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MÉLUSINE (résumé & analyse) Jean d'Arras

Publié le 25/11/2018

Extrait du document

MÉLUSINE (fin du xive et début du xve siècle). Les Très Riches Heures du Duc de Berry illustrent le mois de mars par des scènes champêtres devant un château survolé par un serpent ailé, que ce détail désigne comme Lusignan. En pleine guerre de Cent Ans, cette forteresse, à peine reprise par Du Guesclin à Creswell, est au centre d’une légende dynastique qui puise dans la culture populaire et la tradition savante. Le sort de la famille de Lusignan, qui a possédé et perdu les couronnes de Jérusalem et Chypre, puis rapidement décliné, les besoins d’une aristocratie soucieuse de compenser par un enracinement dans le terroir poitevin la précarité de ses assises, expliquent la double production littéraire consacrée à Mélu-sine, ancêtre mythique du lignage, à la fin du xive et au début du xve siècle. Jean de Berry commande à son libraire et relieur Jean d’Arras une Histoire de la Bele Melusine en prose ( 1387-1393) tandis que Guillaume VII de Parthenay fait rédiger en vers, par le libraire parisien Coudrette, sur le même sujet, un roman courtois attardé de 6629 octosyllabes, Mellusigne (après 1401).

« Élinas, roi d'Albanie (Écosse), a rencontré à une fon­ taine la plus belle des femmes, Présine, qu'il épouse en lui promettant de ne pas chercher à la voir en couches.

Elle lui donne trois filles, dont Mélusine.

Poussé par son fils, il transgresse J'interdit: Présine disparaît en Avalon avec s7s filles qui, apprenant la faute paternelle, enfer­ ment Elinas dans une montagne.

Chacune est punie pour cet acte : Mélusine se transformera régulièrement en ser­ pent du nombril aux pieds.

Plus tard, elle se trouve sur le chemin de Raymondin, lors d'une chasse au sanglier monstrueux, au cours de laquelle il tue accidentellement son oncle qui J'a recueilli.

La femme, une fois de plus trouvée à une fontaine, lui offre son amour en échange de la promesse de ne pas chercher à voir ce qu'elle fait le samedi.

L'union est prospère, Mélusine crée d'immenses richesses à J'origine mystérieuse, défriche, multiplie bourgades et châteaux, permet à Raymondin de récupérer l'héritage paternel en Bretagne, et met au monde dix fils dont les huit premiers ont chacun une tare (le sixième, Geoffroy, a une dent qui dépasse de trois centimètres, le huitième, Horrible, a trois yeux et tue deux nourrices avant quatre ans).

La plus grande partie du roman raconte les exploits d' Urien et Guyon à Chypre, ceux de Geoffroy en Irlande, à Chypre et en Bretagne.

Mais la fatalité de la race entraîne des exactions (Geoffroy brûle l'abbaye où s'est réfugié un des ses frères).

Elle atteint le paroxysme quand Raymondin, égaré par les calomnies de son frère, comte de Forez, rompt Je pacte : par un trou creusé avec son épée dans la porte qui la dérobe aux regards, il voit Mélusine au bain, métamorphosée.

Elle Je quitte, condamnée à rester serpent jusqu'au Jugement, non sans avoir recommandé d'étouffer Horrible.

Elle reviendra de nuit pour s'occuper des derniers enfants en bas âge, et plus tard chaque fois que la forteresse va être perdue.

Raymondin se fait moine à Montserrat.

Au départ de cette histoire, on reconnaît une riche tradition mythique, littéraire et folklorique.

Le schéma d'ensemble, dédoublé, est celui de la rencontre de la fée à la fontaine, de l'amour dispensateur de richesses lié à un interdit, de la transgression qui fait disparaître l'être de l'Autre Monde, ce schéma « mélusinien >> popularisé, d'après des modèles celtiques (la Mac ha irlandaise, Li Ban) par des Jais (Lanval, Graëlent), et que Mm• Harf­ Lancner oppose au schéma « morganien >> (le mortel rejoint la fée dans l'Autre Monde: Guingamor, Parto no ­ peu de Blois).

La variante de la métamorphose est attes­ tée par des c•mtes recueillis par des compilateurs du xnc siècle (Gervais de Tilbury, Gautier M ap ), dans Je milieu de la Cour d'Henri II Plantagenêt et d'Aliénor.

Plus fondamentalement, apparaît une structure de mythe indo-européen, connue dans 1' Anti qu ité (Psyché) et J'Inde (Urvaçî); la formule de la femme serpent relève de 1' archétype (féminité, eau, lune et serpent associés à la fécondité e1 à la mort).

Le motif de la descendance monstrueuse (Tydorel, Robert le Diable) complète ce bricolage de légendes.

Mais qu'elle soit« Mère des Lusi­ gnan>>, «Mater Lucina>> (H.

Dontenville) ou « Melissa >> (Artémis), la Mélusine du XIVe siècle est d'abord la bâtisseuse et la défricheuse, la source fantas­ matique des richesses et de la puissance aristocratiques, finançant les expéditions qui donnent la gloire, construi­ sant les châteaux, fondatrice de lignées.

On la retrouvera encore au XIx • siècle, dans le folklore poitevin et armori­ cain, comme incarnation de la fertilité agricole.

BIBLIOGRAPHIE Éditions.

-Jean d'Arras, Mélusine, roman du Xlii' siècle.

éd.

L.

Stouff, Pari s- D ijo n, 1932; Jea n d'Arras, Mélusine, trad.

par M.

Perret, Stock Plus, 1979; Coudretle, Li Livres de Lusignan.

éd.

Fr.

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A consulter.

-A.

Lebey, le Roman de Mélusine, Paris, 1925; L.

Stouff, Essai sur Mélusine.

Dijon-Paris, 1930; G.

Bergm an.

The Me/usine Saga, Uppsala, 1964; Cl.

Lecouteux, Mélusine et le chevalier au Cygne, Payot, 1982.

et>, Annales, 1971; E.

Le Roy Ladurie, >, le Territoire de l'historien, Gallimard,>, 1973; Fr.

Clier-Colombani, la Fée Mélusine au Moyen Âge, Paris, Le Léopard d'or, 1991.. »

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