le 19/11/2010

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lecture

«Ainsi, pris du dégoût de l'homme à l'âme dure Vautré dans le bonheur, où ses seuls appétits Mangent, et qui s'entête à chercher cette ordure Pour l'offrir à la femme allaitant ses petits,

Je fuis [...]«

La répugnance qu'éprouve le poète est d'autant plus forte qu'il se sent enchaîné à ce réel honni, aussi incommodant qu'une mauvaise odeur:

«[...] hélas ! Ici-bas est maître : sa hantise Vient m'écoeurer parfois jusqu'en cet abri sûr, Et le vomissement impur de la Bêtise

Me force à me boucher le nez devant l'azur.«

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« Ce poème, comme la plupart des poèmes de Mallarmé écrits entre 1860 et 1864, est placé sous le signe des Fleurs du mal: ainsi, l'opposition entre l'«Ici-bas» et l'Idéal reprend celle entre Spleen et Idéal ; on retrouve en outre nombre d'images fortes provenant de Baudelaire: le «triste hôpital», le «grand crucifix» et «l'ordure» («Les Phares») ; le soleil sur la pourriture («Une Charogne») ; les parfums et le nonchaloir («La Chevelure»). À ce matériau d'emprunt, Mallarmé impose un traitement qui lui est propre, sibien qu'au bout du compte, sa vision du Poète se démarque nettement de celle de Baudelaire. LE DÉGOÛT DE LA VIE Les images qui gouvernent la première moitié du poème dressent un cadre oppressant, bien fait pour suggérer lasituation du poète pris au piège d'un monde sans beauté : «Las du triste hôpital, et de l'encens fétide Qui monte en la blancheur banale des rideaux Vers le grand crucifix ennuyé du mur vide, Le moribond sournois y redresse un vieux dos [...]» Tout comme le moribond, prisonnier de sa maladie, cherche à oublier «Les tisanes, l'horloge et le lit infligé»,en sepostant aux fenêtres, le Poète ne pense qu'à quitter le monde réel, marqué par la Bêtise : «Ainsi, pris du dégoût de l'homme à l'âme dure Vautré dans le bonheur, où ses seuls appétits Mangent, et quis'entête à chercher cette ordure Pour l'offrir à la femme allaitant ses petits, Je fuis [...]» La répugnance qu'éprouve le poète est d'autant plus forte qu'il se sent enchaîné à ce réel honni, aussi incommodantqu'une mauvaise odeur: «[...] hélas ! Ici-bas est maître : sa hantise Vient m'écoeurer parfois jusqu'en cet abri sûr, Et le vomissement impurde la Bêtise Me force à me boucher le nez devant l'azur.» LA FUITE VERS UNE POÉSIE PURE L' «abri sûr» dont le poète se plaint qu'il est parfois envahi par ce qu'il cherche à fuir, c'est l'Idéal, «ciel antérieur oùfleurit la Beauté».

Le Poète peut espérer le rejoindre par l'intermédiaire de la fenêtre, qui symbolise son art — l'artétant lui-même associé au sacré : «[...] j'aime — Que la vitre soit l'art, soit la mysticité — À renaître, portant mon rêve en diadème Au ciel antérieur où fleurit laBeauté !» L'Idéal poursuivi par le Poète est caractérisé par sa pureté, comme en témoignent les images qui le suggèrent:«l'azur», ciel limpide que ne brouille aucun nuage, ou encore «le matin chaste de l'Infini». Dès lors, le Poète lui-même doit se purifier pour atteindre la Beauté : son art doit être comme un «verre [...] lavéd'éternelle rosée» ; et lui-même, dont initialement la bouche encrassait «les tièdes carreaux d'or», se métamorphoseen «ange» au cours de sa quête de l'idéal.

Ce processus proche de l'ascèse spirituelle est une évocation du travaildu poète.

Pour Mallarmé, qui reprend en cela la conception d'Edgar Poe, le poète doit, en forgeant ses vers, fairetaire ses propres sentiments et n' avoir en vue qu'une chose : l'effet à produire sur le lecteur, qu'il obtient par lecalcul et la maîtrise technique. 2.

LES AFFRES DE LA CRÉATION LA FENÊTRE: UNE VOIE D'ACCÈS GUI FAIT OBSTACLE Chercher l'azur, c'est donc accepter le travail harassant de la création.

Ce travail est un véritable combat, queMallarmé rapproche de l'acte de mourir, s'appuyant implicitement sur le sens étymologique du mot agonie (agônia: lutte, en grec): «je meurs», dit le Poète qui accède à l'idéal. Ce combat est toujours à recommencer, comme le suggère la prolifération des termes désignant les fenêtres(croisées, verre, vitre, cristal) : le Poète n'en a jamais fini d'«enfoncer le cristal», c'est-à-dire de traverser lafenêtre.

La tâche est d'autant plus difficile que la vitre est parfois envahie de reflets qui font d'elle un miroir, danslequel le Poète se mire.

Cette ambiguïté de la fenêtre, tantôt transparente, tantôt voilée, renvoie au double aspect. »

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