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MAURIAC Le Noeud de vipères (Fiche de lecture)

Publié le 22/02/2012

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La métaphore du noeud » nous a fait pénétrer dans la symbolique mauriacienne. Comme dans la plupart de ses romans, Mauriac nous transmet ici un climat, une atmosphère pesante, étouffante. Il conviendrait, dans cette direction, d'étudier ,plus en détail la peinture de la famille (les clans, les conflits, les préjugés, les oppositions de générations, les rapports oedipiens...) ; le délire de persécution dont Louis est l'objet (et qui confine à la folie, dont il est très souvent menacé et qui atteindra Janine); l'hostilité générale du climat (autre constante de l'univers mauriacien); la province et le poids de ses préjugés (opposée à Paris, lieu de la libération — pas forcément bonne); la nature et la végétation, moins présentes que dans d'autres livres de Mauriac, mais très prégnantes malgré tout (les métaphores de l'arbre, p. 123 ; de la racine, pp. 88, 93...); la chaleur d'été étouffante et soulignée par « la férocité des cigales » (p. 127); la maison, la chambre, tous lieux clos, propices à la surveillance, à- l'espionnage (et antithétiques des ouvertures que constituent les promenades sous les tilleuls, les évasions dans un espace éolien).
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« La première personne qui parle et écrit s'adresse toujours à une deuxième personne — ce qui empêched'assimiler la confession à un journal.

Le récit de Louis suppose un destinataire, pas toujours identique,d'ailleurs.

C'est à Isa que la lettre s'adresse en priorité, ainsi que l'affirment les premières pages du roman.

Maisla lettre ne s'arrête pas avec la disparition de l'épouse du narrateur ; le destinataire, en revanche, change : «J'irai jusqu'au bout de ce récit.

Je sais maintenant à qui je le destine (p.

197).

Toutefois, l'hésitation persiste,l'apostrophe désignant parfois la belle-soeur de Louis (« Que reste-t-il de toi, Marinette, morte en 1900 », p.123), le plus souvent plutôt ses enfants pris en bloc.

Le destinataire peut être aussi le narrateur lui-même,accréditant par là l'interprétation religieuse (le récit étant proche alors d'un examen de conscience tel que lepratiquaient Thérèse d'Avila, citée en épigraphe, ou Baudelaire à qui renvoie le titre ; cf.

p.

72 : « Au fond, c'est pour moi-même que j'écris »). 2. La narration subjective autorise l'omniscience et résout la problématique du romancier-démiurge.

Dans un articlecélèbre repris dans Situations I (Gallimard, Paris, 1947), Sartre reprochait à Mauriac à propos de La Fin de la nuit, roman très postérieur au nôtre, cette omniscience du romancier changeant de point de vue au cours du même livre,tel un dieu ou un « diable brouillon et fureteur » qui soulèverait les toits des consciences et saurait tout sur despersonnages au destin fixé a priori.

La critique ne tient pas pour Le Noeud de vipères, livre écrit à la première personne par un personnage-narrateur unique (même' si l'on décèle quelques discrètes interventions de l'auteur).Tous les oublis, toutes les allusions sont permis à un autobiographe subjectif et arbitraire.

Pas grand-chose, parexemple, sur les Fondaudège, sur la mère de Louis, sur Philipot, sur son successeur auprès de Marinette, etc.Procédé qui, en même temps qu'il suscite la frustration du lecteur (et donc son intérêt), assure du rythme au récitet une richesse suggestive.

Enfin, la technique romanesque adoptée dans ce livre impose une focalisation unique.L'ensemble des personnages, des événements n'est vu que par le regard de Louis.

Pas de contrepartie, de réponsed'Isa par exemple, de correctif apporté par un autre protagoniste.

Excepté, peut-être, les deux lettres d'Hubert etde Janine qui clôturent le roman.

Toutefois elles ne sont pas d'une importance matérielle suffisante pour compenserle récit précédent. 4.

La narration subjective suppose un rapport au temps assez libre.

La ligne temporelle est inévitablement brisée parun constant va-et-vient entre le présent de l'écriture, divers niveaux du passé et même l'avenir conjecturé.

Lapremière page du roman fournit un parfait exemple de ce jeu sur les temps et mériterait une étude précise. Un jeu subtil de préparations, de jalons, d'amorces ou de reprises en « leitmotiv » (Rodolphe, les enfants, Luc,l'argent, etc.) permet de remettre en place patiemment les morceaux du puzzle.

Quelques dates autorisent même une reconstruction chronologique (1862, naissance de Louis ; 1885, mariage ; 1909, liaison avec la mère de Robert ;1930, mort d'Isa puis de Louis, etc.).

Mais des renseignements manquent, des pièces font défaut qu'il nous fautimaginer. Les personnages 1.

Louis a/ Le crocodile C'est par ce terme que Phili désigne son grand-père qui ramasse l'insulte avec orgueil : « Je ne te démentiraipas : crocodile je suis, crocodile je resterai » (p.

76).

C'est ce sobriquet qui devait primitivement servir de titreà ce livre, comme le révèle le fils de l'auteur.

« J'appellerai mon prochain livre : Le Crocodile [...] c'est l'histoire d'un anticlérical qui écrit son journal » (C.

Mauriac, La Terrasse de Malagar, cité clans l'édition de La Pléiade, t.

II, p.

1160). Le terme peut recouvrir aussi bien la rapacité odieuse que la méchanceté haineuse qui caractérisent Louis.

Il serafacile de montrer son avarice : souci d'un métier lucratif, thésaurisation, cupidité, exploitation des autres...

Le goûtde l'argent est ostensiblement revendiqué : J'aime l'argent, je l'avoue, il me rassure [...].

Eh bien, oui, j'ai peur dem'appauvrir.

Il me semble que je n'accumulerai jamais assez d'or.

Il vous attire, mais il me protège » (p.

52).

L'argentdevient pour Louis l'aune de ses valeurs morales comme de ses plaisirs : J'aime que tout soit tarifé : oserais jeavouer cette honte ? » (p.

91).

Dans ces protestations d'avarice il faut voir peut-être l'aveu d'une faiblesse et d'undésir d'amour.

Pour ce maladroit, cet écorché vif, l'argent paraît être un paravent, un alibi, une protection, unmoyen de manifester son existence.

La préface de l'auteur nous invite d'ailleurs à la prudence des jugements : «Non, ce n'était pas l'argent que cet avare chérissait...

» (p.

7).

N'arrive-t-il pas à Louis d'avoir d'ailleurs de vraisélans de générosité, ou du moins des marques de désintéressement (avec Luc, Robert, Marie...) ?En revanche, la méchanceté ne fait pas de doute.

Toute la machination imaginée à la première page du livre relèved'une cruauté sadique.

La haine est également acceptée, brandie comme une provocation, : « J'ai cru longtempsque ma haine était ce qu'il y avait en moi de plus vivant », (p.

12).

Les termes de « haine », de « vengeance »,reviennent avec une fréquence anormale.

A l'égard d'Isa : « Je t'ai haïe dès la première année », (p.

80) ; à l'égardde Phili, représentant d'une jeunesse exécrée : « Je déteste, je hais les jeunes gens » (p.

121); à l'égard de Robert,« cet employé, ce subalterne, cet abruti », (p.

161); à l'égard des chrétiens : « Je n'en continue pas moins de haïr. »

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