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MONSIEUR BOB'LE. Pièce en trois actes et en prose de Georges Schehadé (résumé de l'oeuvre & analyse détaillée)

Publié le 24/10/2018

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MONSIEUR BOB'LE. Pièce en trois actes et en prose de Georges Schehadé (Liban, 1907-1989), publiée à Paris chez Gallimard en 1951, et créée par Georges Vitaly à Paris au théâtre de la Huchette le 30 janvier 1951.

Tout à la fois d'Orient et d'Occident, la poésie charmante du créateur de Monsieur Bob'le ne ressemble à nulle autre. C'est par la poésie que le poète devient auteur dramatique, désirant avec cette première pièce donner corps à ses rêves et à quelques fragiles vérités poétiques. Schehadé fera sienne l'exigence fondamentale de Breton et des surréalistes, d'un retour à une condition humaine plus authentique. Les moyens utilisés pour y parvenir seront ceux du surréalisme : le rêve, le voyage initiatique, la quête du merveilleux, l'attente. Si par l'écriture, par l'esprit, Schehadé le Libanais rejoint d'autres poètes français - Saint-John Perse Supervielle, Éluard, qui lui rendirent hommage -, il est aussi le mage de l'Orient célébré par Supervielle : « Heureux Georges, qui allie aux dons des meilleurs conteurs arabes ceux du poète français le plus racé. » Ce théâtre n'a pas d'action, peu ou pas d'intrigue ; les personnages, fragiles, ingénus, inquiets, irrémédiablement déracinés, semblent des intrus parmi leurs homologues de la dramaturgie occidentale.

Monsieur Bob'le, homme doux, sage et vénéré par son village, prépare son départ vers des contrées mystérieuses. Les pleurs de ses proches — Arnold, le fidèle compagnon, Michel, son fils adoptif - et de tous les villageois ne peuvent faire taire les voix intérieures qui le poussent à abandonner l’abri protecteur de la maison (Acte I).

Le départ de Bob’le est douloureusement ressenti par les habitants de son village, Paola-Scala, désorientés par son absence. La vie s’est arrêtée dans la petite communauté, aucune décision ne peut être prise sans le « guide ». Michel, dans son désespoir, néglige Corée, sa fiancée, la seule à résister, pour sauver son amour, à la langueur générale et au climat d'irréalité qui s’installe. Arnold se ronge d'inquiétude pour « son Roi », les villageois divaguent et jouent aux cartes dans l'attente de celui qui leur insufflait la vie. La visite de José-Marto, messager de Bob'le, suscite une émotion générale. Tous sont impatients d'avoir des nouvelles de leur cher absent. José-Marco transmet à chacun le souvenir du « Dominus », décrit l'île imaginaire de Monsieur Bob’le où « les arbres sont habillés de velours », et commente ses nouvelles activités consacrées à la découverte de la vraie vie et « des curiosités de l'existence » (Acte II).

Bob'le ne reviendra pas parmi les siens, il mourra dans un hôpital, frappé d'une étrange maladie qui « ressemble à une aventure », en proie au délire, étreint par la nostalgie des lieux familiers. Il reconnaît à peine ses amis de Paola-Scala, venus lui rendre un ultime hommage. Ses dernières paroles : « Le ciel est un village », expriment la nostalgie d’un homme qui a abandonné « les fruits, l’eau et le soleil de sa maison » pour des chimères (Acte III).

L'histoire de Monsieur Bob'le est celle du passage du poète dans la cité, et des bouleversements qu'il provoque. Divers thèmes se développent dans un climat poétique, sur le ton de l'humour et de la tendresse. L'absence et l'appel de l'inconnu dominent la pièce ; Bob'le, le personnage principal, part pour d'étranges aventures, à la recherche d'un pays perdu : « La vérité de soi, celle de l'innocence et de la jeunesse. » Les thèmes de la pureté et de l'innocence s'inscrivent en filigrane dans ceux de la quête et de l'initiation : pour entrer dans l'île de Bob'le, sorte de jardin d'Éden où « les grands bambous se rompent les os dans la joie de la lutte », il faut, comme José-Marco,

« subir au préalable un exil volontaire «sur une haute montagne, dans les rafales ...

du côté des sour ces ''· La mort de Bob' le est « à peine une absence ,, il refuse la tragédie et la révolte : « Pour­ quoi cette folie, ce combat avec toutes les solitudes.

Je suis un homme et n'es­ père pas guérir.

>> Car la conception gréco-latine du destin tragique de l'homme n'a pas de pla.ce dans la dra­ maturgie schéhadienne.

Le conflit de l'homme et de la divinité, qui est aux sources du théâtre grec, est peu com­ pris par la mentalité arabe pour qui « tout vient de Dieu et tout lui revient"· La quête de Bob'le le conduit à la mort, sans révolte, car il faut être en accord avec l'ordre établi.

Schehadé rejoint la conception chrétienne de la destinée humaine, partagée par la reli­ gion musulmane avec, peut-être, plus de rés i gnation existentielle.

Le thème de l'instabilité des êtres et des choses, si fréquent chez les poètes de l'Orient, -trouve ici une représenta­ tion symbolique.

L'univers de ce nou­ veau chevalier du Graal et de ses com ­ pagnons semble, à première vue, totalement réaliste, mais ce cadre cou­ tumier, réconfortant , prend très vite une allure saugrenue.

Il y a là le phar­ macien, l'instituteur, la vieille fille, qui gesticulent, devisent, empruntés et malicieux, et qui, soudain figés, « éloi­ gnent et rapprochent, jusqu'à les confondre, le plan du réel et le plan de la vie en poésie ».

Sche hadé crée un univers fraternel et irréel qui fait pen­ ser à « ce monde orthodoxe qui, par­ delà les mers que contient la Méditer­ ranée, relie les personnages de Nicolas Leskov à ceux de Kazantzakis ,, à Goha le Simple, figure populaire du folklore arabe, à qui les personnages de Mon­ sieur Bob'le ont emprunté la bonhomie, le goût de la vie, qu'assombrit à peine la présence de la mort.

Le rêve, l'imagination, la poésie sont les éléments .

fondateurs de cette dra~ maturgie qui n'obéit à aucune règle reconnaissable, et dans laquelle le temps et l'espace épousent les contours des songes.

On peut comprendre les réticences et l'étonnement des specta­ teurs devant ce théâtre si peu conven­ tionnel.

Pourtant, peu à peu, grâce aux dons du conteur libanais, les barrières s'estompent et une étrange connivence s'instaure entre le public et les person­ nages.

«Il ne faut pas tenter d'expli­ quer, il faut sentir», aimait à répéter l'auteur de Monsieur Bob'le; on ne peut aborder autrement une œuvre qui s'adresse à la sensibilité beaucoup plus qu 'à la raison.. »

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